« Le taux de création d’activité est extrêmement haut », dit Jean Jungling, directeur de l’UCM pour l’arrondissement de Verviers
Directeur de l’UCM pour l’arrondissement de Verviers, le Spadois Jean Jungling a fait de la défense des indépendants sa priorité. Malgré les crises successives, il souligne leur courage incroyable. Interview.
Publié le 31-12-2022 à 08h01
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Jean Jungling, à la veille de l’année 2023, les indépendants souffrent des crises successives (le Covid, la crise énergétique, l’augmentation du coût de la vie…). Faut-il pour autant dire qu’il ne fait pas bon être indépendant en ce moment ?
C’est une foutue bonne question (rires). Vous avez raison de citer toutes ces crises mais ce qu’on constate, c’est un taux de création d’activité qui est extrêmement haut dans l’arrondissement de Verviers et en région wallonne en général. Même pendant le Covid, en 2020-2021, pas mal de gens ont malgré tout lancé leur activité. Et on remarque que ça continue. Le taux de création d’entreprises est vraiment très intéressant. Alors, oui, ça va mal, mais ça va mal pour tous les citoyens. Mais on sent que les gens ont envie de se lancer. Beaucoup ont envie de prendre leur sort entre leurs mains.
On a constaté beaucoup de fermetures de commerces, de très petites ou petites entreprises aussi, de façon temporaire ou définitive. On a l’impression que l’indépendant est pressé comme un citron.
Comme président de l’Observatoire wallon du commerce, je regarde très souvent les faillites. Si je compare à 2019, donc avant le Covid, avant les inondations et tout le reste, il y avait près de 1 000 faillites et, au 15 décembre 2022, on en avait près de 300 de moins. Vous avez cité tout ce qui faisait mal, toutes les difficultés, mais du point de vue des faillites réelles, j’en ai quelques centaines de moins. Pourquoi ? Les explications sont difficiles à donner. On a les chiffres des faillites, des procédures de réorganisation judiciaires, mais on n’a pas les infos pour les liquidations volontaires, les arrêts d’activité volontaires, sans que ça ne débouche nécessairement sur une faillite. C’est la pièce du puzzle qu’on ne maîtrise pas et qu’on n’explique pas non plus. C’est sûr que les indépendants ont été pressés comme des citrons. Des commerces ferment, d’autres réduisent leurs heures d’ouverture...
Comme directeur de l’UCM, quand vous voyez que des indépendants trinquent, ferment, réduisent leurs horaires, ça fait mal ce constat?
Ça fait mal de l’entendre car nous, on sait ce qu’il y a derrière la vitrine et que le consommateur, lui, ne sait pas. Il y a quand même près d’un tiers des indépendants qui n’arrivent pas à payer leurs cotisations sociales. Ça ne veut peut-être rien dire pour les citoyens, mais pour un indépendant, ça veut dire des difficultés pour payer ses soins de santé par exemple. Si vous n’êtes pas en ordre de cotisations sociales, il y a des remboursements de la mutuelle qui ne se font pas. Ça a des conséquences très lourdes.
Alors, à Verviers, ce qui me fait vraiment enrager, sans politiser le débat, c’est par exemple qu’on lève une nouvelle taxe sur les parkings, alors que les commerçants ont connu le lockdown, ont des loyers encore impayés, ont des pertes incroyables. C’est l’insulte suprême, c’est crapuleux. C’est sûr qu’il y a des fonctions régaliennes communales comme la police, l’enseignement,… et il faut les payer alors que les caisses sont vides, mais taxer de l’investissement, c’est le pire qu’on puisse faire.
Quand vous avez des contacts avec ces indépendants dans le rouge, qui n’arrivent pas à payer leurs factures, leurs cotisations, quel message vous font-ils passer?
Qu’ils sont courageux. J’ai eu plus de personnes dépressives avant les dernières crises. On a d’ailleurs tout un programme sur la santé mentale des indépendants car on suit ça de très près. Mais moi, dans mes contacts, j’ai des gens qui sont extrêmement courageux et solidaires. Peut-être le sont-ils parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas seuls. Comme la situation est générale, la solidarité est vraiment forte. Même dans les consultations juridiques pures, les indépendants sont beaucoup plus reconnaissants de l’aide apportée. Tout devient plus humain.
Aujourd’hui, de quoi tous ces indépendants ont-ils besoin? Et d’où doit venir cette aide?
Tout ne doit pas venir de l’argent public. On ne peut pas que reporter sur les générations futures. La logique est ce qu’elle est, la Région wallonne aussi a un taux d’endettement énorme et réinjecter de l’argent public, on doit le faire, c’est nécessaire, mais tout ne viendra pas de là. Je pense que des mesures comme le moratoire sur les faillites ou accorder des délais de paiement, c’est important.
Il faut aussi penser à ce qui s’est passé pendant le Covid et qui était positif pour nos commerçants. Il suffit de voir comme le consommateur a changé de comportement. Il consomme local mais pas seulement pour le lait ou la viande, si on veut faire le raccourci, aussi pour les professions libérales. Les entreprises elles-mêmes consomment localement aussi. Je le vois à l’Observatoire du commerce, ce sont les petites ou moyennes entreprises qui se densifient au niveau économique et ce sont les grandes villes qui souffrent. On le voit aussi à travers les faillites. Il vaut mieux être sur l’arrondissement de Verviers que sur Liège.
Ça veut dire que nos indépendants doivent jouer la carte du local?
C’est même mieux que ça. C’est le consommateur qui d’habitude réfléchissait à consommer local une fois de temps en temps qui, aujourd’hui, le fait au quotidien. Ça vient de lui. Et les commerçants ont adapté leurs mécanismes pour répondre à cette envie du consommateur. C’est une demande du citoyen à laquelle les indépendants répondent avec une offre importante. C’est le mieux car c’est naturel.
À l’UCM, est-ce qu’il y a des choses qui sont mises en place pour soutenir les indépendants en difficulté?
Tous les services sont là pour eux, qu’ils soient membres de l’UCM ou pas. On a aidé pendant les crises, on a fait des permanences sans demander «Tiens, vous êtes affilié chez qui, vous?» On est toujours ouvert et disponible.
À Verviers, le souci, c’est qu’on a eu plus de 2 mètres d’eau dans nos locaux (NDLR: situés rue Jules Cerexhe). On s’est installé aux Plenesses mais, bonne nouvelle, on va revenir ce 2 janvier dans nos bureaux verviétois rénovés. On a souffert de ça mais on a continué à faire nos permanences un peu partout dans l’arrondissement, pas seulement à Verviers.
Maintenant, pour aider les indépendants, l’UCM est dans un tout beau projet dans la continuité de la prime Créashop qui existe dans les communes. On a obtenu le nouveau marché qui permet d’octroyer 6000€ à un commerçant et, ce qui est nouveau, c’est que la prime peut être accordée aux commerçants existants aussi. C’était un peu la critique auparavant, seul le porteur d’un nouveau projet commercial pouvait en bénéficier. Maintenant, le commerçant existant qui rénove, qui réinvestit, y a droit aussi. Ce sont les communes qui doivent se porter candidates pour que leurs commerçants y aient droit. En ce moment, je me bats pour que Verviers y accède. Les communes ont jusqu’au 15 janvier pour rentrer leur dossier.