Quartier Léopold à Namur: des spécialistes en architecture se mobilisent pour le classement du bâtiment C&A
Une pétition lancée par des architectes et membres du monde académique a déjà récolté 1 000 signatures en un jour. Elle demande la préservation du C&A, menacé par le projet du Quartier Léopold.
- Publié le 06-07-2022 à 19h34
- Mis à jour le 06-07-2022 à 19h37
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"On ne lance pas de pétition tous les jours mais, il y a dix ans, on avait pris cette initiative à propos de l’immeuble du Sheraton à Bruxelles.On n’avait pas eu autant de signatures en si peu de temps, mais, le lendemain, on avait un coup de fil du ministère du Patrimoine, qui nous demandait d’apporter nos idées… "
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Pablo Lhoas, doyen de la faculté d’architecture de l’ULB est positivement surpris du succès rencontré par la pétition lancée ce début de semaine à propos du bâtiment du C&A, situé dans le quartier de la gare de Namur.En un jour, elle a déjà été signée plus de 1000 fois sur la plate-forme change.org : "Mais, étonnamment, ici, alors qu’il y a déjà eu des articles et des sujets à la télé, c’est silence radio du politique à ce stade…"
Signée par des spécialistes de l’architecture moderne
Il y a une dizaine de jours, Pablo Lhoas était sorti du bois pour attirer l’attention sur l’intérêt patrimonial du bâtiment du C&A.Le projet de reconfiguration du quartier Léopold, présenté en réunion publique par la Ville et Besix Red courant juin, prévoit sa démolition. Or, conçu en 1969-70 par Léon Stynen, il est représentatif de l’architecture de la seconde moitié du vingtième siècle.Plus particulièrement du courant du "brutalisme" (lire ci-contre).À ce titre, il s’agit d’une œuvre qui mériterait d’être préservée.
Une série de spécialistes en architecture moderne, issus du monde académique belge et étranger, se sont associés au doyen de l’ULB et co-signent l’argumentaire de défense de l’œuvre de Stynen. "Parmi le millier de pétitionnaires, figurent de nombreux architectes, mais pas uniquement, commente Pablo Lhoas, et c’est peut-être signifcatif d’une tendance actuelle au préservationnisme.Mais notre démarche n’est pas celle d’un conservatisme radical. Ce que nous demandons c’est une réelle politique de protection du patrimoine et une prise en compte beaucoup plus systématique de ces enjeux dans ce type de projets."
Parmi le patrimoine classé en Belgique, explique Pablo Lhoas, l’architecture du XXsiècle est sous-représentée, comparativement à d’autres courants. Et il faudrait inverser la tendance: "Au risque d’être iconoclaste, comme les moyens ne sont pas infinis pour entretenir les bâtiments classés, on pourrait envisager de déclasser certains dont les styles sont très représentés au profit d’autres.Il existe une liste d’une trentaine d’œuvres du XXequi mériteraient une protection." Et le C&A de Namur devrait y figurer.
Une valeur patrimoniale méconnue?
Étonnamment, cet enjeu n’avait jusqu’il y a peu encore jamais été évoqué dans le dossier du Quartier Léopold, lequel n’a pourtant pas manqué d’être décortiqué et critiqué. La valeur du bâtiment du C&A est-elle à ce point méconnue, y compris des Namurois eux-mêmes?Comment l’expliquer?
"D’une manière générale, ces questions de préservation du patrimoine ne sont pas assez débattues dans les projets urbanistiques, estime Pablo Lhoas .Dans le cas plus précis du bâtiment Stynen à Namur, il est aussi victime du fait qu’on a laissé dans son périmètre immédiat pousser un kiosque à vélos, des armoires électriques, des panneaux de signalisation… Tout cela a pour effet de le mettre en retrait dans le périmètre où il se trouve.En quelque sorte, c’est comme si on ne le voyait plus.On ne se rend plus compte, par exemple, que par sa conception et sa position, il contribue à “fermer” la place de la gare."
Selon les spécialistes, l’oeuvre mériterait de retrouver une place dans le projet de transformation du quartier: "Du point de vue architectural, c’est toujours possible de réfléchir à intégrer un élément de patrimoine.Ici, au vu de sa conception et de sa vocation, ça aurait du sens dans un centre commercial.Il est par ailleurs fonctionnel et en bon état.Il faut espérer qu’on n’arrive pas trop tard dans la procédure." Tout dépendra sans doute de la volonté politique à ce niveau…