Spécialiste du droit des étrangers, l’avocat se dit outré
Punir les avocats qui «abuseraient» de procédures en matière d’asile? Pascal Vancraeynest estime que Francken et le gouvernement abusent.
Publié le 28-02-2017 à 05h00
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Pascal Vancraeynest a son cabinet d’avocat à Yvoir. Il fait partie des spécialistes du droit des étrangers, ce qu’il considère déjà comme un «sacerdoce», en tout cas si on veut bien faire son travail. Cela devient d’autant plus pesant avec des décideurs fédéraux, décidément très à droite de la droite. Si tous les barreaux ont été choqués de la dernière provocation du secrétaire d’État à l’asile, Theo Francken (NVA), à titre personnel, notre interlocuteur se dit particulièrement outré. De quoi parle-t-on? Il s’agit ni plus ni moins de s’attaquer aux avocats «qui abusent de la procédure» en venant en aide aux demandeurs d’asile et autres illégaux.
Une manière de plus de s'en prendre aux plus faibles de la société, plaide Me Vancraeynest. Indirectement et vicieusement. En tentant de décourager ceux qui, comme lui, doivent déjà se contenter, en cette matière, de l'aumône de l'aide juridique. «On reçoit entre 500 et 600€ pour toute une procédure, tandis que tous les recommandés etc., restent à notre charge». Les abus éventuels? Ils ne sont pas nombreux, explique le juriste, et il existe déjà des contrôles. Les conseils de l'ordre peuvent être saisis. Les bureaux d'aide juridique ont également la capacité de sévir.
Comment installer une «ambiance» très puante
Il ne faut pas être dupe, continue Pascal Vancraeynest, les manœuvres du gouvernement fédéral n'auraient d'autre but que de mettre la pression, de saper un État de droit dont certains aspects ne lui plaisent pas. «Théo Francken, on le connaît. Ce qui m'inquiète, c'est que ce soit un accord de gouvernement. Je croise des avocats membres du MR, je peux vous le dire, ils sont révoltés!» Sur le fond même, il faudrait aussi définir l'abus de procédures. «Utiliser les failles de la loi, c'est aussi la force de l'avocat».
L’habitant d’Yvoir nous le répète, il s’agit d’une stratégie, d’une manière d’installer une certaine «ambiance». Qui pue.
Pascal Vancraeynest parle également d'hypocrisie totale. Selon lui, là où il y aurait de l'abus de procédures, ce serait plutôt du côté de l'Office des étrangers. Il a une pile d'exemple. «Dans un dossier, j'ai été contraint de déposer quatre recours devant le conseil du contentieux (NDLR. l'instance bruxelloise en charge de trancher). Pour finir, l'Office des étrangers s'est désisté avant la date de la dernière audience. Donc c'est l'État qui paye les dépens. Qui abuse des procédures?»
Autre cas récurrent: les demandes de régularisation pour raison médicale. Ici aussi, argue Me Vancraeynest, l'Office des étrangers jouerait parfois un «drôle» de jeu. Il évoque le cas d'une de ses clientes, en phase terminale d'une maladie rénale. Elle doit subir une greffe, en attendant, elle multiplie les dialyses. Analyse de l'Office: «Pas assez grave. Je vais en recours, ils reconnaissent la gravité du cas, mais ils changent la motivation de leur décision, qui reste défavorable». De recours en recours, conclut l'avocat, «j'ai obtenu l'autorisation pour elle de rester sur le territoire, durant un an». Question: qui abuse? Pourquoi ne pas prévoir, comme lorsqu'un quidam s'oppose à sa mutuelle, la désignation d'un expert?
La dernière provocation gouvernementale, Pascal Vancraeynest l'espère, ne passera pas le cap du conseil constitutionnel, ou de la cour européenne de justice. Mais en attendant, soupire-t-il, «tout est fait pour dégoûter les avocats. À ce rythme, il n'en restera pas beaucoup pour défendre les plus faibles».