Namur: un débat sur les écrits sauvages pour inaugurer leur observatoire au sein de l’UNamur
En l’honneur du nouvel observatoire des littératures sauvages (UNamur), le Delta consacrait un colloque inaugural dédié à ces écritures spontanées.
Publié le 08-06-2022 à 15h49 - Mis à jour le 08-06-2022 à 15h50
Le Delta accueillait, les 2 et 3 juin derniers, un colloque consacré aux écrits sauvages de la contestation. À savoir des actes d’écritures, spontanés et parfois éphémères, qui émergent souvent dans l’espace public lors de crises sociales ou politiques. Organisé par Denis Saint-Amand, chercheur en littérature au FNRS, cet événement inaugurait le nouvel observatoire des littératures sauvages qui vient de prendre place à l’UNamur. Pour l’occasion, une trentaine de théoriciens ou praticiens de ces formes littéraires ont exposé au public leurs analyses ou leurs expériences personnelles.
Parmi les intervenants, figurait la parisienne Louise Moulin, graphiste et directrice artistique du journal Plein le Dos . Né en automne 2018 lors du mouvement des gilets jaunes, ce média se présente sous la forme d’une affiche jaune, pliable et recto verso, que son collectif distribuait ou collait en rue, chaque samedi, lors de manifestations. En guise de contenu, les lecteurs peuvent y découvrir une sélection de photographies sur lesquelles des slogans militants s’affichent sur le dos des gilets jaunes. " Les thématiques du journal abordent l’écologie, les violences policières ou encore les agressions envers les femmes , raconte l’activiste Louise Moulin. Il s’agit d’un outil d’éducation populaire, vendu à prix libre, qui se présente comme un reflet de la société. "
Un recueil de 365 photos a aussi été publié par l’association, en janvier 2020, aux éditions du Bout de la ville. Les bénéfices des ventes de l’ouvrage (NDLR: 40000 euros) ont servi à verser des dons à des personnes mutilées ou incarcérées par les forces de l’ordre. Plein le Dos se décline aussi sous la forme d’un blog en ligne où les internautes sont invités à poster des photos en lien avec des manifestations.

La rue en guise d’espace d’expression
C’est en 1978, à travers son ouvrage L’institution de la littérature , que le professeur Jacques Dubois (ULiège) évoque l’expression " littératures sauvages ". Par ce terme, l’universitaire désignait des écrits se manifestant via des canaux de fortune, à l’inverse des médias traditionnels. Sous la forme de tags, pancartes ou revues artisanales, les écrits sauvages contribuent à renforcer la visibilité d’un mouvement social souhaitant sensibiliser le public à sa cause. " Puisqu’en tant que militant, nous ne sommes pas invités à porter notre parole dans les médias dominants, notre collectif occupe alors les espaces qu’il lui reste, dont la rue ", explique Louise Moulin. Une activité qui, souligne la graphiste, est toutefois susceptible d’être réprimandée par la police, malgré l’omniprésence des affiches publicitaires en zone urbaine. " À Paris, les marques capitalistes font aussi du collage sauvage et ne sont pourtant pas inquiétées par la Ville. "

Face à ce constat, l’artiste français Mathieu Tremblin, également invité au colloque du Delta, estime que les surfaces publicitaires devraient être davantage octroyées aux riverains. " Un espace n’est public qu’à partir du moment où tout le monde peut l’utiliser , estime ce chercheur en arts plastiques, spécialisé dans le collage urbain. Le jour où on accordera autant d’espaces d’expression aux citoyens qu’aux institutions, il se produira quelque chose de merveilleux. "