Philippeville: une entreprise de travail adapté produit des vêtements écoresponsables
Le CARP produit des textiles pour la marque écoresponsable d’un créateur louviérois, OPTE. Un projet prometteur.
Publié le 10-09-2021 à 22h00
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Tout est parti des réseaux sociaux. Antoine Giansante, de La Louvière, est un jeune passionné de mode, qui a pour projet de lancer sa propre griffe, écoresponsable et wallonne. Sur le Web, il sonde l’avis de son groupe d’internautes et affine son projet. Mais il fait face à une grande difficulté: il ne trouve pas, en Belgique, d’atelier de confection de vêtements à grande échelle.
Marisa Pleitinckx, directrice du CARP, entreprise de travail adapté de Philippeville, surfe et lit les conversations. Son ETA s'est lancée, au début de la pandémie du coronavirus, dans la fabrication de masques en tissu, puis dans la création de surblouses pour le personnel soignant. Dans sa tête, l'expérience acquise dans son nouveau département de confection doit se poursuivre, d'une manière ou d'une autre… Une rencontre est vite organisée. «Et ça a de suite collé», se réjouit Antoine Giansante.
Le CARP a un énorme avantage: celui de pouvoir compter sur une jeune Tunisienne, Ahlem Kortas. Dans son pays d’origine, elle s’est formée au stylisme et au modélisme, en s’appuyant en outre sur une expérience familiale, puisque sa maman tenait elle-même un atelier de confection. Des blouses Covid, elle passe au prêt-à-porter avec aisance et affine les projets de la nouvelle marque, OPTE. Tout semble donc bien parti pour lancer les machines à coudre… sauf que… toute la filière s’est détricotée, dans le pays!
Impossible de trouver un producteur de textiles en assez grande quantité. Difficile, au CARP, de dénicher une main-d’œuvre suffisamment qualifiée. Les obstacles sont encore nombreux à franchir.
Débuts prometteurs
Néanmoins, en mai 2021, une première collection est lancée et financée par des précommandes et un crowdfunding. Le tissu n’est pas du pur bio local? Qu’à cela ne tienne, OPTE utilise des tissus teintés en Europe, obtenus sur des fins de rouleaux de grandes marques européennes. Chaque morceau est découpé au plus juste et récupéré, pour éviter les gaspillages.
«Pour la première collection, nous avons vendu 179 pièces, se réjouit le jeune créateur. 154 ont été vendues via le crowdfunding et 24 via un revendeur.»
Une deuxième collection est en préparation, avec l’espoir de vendre 200 pièces.
OPTE lance son site internet la semaine prochaine et espère vendre 4000 pièces en 2024. Quant au CARP, il reçoit un ou deux coups de fil par semaine de la part de prospects dans la confection.

Ce vendredi, la sénatrice France Masai et la députée européenne Saskia Bricmont ont découvert l’atelier de confection du CARP, avec beaucoup d’espoirs. Écologistes qu’elles sont, elles voient dans ce projet la preuve qu’il est possible de relocaliser le prêt-à-porter, dont les filières sont actuellement dépendantes de l’Asie, très polluantes et assorties de conditions de travail souvent inhumaines.
Possible, OPTE prouve en effet que ça l’est. Mais avant de retricoter une filière complète dans notre pays, il y a bien des mailles, à l’envers et à l’endroit, à aligner.
Parmi les points à l’endroit, mentionnons:
– Recréer une filière agricole productrice de matières premières: la laine, le lin, le chanvre ou peut-être l’ortie. Les productions actuelles ne permettraient pas de soutenir une forte demande.
– Relancer des entreprises de transformation de ces produits: filage, tissage, teinture, etc.
– Monter des usines de confection, en grandes séries, de vêtements produits sur le territoire national, ainsi que des filières de commercialisation.
– Organiser des formations d’agriculteurs, de fileurs, de couturiers, puisque des savoir-faire se sont perdus.
Si l’ouvrage semble énorme, attendez… Voici les points à l’envers:
– Convaincre le public de payer un prix «correct» pour les vêtements produits. « En demandant 60€ pour mes t-shirts, je ne rentre même pas vraiment dans mes frais», explique Antoine Giansanto, qui vend un pantalon homme 180€, deux à trois fois plus cher que les grands distributeurs.
– Contrer les lobbies et l’omniprésence des marques internationales qui produisent en Asie, à des prix planchers.
– Convaincre le public de modifier sa façon de consommer, en arrêtant de commander cinq mêmes pièces par Internet, pour n’en retenir qu’une seule après essayage à la maison, les quatre suivantes étant finalement jetées par le fournisseur. OPTE, jusqu’ici, a produit sur commande, par Internet.
Force est de constater que le retour en arrière est, surtout, une question de changer ses habitudes. Les prix devraient tendre naturellement vers le bas avec une augmentation de production. Mais ils n’atteindront jamais ceux des produits asiatiques.
Précisons qu’un magasin de Tournai revend la marque et, bientôt, Perlipopette, à Chimay, devrait ouvrir son rayon également.