Namur: 673 travailleurs non déclarés, le dumping social à grande échelle est passé par le chantier du Delta
Il aurait créé des entreprises au Portugal pour des chantiers belges, dont celui du Delta, pour payer moins de lois sociales et des salaires à des taux moindres.
Publié le 27-04-2023 à 19h00 - Mis à jour le 27-04-2023 à 19h01
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Le ministère public a requis une peine de cinq ans de prison avec sursis de trois ans mais surtout un total de plus de 26 millions d’euros, entre confiscations et somme à payer à l’ONSS, devant la cour d’appel de Liège, à l’encontre de Pedro R, un entrepreneur soupçonné d’avoir commis du dumping social de grande ampleur entre 2011 et 2018.
Il est soupçonné d’avoir éludé les charges ONSS en Belgique en mettant sur pied une organisation criminelle qui fraudait en réalisant du détachement de main-d’œuvre provenant du Portugal vers des chantiers de construction belges. Il doit répondre de non-déclaration de dimona, de non-déclaration de travailleurs à l’ONSS, de non-paiement de rémunération et de cotisations sociales, de faux et usage de faux et de blanchiment d’argent.
En instance, dix personnes étaient poursuivies. En appel, seul Pedro R, qui est soupçonné d’être le dirigeant, est toujours sur le banc. Il aurait émis de faux formulaires de détachement de main-d’œuvre du Portugal vers la Belgique afin de payer des lois sociales et des salaires à des taux portugais, inférieurs aux barèmes belges. Il a mis sur pied quatre sociétés portugaises et deux sociétés belges avec l’aide de ses proches. Les faits ont été découverts lorsque des ouvriers portugais ont été contrôlés sur des chantiers de construction de sociétés belges ayant pignon sur rue à qui les sociétés des prévenus fournissaient de la main-d’œuvre. Ils ont notamment collaboré à la construction du Delta (ancienne maison de la culture).
Selon l’enquête, il n’a pas déclaré 673 travailleurs en Belgique. Les sociétés n’avaient pas d’activité au Portugal, tout le chiffre d’affaires était issu des chantiers en Belgique. Certains des travailleurs n’ont jamais travaillé au Portugal. De plus, la durée maximale d’un détachement est de 24 mois et certains travailleurs ont largement dépassé ce plafond.
Selon l’auditorat, l’avantage patrimonial illicite était de l’ordre de 70 000 euros par mois. L’auditorat du travail a encore relevé que cet avantage patrimonial a été blanchi via des dépôts d’argent liquide, des versements sur des comptes espagnols, mais aussi des investissements au Mozambique.
En instance, Pédro R a été condamné à 4 ans de prison avec sursis de 5 ans et à 600 000 euros d’amende. Le tribunal a aussi confisqué 15 978 000 euros pour les restitués à l’ONSS. En appel, l’auditorat a demandé la confiscation de plus de 7 120 000 euros qui correspondraient au blanchiment, une amende de 100 000 euros à multiplier par les décimes de 2012. L’ONSS a réclamé 26 470 euros et une indemnité de procédure de 22 500 euros. L’avocat de la défense a soulevé ce qu’il estime être des manquements. Il a demandé à la cour de poser une question préjudicielle et déclarer les poursuites irrecevables car le premier juge aurait statué alors qu’il n’avait pas encore les documents fournis par l’administration fiscale portugaise. La cour rendra sa décision fin mai.