Depuis 30 ans à la Chambre, Jean-Marc Delizée est le plus ancien député francophone de l'hémicycle
Il y a tout juste 30 ans, le 10 juin 1993, Jean-Marc Delizée prêtait serment en tant que député fédéral. Il est maintenant le plus ancien de l’hémicycle, avec Patrick Dewael !
- Publié le 10-06-2023 à 06h00
- Mis à jour le 10-06-2023 à 10h04
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Il s’en souvient comme si c’était hier. Le 10 juin 1993, Jean-Marc Delizée prêtait serment à la Chambre, à la succession de son père, Roger. Le décor, l’atmosphère: tout lui revient en mémoire facilement: "Je suis arrivé à la mi-mandat. Charles-Ferdinand Nothomb préside alors la séance et m’invite à prononcer la formule “ Je jure d’observer la Constitution ”. Ça va très vite. Applaudissements, c’est l’usage. Ensuite viennent les questions d’actualité."
Il entre dans ce que son père, lui-même ancien secrétaire d’état, appelait "la fosse aux lions": "Nous étions 212 dans l’hémicycle à l’époque. Les ministres étaient encore députés. Il y avait donc tous les ténors de la politique belge…"
Ce qui l’impressionne en cette première journée de parlementaire, c’est "l’énorme Jos Van Den Eynde, député du Vlaams Blok. Je le vois descendre vers le micro. C’est ma première confrontation avec l’extrême-droite flamande. Un choc !"
30 ans d’informatisation
Le parlement est bien différent en 1993. Jean-Marc Delizée ne peut effacer son traditionnel sourire en coin en nous le croquant: "Il n’y avait pas d’ordinateurs portables, pas de GSM. Nous avions des piles énormes de documents pour le moindre amendement. Le tout était photocopié 212 fois ! À côté de l’hémicycle, il y avait douze cabines téléphoniques. Quand il y avait un appel entrant, un huissier était chargé de venir chercher le député concerné pour qu’il réponde au téléphone. Il ne faisait que cela pendant les séances ! On allait alors dans la cabine pour prendre le téléphone. En été, il y faisait une chaleur étouffante, on entrouvrait la porte battante pour respirer. Et on entendait tout ce qui se disait d’une cabine à l’autre !"
Autre évolution depuis: la retransmission des débats sur le Web: "Cela facilite le travail des journalistes mais cela rapproche surtout le monde politique du citoyen, qui peut revoir les auditions quand il le souhaite." Avec une dérive cependant: l’utilisation de séquences par les partis, sur les réseaux sociaux. "C’est devenu une arme de communication. C’est un élément qui explique la remontée de l’extrême droite en Flandre. Le Belang a beaucoup investi sur les réseaux pour sa communication et les autres partis embraient dans la foulée. Moi, je dois avouer que je suis de l’ancienne école. Je ne maîtrise pas beaucoup l’outil. J’ai deux comptes Facebook, une page Facebook et un compte Instagram.
La presse a évolué aussi. On a moins de journaux qu’avant et l’information passe beaucoup, de nouveau, par les réseaux sociaux, dont les partis populistes profitent davantage. Cela participe à un climat général plus qu’inquiétant, avec toutes ces fakes news notamment…
Féminisation des travées
La Chambre, à l’époque, était bien plus masculine. Il tire quelques stats: "Quand j’ai commencé, on comptait 20 députées sur 212, soit 9,43% de femmes. On est passé à des degrés de parité progressifs dans la constitution des listes pour parvenir maintenant à 41,3%."
Avec quelles incidences sur les débats ? "Dans le ton, ça a peut-être changé. Mais l’évolution la plus remarquable, c’est l’attention portée aux inégalités, aux droits des minorités, aux violences faites aux femmes. Ces sujets étaient moins investigués auparavant. Le centre fédéral pour l’égalité hommes-femmes a été créé."
30 ans de cohabitation
À 64 ans, le socialiste d’Oignies profite de cet anniversaire pour regarder dans le rétroviseur: "J’ai passé 25 ans dans la majorité et 5 ans dans l’opposition. Cette dernière offre plus de liberté de parole mais aussi un grand sentiment d’impuissance…"
Car l’homme veut aussi défendre un bilan politique. Tant comme parlementaire que lorsqu’il a été secrétaire d’état à la Lutte contre la pauvreté, puis aux Personnes handicapées, il se targue d’un travail de fond, inlassable, qui produit des effets, parfois des années plus tard (lire par ailleurs).
"Ce qui m’a frappé ce jour-là et encore par la suite, c’est la présence physique du Vlaams Blok. Dans notre cohabitation de tous les jours, on ne se parle pas. On ne se dit même pas bonjour, sauf lorsque je préside une commission. En tant que président, je dois respecter tous les parlementaires et laisser la parole à chacun. Ce qui m’a aidé, c’est le fait de parler néerlandais. Ça va mieux qu’avant mais quelqu’un qui ne parlait pas les néerlandais à la Chambre était agressé, pas seulement par le V.B."
En prêtant serment il y a 30 ans, Jean-Marc Delizée votait la 4e réforme de l’état. "Est-ce que nous allons vers une septième ? Nous ne sommes pas demandeurs mais si le nord la réclame, nous serons bien obligés de négocier si nous voulons un gouvernement. Si les Flamands continuent de voter pour des nationalistes, je suis inquiet pour 2024. Ils risquent de vouloir de nouveaux transferts de compétences, notamment de la sécurité sociale alors que c’est le pilier d’un pays."
Tiens, justement, en 2024, sera-t-il candidat aux fédérales ? "Je ne l’exclus pas. Pour l’instant, je poursuis mon mandat et je n’en suis pas encore à ce stade."
Beaucoup de données influenceront la constitution de la liste dont celle du transfert de Pierre-Yves Dermagne de la Région au gouvernement fédéral. Un vice-premier issu de la même circonscription qui s’ajoute à Éliane Tillieux, namuroise propulsée à la présidence de l’assemblée. Le PS devra faire des choix !