Tribunal correctionnel de Namur: la saleté ne fait pas un canard laqué avarié
Un restaurant chinois s’est retrouvé dans le viseur de l’Afsca. Un dossier qui a un peu pourri dans les méandres de la justice.
- Publié le 11-09-2023 à 20h20
- Mis à jour le 11-09-2023 à 20h21
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Entre les restaurants chinois et l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), on ne se comprend pas toujours. La relation est tumultueuse pour ne pas partager, gentiment dit, la même conception de l’hygiène. Nouvelle illustration ce lundi matin, au tribunal correctionnel de Namur, où comparait un jeune restaurateur chinois, sommé de s’expliquer sur des PV calamiteux, certains anciens, dressés par l’Afsca.
Serein, l’homme ne nie pas les préventions retenues à son encontre mais, dit-il, il a compris la leçon des inspecteurs et réglé les problèmes relevés.
Mwais. Le substitut Stéphane Herbay a un méchant doute. Car ce n’est pas la première fois que le cuisinier a des œufs à peler avec la justice, jusqu’à la cour d’appel de Liège, concernant la propreté de ses deux restaurants, l’un à Namur l’autre à Jambes, lesquels, toujours en activité, ont été jugés crasseux par l’Afsca.
"C’est une histoire sans fin, intervient le substitut. La cour d’appel a sifflé la fin de la récréation mais il y a toujours beaucoup de désordre et d’activité dans la cour."
Le dossier, qui a bénéficié de multiples remises, a un peu ranci, des PV de contrôle datant de 2018. La faute à une litanie de manquements dont l’examen s’est éternisé. Sur l’entrefaite, une faillite, à cause du Covid et d’emploi de main-d’œuvre en noir, a mis son grain de sel dans l’engrenage. Un restaurant a rouvert sous un autre nom et numéro de société, brouillant un peu plus les cartes.
Quoi qu’il en soit, le ministère public énumère la liste des dernières et persistantes entorses à l’hygiène alimentaire: "Tout était sale", déplore le substitut Herbay, du sol aux armoires. Du cuiseur de riz au frigo en passant par les ustensiles. Par ailleurs, absence de plan de lutte visible contre les nuisibles. Indice aggravant: des grandes manœuvres de fourmis ont été observées près des sacs à farine de la réserve. Autres détails peu au goût de l’Afsca: une boîte à conserve ouverte dans le frigo. Une pelle à glaçons oubliée dans les glaçons et une température d’huile relevée à 193,8° soit 10° de plus que la limite autorisée. Enfin, même le sterfput sentait mauvais.
" Monsieur dit avoir remédié à la situation à un jour x, mais il faudrait pouvoir envoyer un contrôleur dès aujourd’hui pour vérifier ses dires. On ne peut pas prendre ce qu’il dit pour argent comptant et ainsi se faire mener en bateau", et le ministère public de réclamer une amende de 1500€, à multiplier des décimes additionnels, et sans sursis.
Saumon périmé d’un jour
Un écueil dans le chef de l’Afsca est pointé: un changement de société, et l’ouverture d’un nouveau restaurant, font recouvrer à son restaurateur, fût-il inquiété par le passé, une sorte de virginité, le fonctionnement de l’Afsca s’appuyant a priori sur le principe de la confiance.
À la défense, Me Cédric Bernès, qui a dû se farcir la législation indigeste du secteur de la restauration. À la lumière de laquelle il estime que l’Afsca s’est acharnée sur les responsables de ces tables de riz et nouilles. "L’Afsca oublie de préciser que le contrôle a été effectué en plein service, et sans traducteur. Je ne connais pas un restaurant où tout est en propre en plein coup de feu." En fait, l’Afsca aurait aussi à balayer devant sa porte. La méthode de travail des contrôleurs avait attisé la curiosité d’un précédent juge, qui les a convoqués à l’audience. Déjà à l’époque, suspicion d’y aller un peu trop fort. "Le tribunal ne peut pas devenir une chambre d’entérinement des PV des inspecteurs de l’Afsca", martèle l’avocat. "Le restaurant de mes clients n’est pas si infect et si immonde que le laissent supposer les rapports, et on n’y sert pas de la nourriture avariée."
Tout au plus peut-on leur reprocher de n’avoir pas daté la mise au congélateur des aliments, ce qu’ils feraient désormais scrupuleusement.
Attentive et fureteuse, l’Afsca avait relevé un paquet de saumon non-ouvert dépassant d’un jour la date de péremption. "On a tous mangé un yaourt du lendemain. Un saumon dépassé d’un jour est devenu un peu vite de la nourriture avariée."
Jugement le 9 octobre.