NAMUR <3, en lettres géantes : à Jemeppe, Christophe Boite sort de l’ombre et apporte son fer à l’édifice (photos & vidéo)
Mi-avril, Namur devrait s’afficher en lettres géantes au cœur du site de la Confluence. Méticuleusement,c’est à Jemeppe-sur-Sambre que le ferronnier d’art Christophe Boite les crée et les assemble.
Publié le 10-03-2023 à 18h52 - Mis à jour le 10-03-2023 à 20h26

"M oi aussi, j’ai hâte de voir le résultat", sourit Christophe Boite en caressant la tôle qui prend forme. Un N, un A, un M, un U et un R, en blanc, ainsi qu’un cœur, incliné, en rouge, comme " point d’amour". Soit des lettres plutôt mini-géantes, 1 mètre de haut prévoyait le cahier des charges – plus " sobre" que dans d’autres villes, c’est pas Hollywood – et quelque 7 de long, 80 à 90 mètres de soudure, une tonne et demie de tôle en acier brut et doux. Relativement souple malgré un bon centimètre d’épaisseur, à l’épreuve des coups. Un coût de 34 450 €, avait annoncé la Ville de Namur, en janvier.

En construction, elles sont les stars du grand atelier jemeppois Boite et fils. "Je nous revois encore, mon papa, Michel, et moi, à la vente publique de ce hangar. Nous étions sûrs qu’il était pour nous." Les hommes en costume-cravate n’y ont rien fait, l’affaire a été conclue et la grande aventure de ces Meuti s’est forgée à Jemeppe.
Du hangar à la citadelle sur la photo
Les années ont passé, à ne pas savoir où donner de la tête, le travail ne manque pas. Escaliers, barrières, mais aussi les suspensions du kaléidoscope éclairant la station de métro Alma à Bruxelles. Dernièrement, 800 pendards pour la STIB accrocher les luminaires de l’immense dépôt Delta.

Dans la pénombre de la lumière, Christophe relève donc le défi d’amener son fer à l’édifice de ce lettrage touristique. "Il sera placé pour qu’on ait la citadelle en arrière-plan, sur la photo. J’ai passé toute ma jeunesse à Namur. Ça me tient à cœur de participer à ses aménagements. C’est un bébé que je mets au monde à partir de tôles de 2 m/1 m. La découpe au laser, c’est de la haute couture." Cet ouvrage qui sort de l’ordinaire donne l’opportunité de faire connaître un métier, un artisanat. "Il n’est pas automatisable. Si on a l’intelligence des mains, on peut aller très loin."
Cépatautomatix

Christophe gère de A à Z ses projets: prise de mesures, plan, réalisation et placement. " J’ai grandi avec une barre de fer dans le ventre. À part le ballon (qui lui a valu le surnom de Quick) et le vélo, il n’y avait pas beaucoup d’autres occupations, alors je chipotais dans l’atelier, je grattais la baguette." Une baguette de soudeur-magicien qui s’assortit de beaucoup de recherches, de créativité et de résolution de problèmes par des stratagèmes rusés. Comme sur ces deux faces du R que Christophe assemble. " En soudant d’un côté, la tôle s’incline de l’autre, sous l’effet de la chaleur. Je dois la remettre d’équerre" Avec les moyens du bord.
Malgré ce que peut penser le commun des mortels, “cépatautomatix”. "Le travail de ferronnerie se fait à 90-95% en atelier. Pour une journée de placement, il y a trois semaines de travail." Non, Christophe n’entrepose pas son matériel dans le jardin du client pour créer sur place. "On m’a déjà demandé: “et votre barrière, vous l’achetez où ?” Mais c’est moi qui la fais !"

Alors, il est tout heureux, dans ce qui aura demandé à terme entre 150 et 200 heures de travail, de mettre en valeur l’histoire et la vie de ce métier de l’ombre. Qui fait pourtant beaucoup d’étincelles. " Ça montre qu’il y a encore des métiers qui tournent en Wallonie."
Dans l’atelier, restent les lettres U et R, et le cœur, un peu le sien, à assembler. "C’est là que ça se complique, avec les courbures. Puis, il va falloir cintrer, au millimètre." Après quoi, la cargaison, sanglée et emmitouflée dans de la mousse, partira vers la société Belgium Coatings, à Liège, qui s’occupera du sablage, de la métallisation à chaud et de la peinture poudrée. Quid du potentiel vandalisme ? "Une connaissance de Mettet cherche un produit qui recouvrirait les pièces d’un film empêchant les tags tenaces. " Enfin, ce petit Namur sera chevillé près du NID avec un système de platines permettant au sextet d’être démonté lors des futurs événements. De mèche avec les cloches, l’installation devrait arriver avec les œufs de Pâques au Grognon.
"Le cœur léger"

S’il aime visualiser ses travaux depuis son bureau, parfois très tôt en été, avec un peu de musique italienne, du café et un téléphone qui ne sonne pas encore ; Christophe se définit aussi comme passeur d’âme. Au CEFA (Centre d’Éducation et de Formation en Alternance) de Namur, à raison de deux jours par semaine, il enseigne son art et sa passion.
"C’est un métier brut de décoffrage, avec des ressources illimitées, qui demande de l’élégance, de la finesse. Je rattrape des jeunes en difficultés, je ne vends pas du rêve mais fais preuve d’empathie, je les invite à venir le cœur léger. Je pense qu’il faut être droit et carré, faire preuve de franchise."
La ferronnerie manque de main-d’œuvre concernée par ce dur mais beau métier, Christophe en a fait l’expérience quand il a voulu faire grandir son entreprise. Mais ça n’a pas pris. Mieux vaut rester à deux (avec Franck, son ouvrier) que de se brûler. D’ailleurs, on se blesse parfois ? "On se brûle souvent, mais c’est rarement grave. Avec le froid du métal, on attrape des crevasses." Qu’il cautérise sur le fer bouillant.
"Le plus gros danger reste la disqueuse. " Puis, mieux vaut mettre son casque. "Les lunettes ne suffisent pas, les UV produit par l’arc électrique donnent sur le reste du visage. On me dit parfois que je suis bronzé, c’en est la cause ! Puis, en cas de coup d’arc dans les yeux, le meilleur remède est celui de grand-mère. On coupe une pomme de terre en deux et on la met sur ses yeux. L’amidon enlève l’infection."