"Le régime qui reste plus que jamais d’actualité, c’est l’alimentation équilibrée", dit Marjorie Ernens, diététicienne à Verviers
Diététicienne au CHR Verviers, Marjorie Ernens livre ses conseils pour éliminer les excès des fêtes. Il n’y a pas de recette miracle: la clé, c’est une alimentation équilibrée. Et tout au long de l’année, d’ailleurs. Interview.
Publié le 07-01-2023 à 07h38
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En cette première semaine de l’année 2023, le temps est aux bonnes résolutions et la santé et le bien-être sont souvent au centre des préoccupations. Au sortir des nombreux repas de famille, des soupers entre amis et des restos entre collègues, quels sont les bons gestes alimentaires à adopter pour éliminer les excès des fêtes ?
La toute première chose, c’est avoir une alimentation équilibrée. Ce n’est pas se mettre dans des régimes restrictifs qu’on ne va pas savoir tenir sur le long terme mais c’est avoir une alimentation équilibrée en se fixant des objectifs réalisables. On ne va pas se dire qu’on va arrêter toute sa consommation de chocolat alors qu’on adore ça, non, on va plutôt la réduire. On va manger une mignonnette par jour puis on va évoluer à une tous les deux jours. On va trouver des compromis. Il ne faut pas arrêter ce plaisir mais le continuer tout en le maîtrisant et en le savourant. Faire des régimes restrictifs où l’on ne va plus rien manger pendant trois semaines puis quand même recommencer parce que le chocolat nous a trop manqué et manger trois tablettes par jour, ça ne va pas.
Ce côté restrictif, ce tout ou rien, c’est un risque ?
Oui car quand les personnes ne mangent plus rien, se privent, quand elles recommencent à manger, elles mangent de trop. C’est le principe des régimes yo-yo: se restreindre, recommencer à manger, et reprendre les kilos perdus, voire plus parce que l’organisme va stocker davantage pour la prochaine fois où l’on va faire une période de jeûne. Et ça peut être un danger réel si l’on a une pathologie, comme du diabète par exemple. C’est pour ça que le régime qui reste plus que jamais d’actualité, c’est l’alimentation équilibrée et personnalisée. Il faut garder en tête que c’est entre Nouvel An et Noël qu’on prend du poids, pas entre Noël et Nouvel An. On sait qu’il y a des périodes de l’année où l’on va manger davantage, avoir des repas plus copieux, grignoter, mais c’est après justement qu’il faut reprendre ses bonnes habitudes alimentaires, même si ce n’est pas évident.
Physiquement parlant, que se passe-t-il quand le corps sature ?
Ne pas manger équilibré, ne pas avoir assez de fruits et de légumes dans son alimentation, consommer plus de graisses, plus d’alcool, ça va surtout amener plus de fatigue. Et quand on est plus fatigué, on va aller vers des aliments plus riches en calories, avec une densité énergétique plus importante. Manger moins de fruits et de légumes va aussi diminuer l’apport de vitamines donc on sera plus fatigué.
Le corps met-il en place des mécanismes pour retrouver son équilibre, ou la démarche vient-elle de soi ?
Ça vient de soi. Le corps de lui-même ne met rien en place, c’est à nous de dire stop, de reprendre une alimentation équilibrée. Et ce n’est pas que pour le poids, on a tendance à l’oublier, mais c’est pour sa santé en général. L’obésité est un facteur de risques pour plein de maladies.
Après ce trop-plein, quels sont les aliments et boissons à favoriser ?
Après les excès, on va d’abord favoriser l’hydratation. L’eau, c’est hyperimportant, même primordial.
Ensuite, il n’y a pas de secret, ce sont les fruits et les légumes, cuits ou crus, mais en sachant que crus, ils gardent un peu plus de vitamines et de fibres. Mais que ce soit cru ou cuit, ce sera déjà ça de gagné. Une soupe par exemple, c’est déjà très bien. Et quand on pense à la phrase « 5 fruits et légumes par jour », c’est 2 fruits et 3 légumes. On va aussi favoriser les aliments complets, comme le pain complet plutôt que le pain blanc ou la baguette, qui vont rassasier l’estomac par la présence de fibres.
Pour les grignotages, on ne va pas dire qu’on les arrête, il faut des collations, mais on va mieux les choisir. On va éviter les biscuits riches en sucres raffinés et plutôt favoriser les fruits, les produits laitiers, les fruits oléagineux.
Et les aliments qu’on proscrit après les excès ?
Je n’aime pas dire « proscrire », ce qu’il faut, c’est plutôt diminuer en fonction de la consommation de la personne. Et là, on parle des limonades sucrées, de l’alcool, des graisses comme les charcuteries grasses… Mais on ne proscrit rien. Dans la pyramide alimentaire, il y a du chocolat et des biscuits mais ils sont tout au-dessus. Donc, c’est se dire qu’on ne doit pas en manger de façon importante.
Nourriture grasse, sucre, alcool… Faut-il culpabiliser de s’être laissé aller en décembre ?
Non, pas du tout. Les fêtes sont un moment convivial, où l’on se fait plaisir. Ce qu’il faut pendant les périodes plus chargées, c’est ne pas se ruer sur la nourriture en excès. C’est ne pas boire trop d’alcool et boire beaucoup d’eau. À l’apéro par exemple, on peut goûter de tout mais ne pas en prendre de trop afin de favoriser plutôt le repas. Pendant le repas, même chose: on goûte de tout mais on évite de se resservir. Et surtout, il faut bouger un maximum après les fêtes mais pas seulement. Bouger, c’est toute l’année.
Bouger, c’est un allié important ?
Bien sûr. Pratiquer une activité physique, c’est très important. On ne vous demande pas d’aller courir un marathon mais, selon votre capacité sportive, c’est de bouger un maximum, même simplement aller marcher. Ça permet un bien-être moral et physique.
Le sommeil est aussi un allié important car si l’on ne dort pas bien, on sera plus axé vers les matières grasses et le sucré. Il faut savoir qu’il y a des hormones de satiété qui se libèrent la nuit donc si l’on n’a pas un bon sommeil, on sera moins rassasié car ces hormones n’auront pas été libérées dans l’organisme.
Est-ce qu’on laisse la balance de côté pour les semaines à venir ?
Ça ne sert à rien de se peser chaque jour car on peut avoir une fluctuation de poids qui n’a rien à voir avec une prise de graisse. On peut se peser une fois par mois, pour voir comment le poids évolue, c’est suffisant. Sachant que le poids que l’on souhaite n’est peut-être pas le poids que le corps souhaite car, métaboliquement parlant, ce n’est pas possible. C’est ce que les gens ont tendance à oublier.
Il ne faut donc pas avoir la pression de la balance. Le poids ne doit pas jouer un rôle, l’important, c’est comment on se sent. Si l’on recommence le sport par exemple, on peut ne pas avoir perdu un gramme mais avoir pris de la masse musculaire et diminué de la masse grasse. Ce qu’on dit aux patients, c’est: "Vous n’avez peut-être pas perdu de poids mais sentez-vous vos habits moins serrés ?" Si oui, ça veut dire qu’il y a eu une perte de masse grasse car 1 kg de masse grasse va prendre plus de volume qu’1 kg de masse musculaire. C’est pour ça qu’on voit des différences avec les vêtements.
« Le but, c’est de se faire plaisir »
Des repas et des collations équilibrées ? Voici quelques pistes diététiques.
Quelles sont vos bonnes idées alimentaires pour le petit-déjeuner ?
C’est du pain le plus complet possible, avec le plus de graines – on évite vraiment le pain blanc – et le mieux c’est une garniture salée: des œufs, du fromage, de la charcuterie maigre comme du jambon ou du jambon de dinde. Si vous préférez les céréales, on peut miser sur le flocon d’avoine ou le muesli mais choisir un muesli correct, ni trop sucré, ni trop gras.
À midi et le soir ?
À midi, c’est mieux de privilégier le repas chaud mais on sait tous que c’est difficile au quotidien. Pourquoi le repas chaud à midi ? Parce qu’on a toute l’après-midi pour l’éliminer. Maintenant, on doit faire en fonction de sa journée et le repas chaud peut être interverti entre le midi et le soir, c’est selon.
Le repas chaud, ce sera des protéines (viande, poisson, alternative végétale), avec un féculent (pâtes ou riz complets de préférence mais raffiné ce n’est pas une catastrophe) et une ration de légumes. Sachant que l’assiette doit être composée pour moitié de légumes ; pour un quart de protéines ; et pour un quart de féculents.
Pour le soir, selon si on intervertit ou pas avec le repas chaud, ça peut être un repas "tartines", comme le matin, avec du pain complet – en moyenne, 2 tranches – et du fromage, de la charcuterie,… en favorisant les aliments maigres plutôt que gras et tout en variant les garnitures. On ajoute des légumes crus ou sous forme de potage par exemple.

Et les collations ?
Les fruits ; les fruits oléagineux qui sont plus riches en graisses, oui, mais ce sont de bonnes graisses ; des yaourts ; une crème dessert ; un biscuit mais comme pour les charcuteries ou fromages gras, on va réduire la fréquence et choisir le biscuit 2 fois par semaine. Évidemment, on choisit un biscuit intéressant au niveau nutritionnel.
Pour les collations, le but, ce n’est pas d’aller vers le light car on va penser qu’on peut en manger plus. Le but, c’est de se faire plaisir: si on a envie d’un pudding vanille maison, on le fait.
Par rapport à tous ces menus, ces choix possibles, il vaut mieux consulter un diététicien ?
Oui, car ce sont des professionnels de l’alimentation, formés pour fournir une alimentation qui soit la plus complète possible et qui convienne aussi à certaines pathologies. Je mets d’ailleurs en garde contre les nutrithérapeutes qui n’ont pas de reconnaissance de la profession.
Et tous les programmes alimentaires vantés à la télévision ?
On doit vraiment faire attention à ça car ça peut être dangereux si on a une pathologie. Même pour celui qui n’a pas de pathologie et qui suit ce genre de programme, c’est une perte d’argent. Si on avait un produit miracle qui permette de perdre 20 kilos, tout le monde le saurait et tout le monde irait vers ce produit or ce n’est pas le cas.