Assises de Namur: "Je voulais que cela s'arrête", explique Mathieu Wattier accusé du meurtre de son grand-père
Le procès de Mathieu Wattier a débuté, ce lundi en cour d’assises de Namur. Le meurtre de son grand-père, Mathieu Deneyer, en 2020 à Brûly-de-Pesche, résulte d’un long conflit familial.
Publié le 22-05-2023 à 21h00
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À 22 ans, Mathieu Wattier a une semaine pour convaincre les jurés du fait que le meurtre de son grand-père, le 9 mai 2020 dans une fermette de Brûly-de-Pesche, résulte d’un long conflit familial dont la victime elle-même serait à l’origine.
Costume bien apprêté, cheveux attachés, le verbe précis et même parfois châtié, le jeune homme a déjà donné une idée de sa ligne de défense durant son interrogatoire, en fin de matinée. Répondant aux questions du président Philippe Gorlé, il a évoqué des provocations répétées de la part de son grand-père, qui expliquent une gradation dans les rixes entre générations.
Depuis le décès de sa grand-mère maternelle en 2015, ils n’étaient plus que trois dans la ferme. L’étage était réservé à Mathieu Deneyer, né en 1942, et le rez-de-chaussée était dédié à Frédérique Deneyer, sa fille, puis le petit-fils, Mathieu Wattier. En permanence, le temps était à l’orage dans la maison. À l’étage, la seule salle de bain de la demeure. Réservée au grand-père. "J’y allais parfois, quand il était parti", expliquera l’accusé.
Le garçon urine dans des bouteilles pour éviter de susciter l’ire du patriarche en allant aux toilettes, dit-il.
Au fil des ans, les relations s’enveniment tandis que le rejeton grandit. Dès 2014, alors qu’il n’a que 13 ans, Frédérique Deneyer dépose une arme à la police des Trois Vallées, craignant que son père ne fasse un mauvais usage de son Winchester calibre 12.
Premières alertes dès 2017, puis en 2019
À partir de 2017, la police sera régulièrement amenée à intervenir sur place. Le 29 mars 2018, c’est pour des coups de bâton donnés par Mathieu Wattier à son grand-père. Le 25 janvier 2019, ce dernier dépose une plainte pour menace de la part de son petit-fils, qui est entré brutalement dans sa chambre avec un long couteau. Le papy a esquivé et asséné un coup de poing à son rival.
Le 25 février 2020, Mathieu Wattier appelle le 101, expliquant qu’il est sur le point d’assassiner toute sa famille.
Les rivalités sont exacerbées. Pour le jeune homme, son grand-père est responsable de ce mauvais climat et de la situation financière qui se dégrade au sein de sa famille. Sa maman ne travaille plus depuis 1999, de façon à aider le fils atteint de mucoviscidose. Se disant harcelé à l’école, ce dernier stoppe ses études après la deuxième secondaire. Il vit la nuit et dort le jour. Il passe son temps sur les réseaux sociaux et à jouer à des jeux vidéos de guerre.
Au harcèlement scolaire succède celui de son grand-père. Dans leurs déclarations aux policiers couvinois, évoquées à l’audience ce lundi après-midi, l’accusé et sa mère ont relaté des violences psychologiques, des remarques méchantes, des humiliations et des coups bas de la part de Mathieu Deneyer.
Pour le petit-fils, la seule manière de mettre fin aux conflits est que son grand-père quitte la maison. Il entend donc l’intimider.
Il semble ignorer que sa fermette n’appartient pas à sa maman mais bien à son grand-père, qui l’a achetée et mise à disposition de sa fille, précisément pour que son fils bénéficie d’un air plus sein qu’à Bruxelles, d’où ils viennent. Le but, désormais, est de faire déguerpir "le vioque", qui ruine le climat… dans sa propre maison. De quelle manière ? Il évoque une solution radicale, "mais pour rire".
Une tentative le 27 avril ?
Pourtant, deux mois plus tard, le 27 avril, Mathieu Wattier tente de défoncer la porte du salon de l’étage, muni d’une hachette. Il est fâché de s’être brûlé en voulant se laver les cheveux avec de l’eau trop chaude, chauffée avec une bouilloire. L’incident résulte de l’inconfort provoqué par le grand-père, estime-t-il.
Il monte à l’étage, casse les panneaux de la porte de la pièce où se tient Mathieu Deneyer mais celle-ci tient le coup. "Je voulais lui faire peur pour qu’il parte, explique-t-il devant la cour. J’ai vu son regard et je me suis dit “Pourquoi j’ai fait cela ?” Mais je ne me souviens pas des détails. J’étais dans un état de colère tel que je ne sais pas ce que j’ai dit."
Aurait-il attenté à la vie de Mathieu Deneyer si la porte avait cédé, questionne le président. "J’aurais peut-être utilisé le côté non tranchant de la hache pour le frapper. Je ne sais pas. Je ne voulais pas que cela arrive, une histoire pareille…"
Malgré ces alertes répétées, il est relaxé quelques heures après les faits. Après un petit séjour d’une semaine chez un voisin et ami, il rentre à la fermette. "Après ma relaxe, je voulais me venger, mais d’un point de vue juridique. Je ne voulais plus faire de connerie. Jusqu’à ce jour, où j’ai perdu le contrôle", explique-t-il lors de l’instruction.
Puis vient l’irréparable
Deux semaines après ce qui l’amène déjà devant les assises pour tentative de meurtre, il commettra l’irréparable. Son idée, dit-il: se suicider, à cause d’accusations de viol sur une jeune fille mais aussi de ce fait du 27 avril. "Et tant que je meure, autant emporter le diable avec moi", pense-t-il.
Après un message de désespoir à son ancienne copine, il monte jusqu’au salon mais cette fois, la porte cède. Il assène 24 coups de couteau et de baïonnette à son grand-père, qui décède. "J’avais l’impression que j’étais absent. Après les faits, je suis redescendu avertir ma mère et quand je suis remonté le revoir, je me suis dit"non, ce n’est pas moi qui ai fait cela…"
Durant l’audience, mère et fils baissent les yeux pour ne pas voir les photos diffusées par les enquêteurs.
Dans la maison, les policiers retrouveront des manches de bois et des lames planquées un peu partout par la victime. Le président interroge: "C’est donc que votre grand-père avait peur de vous ?" "Il avait peut-être peur de moi autant que j’avais peur de lui…"
L’audience de ce mardi sera consacrée à la suite des témoignages, des enquêteurs d’abord et notamment de la mère de l’accusé et fille de la victime.