Namur : mort voici 125 ans, Félix Godefroid fut « premier harpiste d’Europe »
Décédé en 1897, le musicien Félix Godefroid s’est forgé un nom sur la scène internationale grâce à sa mise en valeur de la harpe.
Publié le 05-01-2023 à 16h58 - Mis à jour le 05-01-2023 à 17h12
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Un concours international de harpe porte son nom et fait écho à sa prolifique carrière. Disparu il y a 125 ans, le harpiste Félix Godefroid a marqué son époque par ses mélodies qui ont résonné bien au-delà de nos frontières, en particulier en Angleterre auprès d’un public romantique. Moins connu que son compatriote Adolphe Sax, le musicien n’en demeure pas moins un artiste majeur du XIXe siècle, décrit par le compositeur Hector Berlioz comme un "maître absolu de son instrument". Si l’homme n’est plus, son répertoire ( La Danse des Sylphes, Le Démon de la Nuit…) continue de vibrer grâce à de nouvelles générations d’artistes issus de divers horizons.
Naissance d’un prodige
Dieudonné Joseph Guillaume "Félix" Godefroid naît à Namur le 24 juillet 1818 au sein d’une famille de musiciens traditionnels. Son père, Dieudonné-Wéry Godefroid, est professeur de musique et partage cette passion avec son épouse, Marie-Catherine Gobiet, elle-même fille de musicien. C’est donc en toute logique que Félix, dès son plus jeune âge, est doté d’une solide formation musicale, au même titre que son frère aîné, Jules, déjà virtuose à l’âge de douze ans.
Cette enfance, a priori heureuse, est toutefois perturbée par le déficit budgétaire de la nouvelle salle de spectacle érigée par la Ville de Namur, dont Dieudonné occupait le poste de directeur. Ruiné, le père de Félix est contraint de vendre la maison familiale et embarque ses onze enfants à Paris, en quête d’un avenir meilleur. Dans la capitale française, Félix Godefroid poursuit son apprentissage de la harpe, au Conservatoire, dans les classes du compositeur François-Joseph Naderman puis de Théodore Labarre.
Cette escapade parisienne s’avéra de courte durée puisque, dès 1827, l’enfant continue sa formation à Boulogne-sur-Mer, où son père gère à la fois un théâtre et l’orchestre de la Société Philharmonique. Avec le temps, la station balnéaire finit par gagner en notoriété sur la scène musicale en accueillant des musiciens de légende: Niccolò Paganini, Maria Malibran ou encore Charles-Auguste de Bériot. Et chez les Godefroid, on développe la fibre artistique au travers du chant, du piano, de l’alto ou encore de la harpe. C’est d’ailleurs avec ce dernier instrument que Félix se forgera bientôt un nom auprès de ses pairs.
Harpiste virtuose
En 1836, peu après le décès de ses parents, à quelques mois d'intervalle, Félix et son frère Jules reviennent à Paris pour interpréter des récitals de harpe. Un séjour marqué par la critique acerbe de la presse parisienne qui les incite à revenir en Belgique lors d'une série de concerts à Namur, Huy, Liège, Bruxelles... Cette fois-ci, l'accueil sera triomphal et se poursuivra lors de leurs tournées en Europe et au Proche-Orient, accompagné désormais du violoncelliste Adrien-François Servais.
Le 27 février 1840 marque une date douloureuse pour Félix. Ce jour-là, il perd son frère Jules, âgé d'à peine 29 ans, sans lequel il n'aurait pas endossé ce début de carrière prometteur. Un tragique événement qui va inciter le jeune homme à poursuivre les recherches de son premier pédagogue afin d'améliorer sa technique de la harpe. Novateur dans l'âme, il parviendra à égaliser le rôle des deux mains par un doigté nouveau et à perfectionner le mécanisme du pédalier.
À l'instar du succès du groupe qu'il formait jadis avec son frère, le musicien connaîtra une carrière solo retentissante aux quatre coins de l'Europe. Partout où il passe, il est adulé tant par le public que la critique qui le présente comme le premier harpiste d'Europe. Parmi ses admirateurs, il peut compter sur des figures de la monarchie telles que Georges VII, roi d'Angleterre, ou encore la reine d'Espagne Isabelle II qui l'engagera même comme professeur particulier. De quoi contribuer à forger sa légende sur la scène internationale.
Retours à Namur
Malgré ses sollicitations professionnelles, Félix Godefroid revient souvent à Namur pour retrouver quelques-uns de ses amis, dont l'artiste Félicien Rops qui lui dédiera un portrait quelque peu satirique. Des retrouvailles dans sa ville natale qui sont aussi l'occasion pour lui d'honorer la "Société Jules Godefroid". Fondée par des mélomanes namurois en souvenir de son frère, cette association prêta son concours, durant de nombreuses années, à toutes les manifestations artistiques et officielles de la Ville.
Reconnu comme personnalité illustre de Namur, le musicien est même invité, le 2 février 1846, par le Conseil provincial à accueillir le pianiste Franz Liszt lors d'une commémoration au Salon gouvernemental.
En février 1868, l'heure est à la consécration. Désireux de rendre hommage à Félix et à son frère disparu, le Collège communal inaugure la rue Godefroid, voirie qui relie la place de la Station à la rue de Bruxelles. "Revendiquons hautement et avec sûreté les frères Godefroid, dont l'un, Jules, vous a été enlevé par une mort prématurée et dont l'autre, Félix, est le premier harpiste de son temps", mentionne dans son rapport l'échevin Hocq. Dorénavant, le nom des deux musiciens résonnera donc éternellement auprès des passants du quartier de la gare.