Matagne-la-Grande : Les Hurées ont 20 ans
Comment les élèves de la petite école rurale de Matagne ont-ils procédé pour transformer un ancien dépôt d'immondices en réserve naturelle ?
- Publié le 24-10-2007 à 10h00
Comme la plupart des pelouses de la région, la pelouse des Hurées dérive de l'activité incessante de l'homme. Elle est le résultat de pratiques agropastorales anciennes.
Jadis, la pelouse calcaire était une composante importante de l'économie agricole des villages qui bordent la Calestienne. Les villages fonctionnaient en économie essentiellement fermée, en autarcie : les villageois exploitaient leur territoire du mieux qu'ils pouvaient et trouvaient ou produisaient sur place la majorité de leurs biens de consommation.
Dans ce contexte, les coteaux calcaires avaient toute leur importance : trop rocailleux et trop secs pour être cultivés régulièrement, ils étaient pâturés par des moutons et des chèvres.
À cette époque où les prairies artificielles n'existaient pas et où les clôtures de fils barbelés étaient encore inconnues, les bêtes du village étaient réunies en un troupeau commun et emmenées par le herdier communal. Les pelouses calcaires des tiennes permettaient à tout paysan, même peu aisé, d'élever quelques chèvres ou quelques moutons.
La forêt recule
Pendant des siècles, ces troupeaux ont évolué dans les pelouses calcaires, rasant l'herbe, dépouillant de leurs feuilles les quelques malheureux arbres et arbustes, derniers témoins du recouvrement forestier d'autrefois, broutant les buissons des lisières forestières, surtout les chèvres, avides de feuilles d'arbres, faisant ainsi reculer peu à peu la forêt. Quant au pâtre, il détruisait impitoyablement les fourrés des prunelliers et d'aubépines, coupables de restreindre l'étendue d'herbe mise à la disposition du bétail.
De plus, chaque année au début du printemps, le berger avait coutume de brûler les herbes séchées, afin de favoriser la repousse de l'herbage grâce à la fertilisation du sol par l'apport des cendres. Cette pratique éliminait aussi tout rejet d'essences forestières qui aurait pu échapper à la dent des herbivores.
Ce sont ces différents traitements de pâturage et de brûlage qui ont donné aux pelouses cet aspect ras et ouvert si caractéristique.
Au début du XXe siècle, ces coteaux jugés trop peu rentables et progressivement délaissés, ont été enrésinés avec du Pin noir d'Autriche et du Pin sylvestre. Et depuis que les troupeaux ne les parcourent plus, quelques buissons et arbustes sont apparus ça et là : le prunellier et l'aubépine d'abord, puis le cornouiller sanguin, le bouleau, le chêne pédonculé, le coudrier, le troène, la clématite des haies, l'églantier, le nerprun purgatif...
Petit à petit, la forêt reprenait ses droits et, en se réinstallant, éliminait inexorablement la végétation spécifique de la pelouse.
Bientôt la forêt allait définitivement reprendre possession de ce qui avait été jadis une pelouse pâturée et le cycle serait bouclé. Il fallait donc intervenir si l'on voulait garder à ce site son aspect de pelouse et en préserver la flore et la faune tout à fait remarquables.
C'est ce qu'on fait les élèves de Matagne et leur instituteur dès 1978.