Cerfontaine: les anges gardiens des pelotons cyclistes sont inquiets
À l’approche du printemps, la saison des courses cyclistes pointe son nez et les motards signaleurs bénévoles s’y préparent. Mais de nouvelles directives impactent leur tâche…
Publié le 23-01-2023 à 16h15
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Dès que le printemps revient, Pascal et Isabelle quittent régulièrement leur coquette demeure de la rue de l’Europe à Cerfontaine pour se rendre au départ des courses cyclistes. C’est que l’un et l’autre sont mordus par un virus tenace, celui de signaleur à moto accompagnant toute course cycliste.
Vous les avez certainement déjà vus, agitant un drapeau jaune aux abords d’un rond-point ou devant un îlot directionnel. Ils ne sont ni motards de l’organisation, ni motards de la police mais ils vouent une véritable passion à leur tâche de signaleur bénévole, escortant les pelotons pour sécuriser les coureurs cyclistes lors de leur parcours.
Signaleurs
Toute course cycliste, de grande ou de moins grande envergure, a besoin de ces bénévoles pour assister les forces de l’ordre dont l’effectif serait trop menu pour assurer la sécurité des coureurs, des suiveurs à chaque carrefour et face à tout obstacle prévisible ou imprévisible. Un job qui n’est pas sans risque quand on sait qu’après avoir opéré devant un obstacle, le motard signaleur doit remonter la file des voitures et le peloton des coureurs, le tout parfois dans des moments de nervosité que peut engendrer la course elle-même.
Bénévolat
Tout cela pour un défraiement de 75 €. Une aumône comme nous l’expliquent le Cerfontainois Pascal Gailly et son compère de Champlon, Michel Guillaume qui exerce cette passion depuis plus de 20 ans. "Il faut savoir, par exemple nous précise Pascal Gailly, que pour assurer ce job sur Liège-Bastogne-Liège, je pars de chez moi à 6h pour n’être de retour que vers 19 h". Et quand on sait que toutes les autres dépenses liées à ces missions sont pour sa pomme, c’est-à-dire l’essence, pneus et tout ce qui coûte dans l’usage d’une moto, il ne faut pas être grand mathématicien pour calculer qu’en fin de mission, le motard-signaleur en a mis largement de sa poche. D’autant plus que dans leurs calculs, ils n’ont pas tenu compte des frais de licences obligatoires, de visites médicales et autres exigences. Peut-on encore appeler cela du bénévolat ou est-ce davantage un sacerdoce ? Un sacerdoce qui a un prix et qui, en plus, n’est pas sans danger…
Danger
Michel Guillaume se souvient qu’en 2018, au Tour de la Moselle, il a été victime d’un accident sérieux. "J’avais 120 coureurs derrière moi et je me suis trouvé devant un obstacle imprévu, une sortie d’école avec des voitures venant de partout. L’une d’elle m’a percuté et j’en garde des séquelles à l’épaule. Mais ma moto était déclassée, cela m’a coûté près de 25 000 €. Certes, il y a les assurances, mais près de 5 ans plus tard, j’attends toujours le premier euro de remboursement".
Ces anges gardiens des pelotons s’interrogeaient déjà, et s’interrogent maintenant davantage au vu des nouvelles directives de la fédération cycliste.
Trop de frais met en péril la mission
Les coûts des licences et autres frais liés à l’exercice de cette passion bénévole explosent et mettent en péril leur mission.

Mais si comme toutes ces données chiffrées en euros n’étaient pas encore suffisantes, une nouvelle tuile (et pour certains un toit tout entier) vient de leur tomber sur la tête. Pour faire court, une explosion des coûts imposée par la fédération et qui plus est, devient intenable pour les motards de plus de 60 ans.
Quid des courses ?
Malgré leurs revendications, les motards signaleurs sont face à un mur. Et ils sont plus d’un à s’interroger sur la poursuite de leur mission bénévole. Alors que leur effectif se réduisait déjà chaque année, certains seraient tentés de déposer leur drapeau jaune, comme Michel Guillaume qui nous confiait: "J’ai 73 ans, je fais plus de 25,000 km annuellement et suis en pleine forme. Mais dans ces conditions, je ne marche plus. J’ai averti les responsables et si rien ne change d’ici quelques semaines, j’arrête".
Un exemple qui pourrait faire tache d’huile et une question qui vient à l’esprit de tout qui connaît un peu le sport cycliste: qu’en sera-t-il des courses si les motards signaleurs font défaut ? Les effectifs policiers pourront-ils suppléer ? C’est fort peu probable. Ou alors, allons-nous voir des courses disparaître, faute de pouvoir assurer la sécurité des coureurs et des suiveurs.
Le 28 février, c’est déjà le grand prix Samyn que suivront rapidement les courses de printemps. Avec (trop) peu ou pas de motards signaleurs ? Peut-on imaginer la suppression de courses cyclistes voire de monuments de la discipline ? Pire encore, faut-il attendre un accident par manque de signaleurs pour que la fédération réagisse… Et tous de se souvenir de leur ami Jacques Leclercq qui aujourd’hui, les surveille de là-haut.