Quels trains sur la ligne 132, Charleroi-Couvin, sans le diesel ?
Les députés fédéraux de la Région ont été rassurés par le ministre Gilkinet sur l’avenir de la ligne SNCB Charleroi-Couvin. Mais quid quand il faudra sortir du diesel ?
Publié le 15-04-2022 à 16h51 - Mis à jour le 16-04-2022 à 06h00
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Récemment, le ministre Gilkinet a confirmé aux députés Christophe Bombled (MR) et Jean-Marc Delizée (PS) qu’aucune menace ne pesait sur la ligne 132 Charleroi-Couvin: "Aucune ligne ne sera fermée , a-t-il promis au député-bourgmestre cerfontainois. La ligne 132 Charleroi-Mariembourg bénéficiera de 4,4 millions pour les travaux de renouvellement, le système de détection et la signalisation simplifiée. Ces chantiers devraient être finis fin 2024."
Fort bien, mais dans cet investissement, il est une question qui n’est toujours pas évoquée: celle du diesel. Les lignes 132-134 entre Charleroi et Couvin sont en effet les ultimes, en Wallonie, à ne pas être électrifiées.Et parmi les dernières du pays. En Flandre, il ne reste que quatre tronçons non électrifiés, ainsi que deux liaisons autour du port de Gand.
Sur 6532 km de voies principales en Belgique, 5892 sont électrifiés, soit 90%, nous précise Frédéric Sacré, d’Infrabel.
À l’heure où la France, par exemple, a décidé de quitter le diesel sur rails en 2035, la question mérite d’être posée chez nous, connaissant les délais importants pour la réalisation de chantiers ferroviaires parfois plus difficiles encore à mettre en œuvre que ceux du réseau routier.
Que prévoit-on pour relier Charleroi à Couvin lorsque le diesel sera banni?
Alban Defoin, permanent de la CSC Transcom, nous le confiait en décembre lors de la fermeture du dernier guichet de la ligne: ce sera le prochain combat à mener. Vital, peut-être, pour le maintien de la ligne.
Que prévoit-on? Une étude de Transport&Mobility Leuven réalisée en février 2021 évoque les scénarios possibles pour abandonner le diesel en Entre-Sambre-et-Meuse. Elle envisage trois pistes: une électrification de la ligne, l’usage de trains fonctionnant avec des batteries ou de trains roulant à l’hydrogène.
Électrification impossible
L’électrification totale de la ligne est une affaire classée, dès le départ. Ce rapport ignore un paramètre incontournable: la présence, à Dourbes, du centre de physique du Globe. On y mesure l’évolution du champ magnétique terrestre et ce travail, reconnu d’excellence mondiale, ne peut être troublé par une électrification de la ligne, qui perturberait ces relevés. "L’électrification de la ligne de train passant à Mariembourg serait une catastrophe pour nous , confirme le Docteur Rasson, du Centre de Physique. L’édification de l’observatoire magnétique à Dourbes n’avait été possible qu’après avoir eu la promesse qu’il n’y aurait jamais d’électrification."
Des batteries ou de l’hydrogène?
Deuxième scénario: des trains à batteries. Le rapport évoque une contrainte technique: ce type de train, actuellement, a une autonomie limitée. Impossible de faire l’aller-retour Charleroi-Couvin. Dès lors, il suggère l’électrification d’un demi-tronçon, soit au nord de Walcourt, soit au sud, avec la création d’une coûteuse station de recharge à Couvin.
Frédéric Sacré nous confirme que cela fait partie des scénarios. "Mais rien n’est encore décidé. Le plan d’investissement 2023-2033 est en cours de rédaction. Nous sommes en avril 2022, il reste encore quelques mois pour y réfléchir. On sait que les opérateurs ferroviaires travaillent avec la batterie, l’électricité ou l’hydrogène. C’est très complexe car une multitude de paramètres doit être prise en compte. J’ignore si une électrification de la ligne est envisagée. Mais la première partie du trajet, entre Charleroi et Walcourt, serait très complexe à électrifier car on y trouve trois tunnels anciens, forts étroits, qu’il faudrait redimensionner, ce qui nécessiterait des travaux colossaux. La solution serait donc d’électrifier le sud, vers Couvin. Mais là, on doit tenir compte de la contrainte de Dourbes en effet…"
Résumons: l’électrification totale de la ligne n’est pas envisageable, ni son seul tronçon sud. Et la mise en place de trains à batteries nécessiterait de coûteux travaux, entre Walcourt et Charleroi.
Il reste l’hydrogène, alors? "Il y a des sources sur Charleroi, c’est à étudier" , conclut le porte-parole d’Infrabel.
Son entreprise doit travailler de concert avec la SNCB sur ce genre d’investissement, puisque l’une est responsable de l’infrastructure et l’autre du matériel roulant.
Élisa Roux, son homologue de la SNCB, reste laconique: "97% de l’offre de trains de la SNCB est déjà réalisée avec des véhicules électriques. C’est le taux le plus haut d’Europe.
Une étude a été réalisée pour le compte du SPF Mobilité sur les alternatives possibles pour l’exploitation des lignes non encore électrifiées. Les résultats de cette étude sont encore en cours d’analyse, en collaboration avec Infrabel, et les différentes options sont comparées tant sur le plan écologique, qu’économique" , se cantonne-t-elle à déclarer.
Du côté de l’IRM à Dourbes, Jean Rasson rassure: les trains à batterie ou à hydrogène n’auraient aucun impact sur les mesures du champ magnétique. Ni une station de recharge à Couvin. C’est donc là qu’est la solution, manifestement.
Il est nécessaire d’envisager l’après-diesel de la ligne, au risque de se retrouver un jour avec une échéance impossible à tenir dans le cas spécifique du sud des lignes Charleroi-Couvin que l’on ne peut pas électrifier.Or, c’est maintenant que le plan d’investissement pour les dix prochaines années est rédigé.