Rochefort : des «pirates» de l’accueil bien utiles mais sans cadre légal
C’est une « maison pirate », hors des clous administratifs. Un policier à la retraite va marcher pour elle.
Publié le 23-05-2022 à 07h00
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L’ASBL est basée à la rue du Hableau, à Rochefort. Nous y sommes accueillis par Éric Maes, éducateur spécialisé à la retraite qui la gère en tant que bénévole. Également présent, Fabien Houlmont, ancien de la police judiciaire fédérale, récemment pensionné. Il fait partie de ceux qui soutiennent cette structure assez unique, mais qui n’entre dans aucune case administrative. Voilà pourquoi, d’ici quelques jours, l’ancien flic a décidé de marcher 150 km en se faisant parrainer. Pour sensibiliser à l’utilité d’un tel lieu et au sort de ses résidents. Parmi ces derniers, d’anciens détenus, d’ex sans-abri etc. Des types que l’on envoie ici car il n’y a aucune possibilité ailleurs.
Elle existe depuis 2012, l’ASBL "Le. d’arrêt" est connue des avocats administrateurs de biens des plus fragiles, des services d’urgence ou des instituts psychiatriques qui ne savent plus que faire de personnes à la dérive totale et peu susceptibles d’être logées dans d’autres structures. Il y a aussi quelques places dans une annexe pour des résidentes féminines.

"Des bénévoles, on en a plein" , se réjouit le maître des lieux. Et c’est bien nécessaire car, pour la plupart, ses protégés sont "loin". Et ils viennent parfois de loin. Comme ces deux vieux amis totalement largués, arrivés de La Louvière, via un pasteur. Des institutions religieuses appellent régulièrement au secours l’ASBL rochefortoise.
Sur le fil, en permanence
Le système: chacun paye 700 euros par mois, avec ses allocations d’invalidité, du CPAS ou autres.Pour être logé, nourri, blanchi. Et encadré, ce qui n’est pas une mince affaire. Tout relève du défi dans cette vie communautaire. Nous sommes dans ce qui s’appelle une "maison pirate".Contrairement à ce que l’appellation pourrait faire croire, c’est reconnu comme tel par décret. Mais celle-ci, malgré ses tentatives, n’est pas agréée par l’AVIQ. Il faudrait pour cela du personnel. Mais avec une capacité de 10 personnes au maximum, c’est impossible.
Voilà comment l’association est devenue une pirate parmi les pirates. Surtout depuis qu’elle s’est pris une amende administrative de 1500€ du SPW Logement en 2018. Parce qu’elle n’entre pas dans les clous, qu’elle voudrait y entrer et que l’on crée un cadre ad hoc .
Fabien Houlmont, ancien acteur du monde judiciaire le dit: dans des zones rurales comme l’arrondissement de Dinant, on pourrait multiplier ce genre de petites structures et engager du personnel mobile, qui passerait de l’une à l’autre. L’ancien syndicaliste a utilisé ses contacts politiques pour les sensibiliser à une réalité de terrain qui mérite selon lui un cadre légal… et au passage des subsides. Jusqu’à ce jour, seul le député wallon Eddy Fontaine (PS), unCouvinois, s’est intéressé à la communauté de la rue du Hableau. Les ministres, eux, se sentent coincés à cause de cette amende administrative, contestée depuis 2018.
À Rochefort, raconte Éric Maes, éducateur qui a une longue expérience, notamment en matière d’addiction, "on a été considérés comme des marchands de sommeil" . Quand ce petit monde a débarqué en 2012, cela n’a pas été sans heurts dans le voisinage: "Une pétition avait circulé dans le quartier. Mais aujourd’hui, je fais la bise à la dame qui l’avait lancée" .
Cette arche de la dernière chance fonctionne en permanence sur le fil, gérant un public lui aussi en équilibre très instable. "Il faut parfois en mettre dehors" , regrette le responsable de l’ASBL. Mais ici, c’est quand cela devient tout simplement impossible, et la barre est placée très haut… ou très bas.
Huit hommes et deux femmes sont pour l’instant domiciliés dans ces locaux que l’association loue. Il y a des problèmes récurrents d’alcool, un sniffe le gaz de son briquet et on en passe. L’idée: resocialiser ce public, tant que faire se peut.Un sacré défi. Bienvenue dans une certaine réalité.