Jambes : Basse-Enhaive entre parenthèses inédites le temps d’une pandémie, de confinements et d’un court-métrage
Tourné à Basse-Enhaive, un court-métrage replonge dans le cauchemar du Covid. Un document pour l’histoire qui a libéré la parole.
Publié le 13-03-2023 à 20h15 - Mis à jour le 13-03-2023 à 20h16
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Autour de la table, ce lundi matin, à la maison de quartier Basse-Enhaive, il n’y a que des femmes qui causent. Mais il ne faut surtout pas y voir du sexisme. Les mots sortent tout seuls des bouches de Muriel, Donatienne, Colette, Khadija, Monique et Sarah.
Si elles parlent avec volubilité, c’est en raison du caractère inédit de ce qu’elles ont réalisé ensemble depuis deux années: rien de moins que l’écriture et le tournage d’un court-métrage de 22 minutes qui sera projeté en avant-première ce 17 mars, à 18 h 30, à l’Espace Francis Laloux.
Successivement, ces dames, qui ont toutes en commun d’avoir tenu la caméra et recueilli la mémoire, et d’habiter ce quartier du bord de Meuse, commentent l’expérience et s’étendent sur cette thématique qui a marqué la société humaine au-delà des continents.
Quand s’est posée la question (par visio-conférence) d’un sujet à creuser, offrant la liberté de vider son sac et de déposer des souffrances, celui de la crise sanitaire s’est rapidement imposé.
La pandémie et ses confinements, c’est l’histoire d’un cauchemar qui, a posteriori, semble toujours frappé d’irréalité. C’est la chronique d’un enfermement social qui s’est attaqué aux libertés fondamentales et fait surgir le spectre d’un big brother. C’est deux années en apesanteur, de non-vie, qui ont abîmé notre humanité, sur le fond sinistre d’un décompte glacial des morts, d’une anxiété généralisée générant frustrations et colère.
À Basse-Enhaive, peut-être plus qu’ailleurs, à cause de logements trop calibrés ou privés de balcon, le confinement s’est déroulé à l’étouffée. Tout le monde n’a pas un jardin. L’horizon s’y est rétréci. Les jours ont paru longs.
Au-delà du plaisir, le sextuor féminin s’est donné pour objectif de mesurer l’impact du Covid sur ces âmes assignées à résidence, sur la santé mentale et les relations sociales.
"Tout le monde a été réceptif au sein du quartier. On a ressenti un besoin de parler. C’est très positif. Ce fut, deux ans durant, une belle aventure. Et à présent, c’est un document pour l’histoire", témoigne Muriel.
Une thérapie de groupe
"Ce n’est pas un documentaire sur le Covid, complète Colette. Parenthèse inédite retrace le vécu de la population du quartier. Nos témoins, une dizaine, racontent comment ils ont géré le stress, la peur, la solitude et l’angoisse."
Le projet, croisant les cultures, les générations et les origines sociales, est issu d’une fructueuse collaboration. Si la maison de quartier a pu porter à l’écran cette Parenthèse inédite (le titre du court-métrage), c’est grâce à la complicité de trois partenaires: le Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation (CPCP), institution reconnue d’Éducation permanente, Média Animation (qui éduque et initie aux médias depuis 1976), et le service de Cohésion Sociale de la Ville de Namur.
À Basse-Enhaive, on se souvient encore très bien de ce cruel printemps 2020, claquemuré alors que sa lumière ruisselait aux fenêtres, poussant à sortir. On se souvient que la Maison de quartier, fondée en 2011 pour retisser du lien social, a dû fermer, et que le Ravel du bord de Meuse s’est révélé une échappatoire rafraîchissante.
Personne n’a pu prendre le large. Au pied levé, les habitants ont dû mettre en place des solutions de rechange. Apprendre la résilience sur le tas. Partager et discuter par technologie interposée. Ralentir le rythme, se poser, patienter, espérer des jours meilleurs.
Dans le microcosme de Basse-Enhaive, les habitants ont aussi ressenti combien la pandémie a accéléré les mutations, creusé les inégalités.
Pour Khadija, la réalisation de ce court-métrage se révéla une thérapie de choc et de groupe. "J’ai pris conscience de notre capacité à se soutenir les uns les autres, à être solidaires. Beaucoup de choses nous ont manqué, à commencer par la famille, mais l’épreuve a été surmontée tous ensemble."
"Cette Parenthèse inédite est notre résilience", dixit Muriel. "C’est quelque chose de très positif", réplique Colette.
La majorité des témoignages sont bouleversants. "Les gens ne répondaient pas toujours aux questions mais on les laissait parler. Ils se libéraient, ça leur faisait du bien", racontent encore les six co-réalisatrices. Il a fallu couper. Le montage a été douloureux.
Vendredi soir, dans l’Espace Laloux, tout au bout de ses 22 minutes de voyage retour dans cette crise sanitaire, peut-être qu’un bizarre sentiment envahira la salle: celui d’avoir vécu un film fantastique en direct, mais d’être resté dans la salle de projection. Au fond, le monde n’a-t-il pas sombré dans une faille spatio-temporelle ? Va-t-on enfin se réveiller ? Les autorités n’ont-elles pas poussé le bouchon trop loin ?
Le Covid a peu ou prou disparu de nos vies, et il continue de nous hanter.
"Parenthèse inédite", en avant-première ce 17 mars, à l’Espace Francis Laloux, Parc Astrid 21 à Jambes. Inscriptions maisondequartier.basse-enhaive@ville.namur.be
081/30 11 90 0475/78 45 55