Namur-Dorohusk, 24 h d’un périple solidaire (vidéo)
Nous avons accompagné 7 Namurois apportant des médicaments et du matériel à la frontière ukrainienne.
- Publié le 04-03-2022 à 20h57
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Dans notre édition namuroise ce vendredi, nous relations l'initiative solidaire lancée par Vladimir Kibardin et Sophie Hubert, un couple belgo-ukrainien de Bouge qui, via un appel sur les réseaux sociaux, a reçu de nombreux dons en faveur du peuple ukrainien. Jeudi, nous avons décidé de prendre la route avec Vladimir et six de ses amis jusqu'à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine. Récit.
Jeudi soir, une agitation inhabituelle règne au sein du domicile de Sophie et de Vladimir, un Ukrainien qui vit en Belgique depuis 27 ans.
Plusieurs amis sont venus les rejoindre pour empaqueter dans des camionnettes les cartons et les sacs de nourriture, de vêtements et de médicaments qui ont été gracieusement offerts par des personnes du quartier et même de plus loin.
Avec entrain, ils emballent, trient et, comme s'il s'agissait d'un Tetris géant, font preuve d'une bonne dose de sens pratique pour caser un maximum de choses dans les véhicules. À bord d'un utilitaire, nous leur emboîtons le pas. "C'est ça en plus que les Ukrainiens recevront. Les petits ruisseaux font les grandes rivières!" nous glisse-t-on. Au total, il y a donc quatre fourgonnettes et une voiture prêtes à partir. Vers 21 h, le départ est donné.
Incertitudes au fil des kilomètres
Les heures défilent et les kilomètres aussi (plus de 1600 km au compteur). C’est un peu interpellant de se dire que seulement deux pays, l’Allemagne et la Pologne, nous séparent de cette Ukraine détruite par la guerre. Vendredi, peu après 5 h30 du matin, nous passons la frontière polonaise. Le voyage se poursuit en direction de Varsovie puis de Lublin, à l’est de la Pologne. Il est fait de bon nombre d’incertitudes. Y aura-t-il bien quelqu’un pour réceptionner nos colis? Pourra-t-on atteindre la frontière?

Durant la journée, Vladimir a reçu de nombreux appels avec des infos très changeantes voire inquiétantes. "Une école a été bombardée à Jytomyr, à l'ouest de Kiev, et des chars russes ont tiré ce vendredi à l'aube sur la centrale nucléaire de Zaporijjia dans le sud du pays, la plus grande d'Europe (l'attaque n'a toutefois pas touché des réacteurs et n'a pas affecté la sécurité nucléaire, assure-t-on, NDLR). Nous craignons que la situation ne devienne trop dangereuse", confie-t-il autour d'un briefing improvisé sur une aire d'autoroute. Nous patientons, nous mangeons un morceau jusqu'à recevoir le feu vert de Vladimir, qui l'a lui-même reçu de contacts sur place.

Enfin, après quasiment 24h de périple, nous atteignons la frontière. Nous sommes à Dorohusk (Pologne) où l'on assiste à un incessant ballet de voitures, d'autocars et de minibus bondés avec des Ukrainiens, souvent partis à la hâte, tirant leurs sacs et leurs valises. "Beaucoup d'Ukrainiens ont de la famille, des connaissances ou travaillent en Pologne, ils ont un point de chute ici", indique Vladimir.
Une aide qui s’organise
De nombreux volontaires polonais et des organisations humanitaires ont installé des stands offrant nourriture, boissons chaudes ou encore produits de soins pour les nouveaux arrivants, de même que des cartes sim gratuites pour qu’ils puissent instantanément garder le contact. Et puis, il y a ceux qui ont des propositions de logement à 20 minutes de là, comme Volodymyr et Austin, nés en Ukraine et vivant aux États-Unis. Ils sont revenus sur leur terre natale pour apporter leur aide.

Nous sommes assez épatés par le climat calme, bienveillant et organisé dans lequel les choses se passent. Ce n'est pas le branle-bas de combat, le chaos absolu. Il faut dire qu'en quelques jours, l'accueil a pu s'organiser. "Au deuxième jour de la guerre, il n'y avait aucune installation ici. C'était noir de monde, les gens étaient un peu abandonnés à leur sort. Mais depuis, ce n'est plus pareil, c'est mieux", relate Vitaliy, un belgo-ukrainien, qui a déjà effectué plusieurs allers-retours.
Le soulagement se lit parfois sur le visage de certains Ukrainiens qui sont passés en Pologne et se sentent désormais en sécurité, "sauvés". Pour ceux et celles qui se trouvent de l’autre côté par contre, l’inquiétude est encore palpable tant qu’ils n’auront pas franchi les barrières.
Quant à notre matériel, nos médicaments et victuailles, ils seront pris en charge depuis Dorohusk par une jeune Ukrainienne qui préfère rester anonyme. Seules les femmes se chargent du transport parce qu’elles peuvent entrer et sortir librement en Ukraine, contrairement aux hommes entre 18 et 60 ans qui ne peuvent pas quitter le pays, étant réquisitionnés pour aller combattre. La guerre est bien là, mais la solidarité aussi, de toutes parts. Et elle réchauffe les cœurs et les corps frigorifiés.