À Treignes, une expo du Malgré-Tout dénonce le sexisme dans l’archéologie
Remarques désobligeantes, gestes déplacés, blagues dégradantes: les femmes subissent le sexisme aussi dans un domaine pourtant érudit tel que l’archéologie. Une expo dénonce les faits, transposables à notre vie de tous les jours. Jusqu’au 22 mars au Malgré-Tout à Treignes.
Publié le 20-12-2022 à 18h20
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Le musée du Malgré-Tout de Treignes a habitué son public à des expositions étonnantes mais, cette fois, c’est dans un domaine tout particulier que la surprise étreint les visiteurs: on y parle "d’archéo-sexisme".
En poussant la porte du musée de Treignes, on a pensé que les archéologues locaux allaient nous présenter l’évolution du sexisme, de Cro-Magnon à l’Antiquité tardive. Rien de tout cela: c’est dans l’époque contemporaine que les 29 panneaux d’exposition nous plongent.
Des témoignages interpellants
Une claque. La lecture des témoignages de femmes archéologues est pour le moins interpellante. Elles y évoquent les gestes déplacés, les mots maladroits, les expressions sexistes, voire dégradantes, lâchées çà et là au fil des fouilles, des études et des travaux.
Aux propos lourds succèdent l’élection du "cul d’or", chaque jour de fouille, ou l’agression sexuelle sous la tente. Les récits sont glaçants. Comment est-ce possible, dans un milieu si érudit ?
L’expo, conçue par le projet belge Paye ta truelle et l’association Archéo Éthique, ne reprend heureusement pas des témoignages de faits observés lors des fouilles organisées par le musée treignois. "Il s’agit de témoignages de femmes d’une trentaine d’années, pour beaucoup des Françaises mais aussi des Belges, nous explique Marie Gillard, conservatrice du musée. C’est d’autant plus interpellant: elles sont jeunes. Il s’agit donc de faits relativement récents et non de faits d’il y a cinquante ans…"
C’est elle qui a proposé au musée d’accueillir cette exposition, qui tourne de puis quelque temps en France et, en Belgique, à l’initiative de l’Agence wallonne du Patrimoine.
"J’en ai entendu parler et quand j’ai proposé de la présenter à Treignes, toute l’équipe était d’accord. Le souci était de trouver une date. Nous avions ici un espace libre dans notre calendrier des expositions, c’était donc l’occasion."
La démarche se veut quasi militante: en accueillant cette expo, les archéologues espèrent sensibiliser les visiteurs à la problématique. "Nous accueillons beaucoup d’étudiantes lors de nos fouilles. Il est important que l’on se positionne clairement par rapport à cela. Mais les faits relatés, même s’ils se produisent dans le cadre de l’archéologie, sont transposables partout ailleurs, dans le monde du travail. Moi-même, je ne pensais pas que ça pouvait aller jusque-là. L’idée est de transmettre un message aux gens, qu’ils réagissent s’ils devaient être témoins de tels faits. C’est ainsi que peuvent changer les mentalités. Personnellement, je n’ai jamais vécu de choses pareilles. J’ai cependant été témoin de quelques remarques sexistes, qui n’avaient pas la gravité de ce que l’on peut découvrir dans l’exposition. J’étais plus jeune, je n’ai pas réagi à l’époque. Je pense que je le ferais maintenant."
À la suite de ces témoignages révélant le sexisme ordinaire dans le milieu, mais aussi quelques faits de transphobie, voire de racisme, les derniers panneaux donnent quelques pistes pour une réaction adéquate face à ce genre d’attitude. Un label, "Chantier éthique", a également été créé pour proposer aux organisateurs de fouilles de s’engager à éviter les discriminations.
L’exposition touche son but: en la parcourant, on ne peut que transposer les cas présentés à sa propre vie de tous les jours. Le sujet, difficile, est heureusement agrémenté de dessins et caricatures qui allègent un peu le propos.
Des visites scolaires peuvent être organisées. "On s’adaptera car certains témoignages sont assez trash. Mais c’est un fait de société, cela doit être abordé."
L’exposition est donc visible jusqu’au 22 mars, avec une conférence de la commissaire belge de l’expo, Laura Mary, le 11 mars.
L’occasion, aussi, d’un petit tour dans l’Archéoparc, dans l’expo permanente qui présente les trouvailles archéologiques de la région, ou encore la villa gallo-romaine des Bruyères, de l’autre côté du village. Le fruit d’un intense travail de recherche où, nous avons pu en être témoins, les femmes aussi ont porté les brouettes !
Musée du Malgré-Tout, rue de la Gare à Treignes 060/39 02 43 ; www.museedumalgretout.be