Escroquerie aux bitcoins: un Namurois dit en détenir pour 2 milliards€
Ghislain E. devait prouver sa solvabilité. Il avance des chiffres mais ne démontre pas qu’il est propriétaire de ces sommes astronomiques.
Publié le 01-03-2023 à 21h31 - Mis à jour le 01-03-2023 à 23h14
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Un dossier relatif à des escroqueries liées à des investissements en cryptomonnaie dont les chiffres donnent le tournis a été à nouveau abordé par le tribunal correctionnel de Namur. Réquisitoire et plaidoiries avaient eu lieu au printemps dernier. Il a ensuite été décidé d’entendre le prévenu par vidéoconférence, ce qui a été fait en septembre.
Le prévenu, Ghislain E., a fondé la société QI en octobre 2017, promettant à des particuliers souhaitant investir dans la cryptomonnaie des rendements compris entre 50 et 80 % dans les six mois, sans prise de risque. Les 27 parties civiles ont investi près de 3 970 000 euros via 45 contrats, des montants qui n’ont pas été restitués intégralement. Les rendements n’ont pas été versés.
D’entrée de jeu, le conseil du prévenu a marqué son intention de ne pas assister à l’audience de ce mercredi, à la suite des "discours divergents et peu clairs" de son client, qui sera donc condamné par défaut, lui-même se trouvant à l’île Maurice.
Me Clément, conseil de huit parties civiles, a rappelé que le prévenu avait confirmé lors d’une audition par vidéoconférence qu’il n’avait pas investi dans la cryptomonnaie toutes les sommes que lui avaient confiées ses clients. "Il a évoqué divers portefeuilles de bitcoins, qui se sont révélés vides. Il mentionne aussi un souci d’accès à ses comptes ou un problème de bancarisation de ses avoirs, connu avant de percevoir certaines sommes, mais quand le ministère public lui propose de se charger de cette opération pour rembourser les parties civiles, il refuse car en procédant de la sorte, il réaliserait une moins-value."
Les différents conseils évoquent le rôle indispensable de l’épouse du prévenu, titulaire d’un diplôme de gestion, qui lui a permis de créer sa société dont elle était la gérante, mais aussi les dépenses réalisées dans des casinos, jeux en ligne ou paris sportifs. Me Adam précise : "Il a toujours dit qu’il voulait rembourser mais est aujourd’hui acculé, son subterfuge a été découvert. Il n’a pas de volonté d’indemniser même s’il dit en avoir les moyens."
Le parquet requiert trois ans de prison
Le substitut Moreau requiert une peine de 3 ans de prison et une amende de 1 000 € à l’encontre du prévenu devant répondre d’escroquerie et de faux. Une peine d’un an de prison assortie d’un sursis probatoire et 500 € d’amende sont requis contre son épouse, et une amende de 2 000 € est réclamée contre leur société, Quantum Intelligence.
Le magistrat, qui réclame des confiscations destinées à rembourser les parties civiles, a ensuite pris la parole : "Nous avions demandé au prévenu de prouver sa solvabilité. Il déclare depuis la dernière audience détenir 125 000 bitcoins, soit plus de 2 milliards d’euros, répartis dans près de 26 portefeuilles. Mais il ne nous apporte aucune preuve qu’il en a la jouissance effective, qu’il en est propriétaire ou y a accès. Par le passé, il avait évoqué un jeton bitcoin qui ne contenait rien, un autre n’a jamais été trouvé. Il a affirmé pour d’autres qu’il pouvait bancariser de l’argent mais qu’il ne le ferait pas, pour des raisons mystérieuses lui appartenant. Qu’il possède tout cela ou pas, j’en doute, il est en aveux de ne pas avoir investi les sommes que les parties civiles lui avaient confiées et de ne pas les en avoir informées. L’escroquerie est largement établie, tout comme les faux réalisés."
L’avocat de la société Quantum Intelligence estime que celle-ci a été instrumentalisée, précise qu’elle n’avait pas de portefeuille bitcoin à son nom et qu’elle ne doit donc pas être condamnée pour la délinquance du gérant. L’acquittement est plaidé. Le conseil de l’épouse du prévenu évoque l’irrecevabilité des poursuites, sa cliente n’ayant pas été entendue dans le cadre de l’enquête. L’acquittement est plaidé, la prévenue estimant n’avoir participé à aucune infraction. Jugement le 5 avril.