Le non-feu de Wépion, interdit, c’est une tradition qui part en fumée (vidéo)

Daniel Mohr, le président du bûcher pour quelques heures encore, ne veut pas jouer avec le feu. Non pas à cause du vent, frisquet, qui ne faiblit pas. "On a allumé le grand feu dans des conditions bien pires ", sourit Daniel, trouvant presque que les conditions sont idéales, cette fois. Mais bonhomme hiver ne brûlera pas. C'est bien à cause de l'interdiction prononcée par la Ville de Namur, il y a deux ans, sur base des conditions de sécurité renforcée que l'organisateur ne saurait respecter. "Il faut que le brasier se tienne à 100 m du bois environnant et soit entouré de barrières à 10 m. Si nous le faisons, nous sommes déjà dans les arbres. " Impossible, donc.

"Pourtant le rendez-vous a lieu depuis 1979, de manière exemplaire, sans aucune plainte. Mais les règles changent, voilà comment le folklore s'en va. Wépion va rejoindre la prairie d'Erpent Val et les quatre petits bûchers symbolisant les grands feux qui ne sont plus organisés. De quoi maintenir artificiellement les 7 feux namurois et s'immuniser des sorcières, c'est n'importe quoi."

Ardents souvenirs

Ici, les autres années (du moins, jusqu'à ce que la pandémie étouffe les initiatives du genre), dès la nuit tombée, on ne perdait pas une miette de ce que racontait la cibie, comme dans les rallyes, qui donnait le top départ. "Nous étions l'avant-dernier des petits feux, après Erpent et avant la citadelle. Le terrain était noir de monde, 300 personnes environ. Parfois, certains manquaient à l'appel. Ils nous disaient ne pas être venus parce qu'il faisait mauvais. Mais, par définition, il fait toujours mauvais lors d'un grand feu! Celui-ci, c'était surtout un prétexte, une fois par an, pour se rassembler en toute convivialité même en pleine tempête de neige. "

Les traces du barbecue à même le sol, sur 20 m de long et pas encore assez grand, témoignent de la fête qu'était ce pique-nique hivernal, auquel aidait la Ville en prêtant bancs et tables. "Ses camions s'embourbaient, alors, pour finir, nous allions chercher le matériel. Une fois tout installé, les participants amenaient leurs nappes et leurs casseroles, leurs viandes. Ils les laissaient cuire et allaient boire un coup. On avait même un voleur de saucisse!" Jamais démasqué! Puis, les enfants attendaient avec impatience de bouter le feu, en ce dernier jour de vacances. "Si certains ont été absents de l'école, le lundi? J'ai les noms mais je ne dirai rien!"

Et n'y aurait-il pas moyen de déplacer le bûcher pour le perpétuer? " Le champ juste en face de la parcelle actuelle est cultivé." Mais il y a le terrain d'à côté, en creux. Il y a une possibilité mais, cent mètres à l'écart du bois, ça veut dire que le brasier wépionnais sortirait totalement du champ de vision des fêtards bougeois. Ici, tout se joue dans un mouchoir de poche. "Nous ne ferions plus partie de l'équipe, de l'esprit. Puis l'affaire de l'interdiction a tellement fait de ramdam, que certains nous considèrent désormais comme des criminels. Relancer quelque chose ne sera pas évident."

En attendant, qui sait, que le phénix renaisse de ses cendres, Daniel se reconvertit. Puisqu'on lui met des bâtons dans les roues, il s'adonne à son autre passion: les voitures. "J'organise des balades et je compte désormais parmi les friends and guides d'Autoworld. Une fois par mois, je dépoussière et entretiens les voitures." Histoire que, elles, elles pètent des flammes.