Sauve-qui-peut aux Solidarités: après Bigflo… pas "au lit", mais une (im)mobilité catastrophique et dangereuse (vidéo)
Ce samedi 26 août 2023, les festivaliers des Solidarités ont eu un peu plus l’occasion de prendre leurs marques sur le nouveau site à pleine capacité. Après Bigflo, au lit. C’est ce à quoi aspiraient de nombreuses familles avec des minots, bien fatigués. Dans la cohue et une organisation catastrophique des navettes, ils ont vite déchanté. Le lit, c’était loin d’être pour tout de suite.
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- Publié le 27-08-2023 à 14h27
- Mis à jour le 28-08-2023 à 11h05
"Ah il aurait dû y aller, Il aurait dû le faire, crois-moi, On a tous dit “ah c’est dommage, ah c’est dommage” C’est p’t’être la dernière fois." Sur le chemin du retour, nul doute que certains festivaliers, encore sur leur petit nuage après un show d’enfer, avaient en tête ces paroles d’un des gros hits de Bigflo et Oli. Peut-être, ces quelques mots prenaient-ils un autre sens à la vue du désastre qui attendait ces navetteurs.
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Oui, Les Solidarités, c’était peut-être la dernière fois pour certains d’entre eux, on ne les y reprendrait plus. Car, à voir les milliers de personnes (pour ne pas dire des dizaines de milliers) qui sortaient de l’enceinte du festival plus ou moins au même moment, vers 23h30 – la fin du concert des Toulousains –, ils étaient loin d’être rentrés. Le long de la route traversant le zoning, la masse humaine grandissait toujours plus et les bus TEC peinaient à suivre la cadence.
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Pourtant, la journée avait plutôt pas mal commencé, même si, après 16h, il fallait prendre son mal en patience, la file était conséquente pour faire valider son billet, obtenir son bracelet et entrer sur le festival. Ceux qui avaient pris le bus étaient manifestement un peu plus zen que les automobilistes. Car, pour gagner les parkings de délestage situés à Temploux ou Suarlée, à quelques kilomètres du centre névralgique, il fallait ronger son frein. Ça n’avançait pas et les espaces disponibles pour se garer commençaient à être saturés. "J’habite à 5 km, le village voisin, j’ai mis une heure pour atteindre le parking", témoigne ainsi une dame.
L’antithèse de bison futé
Ce n’est pas faute d’avoir prévenu: les organisateurs ont répété à l’envi: "ne venez pas en voiture". C’est vrai, mais, dans les faits, si tout le monde était venu en bus, certains n’auraient jamais vu Suarlée. Prévoir des navettes et des P+R dans le centre de Namur, à dix minutes de route (sans compter les bouchons) des hostilités, c’est pas mal. Mais, à l’exécution, ça a vite posé des soucis. C’est bête, les bus TEC passaient à Saint-Servais et Belgrade, sans s’y arrêter et pouvoir charger leurs habitants. Obligés donc d’aller par leurs propres moyens au festival ou de rallier le centre namurois.
Puis, ils étaient quelques-uns à venir des cités limitrophes: Floreffe, Spy, Gembloux… Plus proche de Suarlée que de la gare de la capitale wallonne. Alors, tant qu’à prendre de toute façon la voiture, autant directement se rendre à proximité de l’événement que de s’éloigner et de chez soi et des Solidarités. Certains habitants de ces villages voisins ne comprenaient pas que quelques navettes n’aient pas été affrétées dans leur sens. Ce qui aurait effectivement permis de ne pas prendre la voiture… et de se garer parfois n’importe comment. Hé oui, nous ne sommes pas à la citadelle qui est un point central plus adapté à des navettes unidirectionnelles, Suarlée est excentré et on y vient de toutes les directions.
On se marche et on se mange dessus
Enfin, soit, une fois sur le campus, on souffle, on oublie tout, il fait soleil, on profite et on s’initie un peu plus au nouveau site des Solidarités (déménagées, rappelons-le pour quelques années, sur le zoning Écolys) qui disposent enfin d’une grande plaine. L’entrée du festival est dégagée et s’ouvre sur l’urban village et son ambiance du tonnerre. Au fond, il y a deux rangées de tentes pour les associations et leurs stands de sensibilisation ou d’animations, quelques foodtruck. La camionnette de Médecins du monde s’est embourbée. Il a plu, il y a de la boue que de la paille essaie de juguler (ça fait parfois de la boui-lle) mais un chemin est tracé à l’aide de plaques robustes dont la superposition crée parfois le piège. Attention de trébucher !

Centrale, il y a l’immense scène de la Place des Arts. Elle sera pleine à craquer pour Bigflo et Oli mais le faux plat descendant et le renfort d’écrans géants permettront une vue optimale pour tous. Sur le côté gauche de cette mainstage, les choses se gâtent. Une allée proposant de part et d’autres des échoppes aux couleurs internationales (pizzas, mets africains ou asiatiques, frites bien belges) et d’autres chapiteaux associatifs. Et, au milieu, une grande tente pour les débats, les blind tests et consorts. Ce qui crée deux couloirs et, lors du coup de feu, de 19h00 à 00h30, un inextricable schmilblick.
D’interminables files sinueuses pour pouvoir commander à manger ou, même, pour remplir sa gourde à la fontaine (heureusement, ce n’est pas canicule). "Placer l’approvisionnement en nourriture dans l’unique accès étroit qui mène à une scène de concert, occasionne des soucis lorsque concert et heure de pointe du repas coïncident. ", rugit Donatienne. "Quel amateurisme cette organisation… à tout point de vue… […] des files d’attente qui se trouvent dans le sens de la marche", continue François. On se fait ballotter dans tous les sens et ceux qui veulent rejoindre la (très mal placée) scène La Plage, doivent transpercer les files affamées. "Fallait vraiment avoir faim lol", enfonce Lucie. Sans compter que le temps passé (une heure, c’est la tape) en rang d’oignon, c’est un concert qu’on ne voit pas. Ça fait beaucoup pour une affiche qui ne propose que 6 à 8 concerts par jour.
Enfin, on se régale devant Bigflo et Oli. Rassasié ne fût-ce que de musique, de bonnes ondes et de chouettes moments de retrouvailles, on se dit que la journée fut quand même belle, chaleureuse. Et, à 23h30, donc, tout ce petit monde prend le chemin du retour. Le pire reste à venir.

Terminées, les solidarités, chacun pour sa gueule
"Une belle journée… une fin catastrophique ! ", résume Michaël. Petits et grands se retrouvent agglutinés, dans le noir et sur un bas-côté fait de bosses et de fosses, comme des sardines et attendant les hypothétiques TEC. Il y a là des milliers de personnes et des bus au compte-gouttes. Direction les parkings de délestage de Temploux ou de Namur. Problème, rien n’est organisé, pas de piquet indiquant leur point de chute. Ce n’est pas tout, certains cars dont la destination est affichée en devanture ou sur les flancs en changent... une fois arrêtés. Ils ne vont plus à Namur mais à Temploux… Oui, mais certains festivaliers sont déjà montés et peut-être vont-ils se retrouver au mauvais endroit, non?
Dans la masse, certains facétieux lancent un clapping. D’autres lancent un "Pour Les Solidarités, pour la police, pour le TEC, hip hip hourra." Ça sent l’ironie à plein nez.
La situation échappe complètement aux organisateurs, à leur partenaire (im)mobilité et aux autorités qui font ce qu’elles peuvent. Tout le monde est fatigué, râle. Cela fait une heure que certains sont là et qu’ils se voient dépassés par des cohortes de gens qui viennent à peine de quitter le festival. Les femmes et les enfants d’abord ? Connaît pas. Chacun son tour ? Non plus. En vrai, c’est chacun pour sa gueule et la solidarité, ce sera pour un autre jour.
Alors, certains se résolvent à l’idée de faire la route, 2, 3 ou 4 km pour retrouver leur voiture. Naturellement, ce sont des fêtards pas des marcheurs équipés pour la nuit avec lampe et gilets fluo. Retourner ‘à pattes’, ça implique aussi de longer la route 2x2 bandes de Louvain-la-Neuve ou les routes du zoning, mal éclairées et dont la vitesse n’a pas été rabaissée. C’est 90km/h. Et ça file. Notamment, les navettes destinées à ramener les partenaires mais qui s’efforcent de donner un coup de main aux bus, noyés par la vague humaine. Certains traversent la route de Louvain-la-Neuve en courant, au petit bonheur la chance, face à des conducteurs qui les voient et freinent à la dernière seconde. C’est un sauve-qui-peut très dangereux.
"Foutez-moi le bordel, Namur"
Au bout d’un moment, gyrophares clignotants, les véhicules de police se rangent le long de la route pour créer un passage protégé sur cette chaussée fort fréquentée, en entrée et sortie d’autoroute.
Enfin, on peut espérer atteindre le parking et faire face à un nouveau problème. "On ne nous a pas dit que le parking était en fait un camping… Je n’avais pas prévu mon sac de couchage… ". Megane fait de l’humour mais n’en pense pas moins. "Impossible de sortir du parking de Temploux !! Bloqués depuis plus d’une demi-heure, on n’a pas avancé d’un seul cm !", calcule Manon. "1h45 pour avoir une navette pour le parking de temploux, gestion des festivaliers inexistantes, 45min pour sortir du parking et encore par chance car la voiture était près d’une sortie… tout simplement scandaleux ! ", s’emporte Caroline. Florence fait le bilan, rétrospectif: "Sur 6 ans de Solidarités, nous n’avons jamais connu pareille pagaille avec les navettes. Organisation à revoir d’urgence ! Ça gâche vraiment la bonne humeur de ces journées pourtant magiques. "
Un seul gros concert attendu de tous
Nathalie prend sa plume, comme on écrit au Père Noël. "Chères Les Solidarités, serait-il possible qu’il y ait un peu plus d’organisation, de sécurité et de justice dans la file de retour des navettes? Vendredi c’était plutôt bien. Mais hier, j’ai bien dû me faire dépasser par, disons... 1000 personnes? Merci de tout cœur aux chauffeurs des TEC qui ont gardé leur calme."
D’autres abondent dans le même sens: "Merci aux chauffeurs des navettes et du TEC ainsi qu’aux policiers de gérer la débandade liée à la non-organisation de la sortie du festival (et qui était prévisible)… "
Oui, c’était prévisible. Et, malheureusement, force est de constater qu’à la citadelle ou cette fois à Suarlée, ces problèmes intra – comme extra-Solidarités, sont récurrents. Déjà quand le festival accueillait des Angèle ou Bruel. Ici, avec une seule tête d’affiche énorme (là où les autres années, le public était ventilé avec plusieurs grands noms dans différents registres), Bigflo et Oli, il était évident qu’une grande majorité partirait au même moment engendrant une situation monstre et affligeante à proximité d’un endroit finalement mal choisi? En tout cas, ils ne croyaient pas si bien dire ces artistes qui, durant toute la journée, encourageaient le public à ‘mettre le bordel’.