Baileux: une unité de biométhanisation avec les déchets des Bières de Chimay
Mercredi soir, à Baileux, un projet de biométhanisation porté par l’intercommunale Ceneo et les Bières de Chimay a été présenté aux agriculteurs de la région. Ces derniers sont invités à y adhérer. De leur participation dépendra l’ampleur de l’unité de production de biogaz.
Publié le 17-06-2022 à 22h00
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Avec l’installation d’une éolienne et de 1200 panneaux photovoltaïques, le groupe Bières et Fromages de Chimay couvre désormais 90% de sa consommation énergétique.L’entreprise entend également diminuer ses rejets de CO2dans l’atmosphère et diminuer sa dépendance au fuel, notamment pour son charroi.
Pour y parvenir, ses responsables pensent à la biométhanisation, à savoir la production de méthane à partir de déchets organiques, en grande partie issus de l’agriculture (effluents, résidus de culture…).
Jeudi soir, dans le cadre d’une étude de faisabilité, une première réunion s’est tenue, mercredi soir, à la salle Sudhaina de Baileux. Une centaine d’exploitants agricoles de la région avait répondu à l’invitation lancée par le groupe Chimay et Ceneo, une intercommunale de financement dans le domaine de l’énergie renouvelable active sur la province du Hainaut.
Un projet d’économie circulaire
De fait, que ce soit au niveau européen ou belge, la tendance est de donner un fameux coup d’accélérateur à la production d’énergie renouvelable, tout d’abord dans le contexte du dérèglement climatique, mais également afin de pouvoir, dans les années à venir, se passer du gaz russe.
"En créant une unité de biométhanisation agricole à Baileux, près de la station d’épuration d’Igretec, nous souhaitons avant tout construire un projet d’économie circulaire et vertueux qui permettra la recirculation des ressources naturelles au sein de notre territoire et avec des acteurs locaux", explique Baptiste Crombé, du groupe Chimay.
Le coût de construction de l’unité de biométhanisation sera pris en charge par l’intercommunale Ceneo qui regroupe Igretec, Ideta et Valbiom. Pour faire simple, les matières pour alimenter le digesteur seraient principalement amenées par les agriculteurs, la fromagerie (lactosérum), des collectivités (résidus de tontes…). L’énergie produite sous forme d’électricité sera revendue par Ceneo à la fromagerie et à la brasserie.Du CNG pourra alimenter le charroi du groupe Chimay ou encore les machines des agriculteurs. Une fois les matières traitées dans le digesteur, les exploitants agricoles pourront récupérer le digestat pour l’étendre sur leurs terres, profitant ainsi d’un engrais renouvelable, moins polluant et générant moins d’odeurs. La nature sort aussi gagnante puisque le dispositif permet d’émettre moins de gaz à effet de serre. On le constate, le concept permet de valoriser des ressources agronomiques locales qui retournent ensuite à la terre, de maintenir et de créer de l’emploi sur place et de produire de l’énergie verte consommée sur site.
Quelle implication?
"De votre implication dans ce projet dépendra la taille de cette unité de biométhanisation, insiste Olivier Bontems, directeur chez Ideta, intercommunale en train de développer six projets du même type. Le but n’est pas de vendre du rêve mais de construire ce projet avec ceux que cela intéresse et de trouver le bon équilibre. Nous n’en sommes qu’à l’étude de faisabilité et, dans ce cadre, il est primordial de savoir au préalable quel intérêt cela suscite chez vous et le gisement de matières disponibles sur le territoire."
Dans les jours à venir, les agriculteurs sont d’ailleurs invités à remplir un questionnaire indiquant dans quelle mesure ils sont prêts à s’investir, leurs craintes, leurs attentes…
Les responsables de Ceneo et des Bières et Fromages de Chimay ne veulent pas que le dossier traîne. Fin de cette année, ils espèrent définir les caractéristiques de l’unité de biométhanisation en fonction des réponses du monde agricole. Le permis serait introduit courant 2023 et l’unité opérationnelle en 2024. Mais Oliviers Bontems le concède: il s’agit là d’un scénario idéal et sans embûche.
À l’issue de la présentation, les agriculteurs étaient invités à se manifester. Certains ne se sont pas montrés convaincus. "Vous n’avez pas parlé de rémunération si on participe, lance cet exploitant. Parce que récupérer simplement le digestat, cela ne m’intéresse pas beaucoup." Un autre, éleveur, craint que ce type de projet ne provoque une hausse des matières premières servant à nourrir le bétail mais qui peuvent aussi alimenter le digesteur, d’où une augmentation de la demande. À l’annonce que des visites de terrain seront organisées à l’unité de biométhanisation de Thuin, un autre lance: "Celle qui perd 400000 € par an?"
D’autres exploitants sont plus positifs. "J’ai des capacités de stockages d’effluents limités chez moi et je n’ai pas envie d’investir dans des citernes, nous confie Fabien Boulet, fermier à L’Escaillère. Apporter mes effluents à Baileux et les récupérer sous forme de digestat pourrait être une solution intéressante.Et puis il faut aussi penser à la transition énergétique et ne pas tout reporter sur les autres. Sans évolution, on serait encore à l’âge de la pierre."
Olivier Bontems, représentant d’Ideta, a rappelé que cette soirée ne constituait pas un débat "pour ou contre" la biométhanisation mais visait à trouver des partenaires parmi les agriculteurs du cru et construire ce projet ensemble. "Généralement, ce sont les gens les plus discrets qui sont les plus intéressés", nous explique-t-il en aparté, relativisant ainsi les deux ou trois réflexions négatives lors de la réunion. La balle est dans le camp du monde agricole.