Cerfontaine: ils construisent leur propre avion... qui vole vraiment
Le Réseau Sport de l’air de Belgique a atterri à Cerfontaine ce samedi pour montrer aux contaminés de l’aéronautique que tout est possible. Même construire son propre avion.
Publié le 20-06-2022 à 22h00
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Le Réseau Sport de l’air de Belgique, le RSAB, c’est avant tout une bande de copains qui partagent les mêmes passions pour l’aviation et la construction aéronautique. Fondé en 1991, son but est la promotion de la construction amateur en Belgique. Et ce en donnant à tous la possibilité de rencontrer d’autres "contaminés" par le virus aéronautique.
Henri Mignet
La construction amateur d’aéronefs se confond avec la naissance de l’aviation. C’est le français Henri Mignet qui, dans les années 30, devait rendre les sports de l’air accessibles au commun des mortels en construisant son désormais célèbre "Pou du ciel", petit monoplace biplan facile à construire et peu coûteux. L’enthousiasme aidant, cette idée d’Henri Mignet va permettre alors à des milliers de passionnés de goûter au fabuleux plaisir de voler, un luxe auparavant réservé uniquement aux nantis. Henri Mignet devient l’initiateur du Réseau du Sport de l’air; il est en quelque sorte le père de l’aviation pour tous et de la construction amateur.
Alors que le Réseau Sport de l’air est bien implanté en France, il fait des émules et début des années 90, la petite sœur belge voit le jour. Comme pour la France, l’objectif poursuivi est la promotion de la construction amateur en Belgique. Car, beaucoup l’ignorent, il n’est pas impossible de construire un avion et surtout de le faire voler et ce en toute légalité. Une cave, un grenier, un garage et quelques outils de base et le tour est joué. Bien entendu, des plans sont indispensables, comme les conseils et l’accompagnement. Et c’est là qu’intervient le RSAB.
"L’expérience nous a appris, au fil des ans, que la plupart des gens s’estimaient incapables de se lancer dans une telle expérience et encore moins de réussir, nous confie Christophe Leveaux, président du RSAB. C’est pourtant relativement aisé et nous pouvons affirmer que (presque) tout le monde en est capable, à condition d’être un peu patient, un peu soigneux, un peu attentif."
Nous ne pouvons qu’embrayer sur les propos du président en voyant tous ces engins, sortis en apparence d’un autre temps, qui sont arrivés à Cerfontaine par les airs ce samedi. Les mordus de l’aéronautique et membres du RSAB que nous avons rencontrés le confirment, pas besoin de disposer d’un outillage spécifique. Celui d’un bricoleur moyennement doué est bien suffisant: une bonne perceuse, des tournevis, des pinces, une scie, de la colle, une agrafeuse, bref, tout ce qu’on possède déjà généralement ou que l’on peut emprunter via le RSAB éventuellement. Tout cela, le Réseau Sport de l’air de Belgique en a fait la démonstration ce samedi à Cerfontaine avant que chacun de ces mordus d’aviation ne prenne le chemin du retour, par les airs… évidemment. Et sans accident.
Jean-Philippe Lepage, Bernard Tasiaux, deux Namurois, et leur Ménestrel subissent comme tout le monde les générosités du soleil, ce samedi. Le trio est à Cerfontaine, en bord de piste, fier d’une histoire qui ne s’est cependant pas faite en un jour.
Jean-Philippe
Tout petit déjà, celui qui est aujourd’hui ingénieur rêvait, mais comme tout gosse rêve. Il rêvait de devenir pilote d’avion comme d’autres rêvent d’être pompier. Une passion à laquelle le papa Paul n’est certes pas étranger. Un obstacle insurmontable seulement, des problèmes de vue qui lui ferment les portes de l’aviation professionnelle. Mais qu’importe, on n’efface pas des envies secrètes d’un revers de la main et, à 17 ans, il accomplit son premier stage de vol à voile à Saint-Hubert. Temploux n’est pas loin pour poursuivre dans cette voie des airs.
Le père et le fils nourrissent les mêmes envies de voler mais un autre obstacle se présente à eux, le coût d’achat d’un avion. Alors, pourquoi pas le construire soi-même?
Nous sommes en 1990 et l’aventure commence par l’achat de matériaux et surtout l’acquisition des plans. Une liasse de plans à lire, à comprendre avant de saisir le moindre outil. Petit à petit, les choses avancent mais en 1998, tout s’arrête face à certains impératifs de la vie quotidienne.
Bernard
On aurait pu croire le projet à l’eau mais en 2013, c’est la rencontre avec un ami, Bernard Tasiaux, officier de carrière et actuellement chef de corps du Sedee (Service d’enlèvement et de destruction d’engins explosifs) à Oud-Heverlee. Ils reprennent là où le projet avait atterri et ils s’appliquent chaque vendredi, de 20h à minuit au moins, à poursuivre la construction de leur aéronef.
En 2018, le projet devient réalité: le Ménestrel est né. Encore faut-il qu’il puisse passer avec succès les épreuves exigées par l’administration. Les premiers essais réalisés à Tirlemont vont être couronnés de succès et dès lors, Bernard peut être "lâché" avec un bonheur qu’on devine grandiose.
Jean-Philippe termine son accès au brevet de pilote et c’est sans cacher son bonheur que le trio peut s’envoyer en l’air. Il leur en aura coûté 40000€ de matériaux mais aussi et surtout environ 4000 heures de travail, sans négliger les conseils du papa Paul.
Et de déjà se souvenir de ces fins de semaine quand, après des soirées de travail appliqué, ils s’autorisaient un Orval avant de rejoindre leur épouse. Bravo à elles aussi car sans leur patience, le Ménestrel aurait sans doute du plomb dans l’aile: toujours mauvais pour un avion…