Pour conjurer la perte du marché russe, nos exportateurs prospectent ailleurs
Depuis l’invasion de l’Ukraine l’an dernier, certaines entreprises intersambriomosanes ont dû adapter leurs stratégies. "Heureusement, le monde est grand", s’exclame-t-on chez Convergent et chez Fagnes.
Publié le 11-03-2023 à 12h00
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Dès l’invasion de la Russie par l’Ukraine en février 2022, certaines entreprises de l’Entre-Sambre-et-Meuse ont dû revoir leurs stratégies.
C’est le cas de Convergent Group, une société productrice et exportatrice de colorants et durcisseurs pour bétons industriels. La société installée sur le zoning de Mariembourg exporte depuis longtemps vers l’Est. Inévitablement, le conflit ukrainien a nécessité des adaptations: "Nous avons un gros client en Russie et un autre en Ukraine, nous explique Mputu Schmidt, directrice de Convergent. La dernière grosse commande russe a été passée en novembre 2021 et, heureusement, les durcisseurs ont pu être livrés au début février 2022, tout juste avant le début du conflit."
Depuis, les deux marchés ont été abandonnés. "Exporter nos produits vers la Russie ne nous est pas interdit mais les démarches et les contrôles aux douanes ont été fameusement compliqués et renforcés. De même, au retour, les vérifications sont plus nombreuses aussi au niveau des paiements en provenance de Russie. Nous avons dès lors préféré mettre le marché russe de côté pour le moment, pour ne pas nous imposer des démarches trop difficiles."
Fort heureusement, la Russie ne représentait plus un marché aussi important pour Convergent. "Ça l’a été un moment mais ce n’était plus spécialement le cas. Nous n’avions pas relancé les affaires là-bas. Nous pensions qu’après la crise du Covid, nous referions bien un salon en Russie. Ce ne sera pas le cas, vu le contexte. Nous avions aussi un client en Ukraine, pour lequel nous ne livrons plus rien non plus. Nous verrons bien comment cela se passera après la guerre.
Heureusement, le monde est grand et vaste. Nous comptons nous consolider sur nos marchés ailleurs en Europe et nous renforcer sur l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Inde. Nous prospectons aussi, et c’est nouveau, vers l’Afrique centrale et l’Afrique anglophone. Nous participons à beaucoup de missions de l’Awex, dans ce but."
Moins de bière vers l’Est…
Étonnant, non, de telles exportations vers le monde, au départ de Mariembourg ? Plus classique, la bière est aussi un produit belge qui se vend bien à l’étranger. Fagnes l’avait bien compris, en développant des contacts avec un importateur russe. "Pendant deux ou trois ans, nous avons collaboré avec une société d’exportation vers la Russie puis notre collaboration s’est arrêtée, explique Frédéric Adant, administrateur de Fagnes Beers. Nous prospections pour tenter de trouver un nouvel importateur. J’avais programmé un voyage en ce sens. Puis la guerre est arrivée."
Le marché russe a dès lors été abandonné par le brasseur couvinois: "L’exportation de produits alimentaires vers la Russie reste autorisée. Et d’après nos indications, le pouvoir d’achat des Russes n’a pas trop changé malgré le conflit. Mais pour des raisons éthiques et en solidarité avec l’Ukraine, nous avons décidé de ne plus prospecter vers la Russie en ce moment. Je veux pouvoir me regarder dans mon miroir le matin."
Comme chez Convergent, Fagnes Beers s’est cependant tournée vers d’autres marchés, inédits: "Notre Blood Orange (bière aux oranges sanguines) a été exportée vers le Mexique, où elle marche très bien. Même chose dans d’autres pays chauds comme l’Espagne et le sud de la France. Le monde est grand et nous avons d’autres opportunités de développement."
Chez Jules-de-chez-Smith-en-face, la Chimay s’est toujours très bien exportée. Mais la trappiste n’est plus envoyée vers la Russie non plus. "C’est un choix du conseil d’administration, pour des raisons éthiques, nous explique Giselda Mercuri, responsable de la communication des bières de Chimay. Nous y exportions environ 400 hectolitres chaque année." Le marché Ukrainien est à oublier pour l’instant également.
Des conditions de production difficiles
Il reste les conditions de production, sachant que les brasseurs utilisent beaucoup d’énergie, de céréales, de verre et de carton. Toutes des matières dont le prix a fortement augmenté suite au conflit.
"Maintenant, cela s’est stabilisé, commente Frédéric Adant. Certains prix ont véritablement explosé au cours de l’année 2022, ce qui a fortement grevé notre rentabilité. Mais nous avons décidé de rester sur nos tarifs de début 2022, jusqu’à maintenant. Nous allons prochainement opérer une petite augmentation. Nous essayons de modérer les hausses de prix, par respect pour le client…"
Le verre a manqué dans certains secteurs comme l’alimentaire, avec des retards de livraisons et des hausses de prix.
Mais à la Verrerie de Momignies, on n’a pas connu les mêmes difficultés, puisque la société Gerrescheimer ne fournit que le secteur des cosmétiques, "qui a plutôt le vent en poupe, peut-être en partie parce que le verre a une image plus verte que le plastique, nous dit Nicolas Balena, vice-président Cosmetics chez Gerrescheimer. Nous avons évidemment subi les hausses de coût, qui nous ont poussés à chercher d’autres manières de faire. On a connu aussi quelques tensions sur les matières premières, mais cela ne nous a jamais empêchés de produire. La demande est importante, nous avons pas mal de nouveaux produits. Nous arrivons donc à nous en sortir, mais l’année a été compliquée…"
En Entre-Sambre-et-Meuse, les entreprises les plus exposées depuis février 2022 ne sont pas celles qui exportent, manifestement. "Le monde est grand", est une phrase plusieurs fois entendue. Seule l’économie locale semble accuser le coup. Fameusement.