L’accueil chaleureux des Polonais, depuis la frontière jusqu’au centre de réfugiés
Entre les larmes et les quelques sourires qui se dessinent parfois sur le visage des Ukrainiens grâce à la solidarité et à l’humanité des Polonais, c’est un vrai ascenseur émotionnel que l’on vit à la frontière.
- Publié le 06-03-2022 à 21h24
Accompagnée de ses enfants et de son chien, une femme fond en larmes en arrivant à Dorohusk. Elle est exténuée par un long trajet jalonné d’incertitudes et est particulièrement émue par le soutien qui lui est apporté d’emblée par les bénévoles lorsqu’elle pose le pied sur le sol polonais. Elle reçoit une boisson chaude et un peu de réconfort par des membres de l’association de scouts ZHR. Son compagnon à quatre pattes a même droit à une petite gamelle.
C'est ce genre de choses que font les associations situées à quelques mètres du check-point. "Ici, on peut se reposer un peu, boire ou manger un petit quelque chose ou changer son bébé, explique Jacek Duda, d'Operation Mobilisation (OM), une organisation missionnaire chrétienne. On fait le lien entre les familles qui arrivent et les logements qui sont disponibles pour qu'elles puissent rester un ou plusieurs jours."

Des camionnettes rouges font quant à elles les navettes entre la frontière et un centre de réfugiés tout proche. Là-bas, les Ukrainiens peuvent avoir un peu de répit et trouver des solutions pour les jours suivants bien que ceux et celles que nous avons rencontrés s’organisent au jour le jour, ne sachant pas ce que l’avenir leur réserve.

«J’ignore quand je les reverrai»
Là-bas aussi, des personnes âgées sont prises en charge par des pompiers, des familles avec enfants discutent avec des membres de Caritas International et certains Polonais brandissent une pancarte indiquant le nombre de lits dont ils disposent dans leur maison. "C'est naturel de faire ça. Nous avons de la place alors nous voulons en faire profiter ceux qui ont moins de chance pour le moment", nous confient un Polonais et sa famille. D'autres partent à bord de minibus vers Varsovie, la capitale polonaise, l'Allemagne ou encore la France.

Bernadette par exemple, attend des Ukrainiennes dont les maris sont mobilisés pour défendre leur pays. Elle fait partie de l'association Du Forez à l'Ukraine, basée dans La Loire. "Nous sommes partis jeudi soir avec deux minibus. Sept Ukrainiennes prendront place dans chaque bus. Il reste deux places disponibles si vous entendez que quelqu'un est intéressé", nous adresse-t-elle. Ces femmes, qui viennent principalement de Jytomyr (ouest de Kiev) et Kherson (sud), des villes ayant subi l'offensive russe, iront dans des familles d'accueil.

Katia vient quant à elle de franchir la frontière seule et avec le strict minimum comme bagage. Cette Ukrainienne de 28 ans rejoindra avec sa sœur un logement qui leur est mis à disposition. "Je travaille pour une entreprise américaine qui a une filiale en Pologne. Celle-ci nous a trouvé un petit studio. Quant à mes parents, ils sont toujours là-bas, dit-elle en jetant un regard de l'autre côté de la frontière. Mon père est militaire, ma mère est restée avec lui. J'ignore quand je les reverrai. C'est très difficile. Je pleure tous les jours."
À d’autres postes frontières que Dorohusk, des témoignages d’étrangers fuyant la guerre en Ukraine victimes de racisme ont été rapportés. De notre côté, nous n’en avons pas eus mais force est de constater qu’il n’y avait aucune personne à la peau noire ou foncée. Tant les autorités, polonaises qu’ukrainiennes, assurent pourtant ne procéder à aucun tri.
«Ce n’est que le début»
Au cours de nos pérégrinations, nous avons entendu beaucoup d’histoires bouleversantes. Les parcours sont différents mais tout aussi touchants et véhiculent cet espoir commun de revoir au plus vite les proches restés au pays, sains et saufs. Notre ami Vladimir a espéré plusieurs fois durant notre voyage que ses parents acceptent de rentrer avec lui en Belgique. Mais ils sont âgés et préfèrent pour le moment rester en Ukraine. Un déchirement pour Vladimir, même s’il ne veut pas le montrer. Sa façon à lui de tenir le coup, c’est de continuer à aider ses compatriotes.
Les colis que nous avons apportés avec lui et ses amis représentent certes un geste solidaire envers les sinistrés. Mais c’est bien peu de chose face à l’immensité des besoins sur place et à l’impuissance que l’on ressent vis-à-vis de cette guerre qui laissera des traces.
En dix jours, plus d'1,5 million d'Ukrainiens ont fui leur pays. Selon l'ONU, il s'agit de la crise de réfugiés la plus rapide depuis la seconde guerre mondiale. Le message de Vladimir Kibardin est de ne pas oublier son peuple et de multiplier ce genre d'initiatives. "On reçoit encore plein de dons et c'est super. Mais c'est une guerre qui va s'étaler dans le temps. J'espère très fort que les gens resteront mobilisés et solidaires aussi dans quelques semaines voire quelques mois car ce n'est que le début."