Namur : Yslaire et le fantôme de Baudelaire, une masterclass au Musée Rops (3 BD à gagner)
Pour sa dernière ouverture avant travaux, le Musée Rops s’associe à la Maison de la poésie pour accueillir un monstre sacré de la bande dessinée: Yslaire. Qui rime avec Baudelaire.
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Publié le 01-03-2023 à 16h00
Tentez de remporter l’un des trois exemplaires de Mademoiselle Baudelaire d’Yslaire mis en jeu, en participant à notre concours sur la page Facebook L’Avenir Namur. Dites-nous en commentaire sous le post de l’article (qui sera publié ce 1er mars en fin de journée) le nom de votre poète favoris et identifiez la personne avec qui vous partageriez la lecture de ce livre.
Dès lundi, le Musée Rops (rue Fumal, 12) fermera ses portes jusqu’au 15 mai. Même s’il ne restera pas inactif et proposera des pistes extra-muros ; le musée marquera le coup, ce dimanche 5 mars. L’occasion d’une après-midi chargée de poésie littéraire et graphique, invitant l’auteur de BD Bernard Yslaire ( Sambre, XXe ciel…), totalement investi, habité, par Charles Baudelaire et son œuvre depuis deux albums aux Éditions Dupuis, collection Aire Libre: le roman graphique Mademoiselle Baudelaire et un beau livre d’illustrations des poèmes des Fleurs du mal. Une œuvre vénéneuse et fascinante, avec du répondant et de la matière, dont on pourrait parler des heures. Yslaire en aura une seule, lors d’une conversation animée par le journaliste Thierry Bellefroid et suivie d’une séance de signature, dès 14 h, au sein de la Maison de la Poésie (rue Fumal, 28).
Un destin en fracture
L’occasion de toucher un peu au vœu d’immortalité et d’éternité de Baudelaire, ami et inspiration de Félicien Rops rappelons-le, comme Yslaire l’explique: "Baudelaire était conscient de ça, de la postérité qu’il allait laisser. Pour moi, cela tient, d’abord, à la qualité de son écriture. Il est la porte entre l’Ancien Régime et l’art moderne, il est la fracture. C’est ce qui est prodigieux chez lui, avoir réussi à la théoriser et l’incarner. Souvent, dans l’Histoire de l’Art, les théoriciens et les praticiens, pas conscients de ce qu’ils font, ne sont pas les mêmes personnes. Baudelaire est conscient. Son ultra, hypra-sensibilité m’a toujours fasciné. Elle est quasiment féminine, car il donne une importance majeure à ses émotions. Mais pas seulement, à ses sensations aussi: son goût, son toucher, l’odeur, la vue… Tout ça compose son art et sa lucidité hors pair sur son temps. "
Hors pair et pourtant maudit. "Je voulais comprendre pourquoi. On dit que c’est le premier poète maudit. C’est vrai qu’il n’a pas eu de succès de son vivant, qu’il a passé sa vie à courir après l’argent. C’était une douleur pour ce fils de riche qui n’avait jamais appris à travailler. Il a flambé des millions, c’est invraisemblable. Quand on fait une biographie, on lit et relit les mêmes épisodes dix fois jusqu’à en comprendre le sens. "
Le tiers manquant
Le sens, le fil rouge, ardent, Yslaire l’a trouvé dans les yeux de Jeanne Duval, maîtresse et muse, confidente et conseillère. "Je voulais raconter l’histoire d’un couple et c’est ce qui m’a attiré dans le personnage extraordinaire de Jeanne: elle a été invisibilisée. Quand on se remet dans l’époque: elle est à la fois femme et noire. Je voyais bien le côté féministe mais, comme j’ai commencé le projet, avant Black Lives Matter, je n’ai pas vu l’autre portée. Cela dit, l’auteur de fiction que je suis à la base se retrouvait face à un personnage quasiment fictionnel, légendaire. On n’a pas d’écrits d’elle, on ne sait pas quand elle est née, quand elle est morte, on ne sait que ce que les autres en ont dit. C’est un fantôme. Et c’est extrêmement pratique pour évoquer Baudelaire, tout en évacuant certaines choses qui distrairaient du propos. C’est un point de vue, assumé: le tiers manquant comme on dit en psychanalyse, la personne qui n’est pas là mais jette son regard sur vous. Je ne suis pas dans le jugement, je suis dans le dessin. Ce qui me permettait de mettre en lumière cette relation par les images. Une manière d’appréhender Baudelaire, en lui laissant cette part de mystère."
Insaisissable poète
Si ses écrits sont très imagés, immédiats, représenter Baudelaire ne fut pas pour autant simple, graphiquement, tant l’homme était insaisissable. "Je n’ai pas voulu montrer un garçon, dans l’élan de la jeunesse qui se flétrit de plus en plus, je trouvais plus intéressant de garder tout au long et jusqu’au bout ce visage d’enfant qui vieillit mal. Pour le reste, il y a beaucoup de photos de lui, mais surtout postérieure à 1850 alors que la majorité de mon histoire se situait avant la révolution de 1848. Il y avait bien ce tableau d’Émile Deroy, en 1844, dans lequel Baudelaire est comme un diable et qu’il avait d’ailleurs accroché au-dessus de sa cheminée. J’y ai eu les indices de sa barbe, de ses cheveux volontairement fous. Mais, Courbet, en 1847, le montre complètement rasé. Je ne sais pas si c’était sa tête à ce moment-là mais Courbet lui dit: “Toi, tu changes d’apparence sans arrêt.” C’est vrai qu’en bon dandy, il faisait énormément attention à son apparence. Sa provocation était d’être toujours nickel avec des habits décalés, des cheveux teints de couleurs différentes… Je crois qu’il se rasait barbe et moustache selon les périodes. "
"La drogue en moins", Yslaire s’est mis dans le même état que Baudelaire pour tenir les délais et tomber les planches. "Je n’avais pas besoin de réveil, je ne dormais pas. J’allais me coucher sur le canapé au moment où je ne voyais plus rien. Baudelaire ne dormait pas, il avait des insomnies terribles, des angoisses. Ce qui m’a le plus étonné, au moment même, c’est de ne pas avoir eu de baby blues. "
À 12h50 et 15h40, visite guidée du parcours Rops/Baudelaire. Places très limitées. Réservation obligatoire au 081 77 67 55 ou à info@museerops.be
www.lavenir.net
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