Jemelle : les limites du sport, du libertinage, de la prostitution
Les époux Vieujean? Pour la défense, des libertins lynchés. Selon l’accusation, des incitateurs à la débauche et à la prostitution.
Publié le 24-04-2014 à 07h00
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Les lutteuses de Jemelle (Rochefort). On en a beaucoup parlé depuis le 24 octobre 2005, date d’une perquisition au domicile de Michel Vieujean et de son épouse Béatrice Goffin. Révélée quelques mois plus tard, début 2006, par un reportage de «Questions à la Une» sur la RTBF. Qui a valu à la chaîne publique une condamnation (confirmée en appel) de la justice civile. En cause: la manière avec laquelle ce reportage a été traité, des œuvres du journaliste Jean-Claude Defossé.
Bien des années après, le dossier des lutteuses de Jemelle a pris la direction d’une chambre pénale, au tribunal correctionnel de Dinant. Avec, cette fois, les époux Vieujean sur le banc des prévenus. Ce mardi, on en est venu au fond du dossier, durant toute une journée d’audience. Les reproches compilés dans la citation? Atteinte aux mœurs (y compris sur des mineurs d’âge), incitation à la débauche ou à la prostitution, tenue de maison de débauche, possession de documents contraires aux bonnes mœurs.
Réquisitoire de confiscation
Le parquet de Dinant présente les Jemellois comme des entrepreneurs spécialisés dans la pornographie. Ils auraient entraîné des jeunes filles et jeunes femmes dans un «trip» nauséabond, sous couvert de sport, au départ d’un club de lutte féminine qui aurait dérapé. Vers le «topless», la complète nudité, et même vers des combats mixtes, entre lutteuses féminines et clients, baptisés «sponsors» par les prévenus. Ces derniers payaient jusqu’à 200€ de l’heure pour se frotter aux lutteuses. Les Vieujean empochant 25€ pour leurs frais disent-ils. Et commercialisant en sus des cassettes, enregistrements de ces combats coquins. Cela a fini une fois ou l’autre par une relation sexuelle entre le «sponsor» et son adversaire. Mais ça, c’était leur vie privée à tous les deux, commente Michel Vieujean, interrogé par le président Renaud Hauquier.
Dans son réquisitoire, Kathleen Michel estime que les préventions sont établies. Que les lutteuses, pour la plupart des personnes fragilisées, ont été manipulées par les prévenus. La représentante du ministère public réclame une peine de prison de 3 ans, tant pour Michel Vieujean que pour Béatrice Goffin. En plus de la confiscation de 78 000€, somme estimée des gains de cette activité. De débauche selon le parquet.
«Dossier corrompu»
L'accusation estime que les limites du libertinage ont été largement franchies. Tandis que la défense, on le lira ailleurs, considère que ce dossier est pourri depuis le départ. Il serait parti sur de mauvaises bases. Sans cela, plaide Me Jean-Marie Dermagne, c'eut été une affaire banale. L'avocat rochefortois renverse le concept de corruption de mineures ou de majeures au profit de celui de «dossier corrompu».
C'est clair, pour lui, on a voulu se payer un «notable pervers» et sa moitié, déjà démolis dans l'opinion publique. De la morale plutôt que du droit? Le plaideur le pense. Et de relativiser: «Si on peut gagner de l'argent en assouvissant ses fantasmes…». Me Dermagne cite Freud: « La sexualité est un continent obscur». À l'entendre, ses clients auraient commis quelques erreurs, sans plus. Comme ne pas vérifier l'âge de l'une ou l'autre lutteuse. Et d'en appeler à la modération. Mais surtout de demander aux juges de déclarer la nullité des poursuites (lire ci-dessous).