Action de solidarité d’un Ukrainien et de sa compagne: "C’était ça ou j’allais combattre"
Vladimir, "le gentil, pas le méchant", précise en souriant sa compagne, a décidé d’effectuer plusieurs trajets vers la frontière Pologne-Ukraine pour acheminer des médicaments et du matériel pour le peuple ukrainien.
- Publié le 04-03-2022 à 06h00
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Des ballons bleus et jaunes, aux couleurs du drapeau de l’Ukraine, sont accrochés à la maison de Vladimir Kibardin et Sophie Hubert, située à Bouge. Pas de doute, c’est bien là que l’on peut déposer tout le nécessaire pour le peuple ukrainien fuyant la guerre.
Ce quadragénaire d'origine ukrainienne et sa compagne ont lancé via les réseaux sociaux un appel aux dons auquel la population a massivement répondu. Si bien que leur salon, leur terrasse et leur cave sont désormais remplis de sacs de toutes sortes. "On a reçu des médicaments destinés aux blessés comme des antidouleurs, des anti-inflammatoires, des antiseptiques, des bandages, des pansements, des seringues… tout ce que les gens ont pu amener sans avoir besoin d'une ordonnance, explique Sophie. Les médicaments, c'est la priorité."
Une dame dont la fille est médecin, une voisine qui travaille au CHR, des associations et des habitants du quartier ou même d'un peu plus loin… nombreux sont ceux et celles qui ont souhaité participer à cet élan de solidarité. "On nous a déposé des groupes électrogènes pour les personnes qui seraient sans électricité, des pantalons à poches, des bottines, des habits imperméables et chauds, des barres énergétiques et du lait concentré, des piles ou encore des lampes frontales… tout ce dont les Ukrainiens ont besoin pour aller au combat, indique Vladimir. Il y a aussi des visseuses et des foreuses pour tenter de réparer des maisons qui auraient subi des dégâts à cause des explosions. Il y a parfois des choses auxquelles on n'avait même pas pensé!"
Vladimir a méticuleusement tout rangé et casé dans sa camionnette pour prendre le départ dans la nuit de jeudi à vendredi. Pour acheminer tout ce matériel à la frontière entre la Pologne et l'Ukraine, il sera accompagné d'un ami, ce qui n'est pas du luxe pour effectuer les quelque 1500 kilomètres de trajet, soit environ seize heures de route. "Le plus important actuellement, ce n'est pas encore la faim au sein de la population, c'est faire parvenir tout cela le plus vite possible aux soldats qui partent au front, poursuit Vladimir. Les équipements sont pour les hommes et pour des femmes également, car elles aussi sont parties défendre leur pays."
Vladimir est en contact avec un militaire présent sur place. Il va a priori aller d'abord jusqu'à Lublin, en Pologne. Il n'est pas non plus exclu qu'il passe de l'autre côté, à Loutsk, ville ukrainienne au nord-ouest, bien que sa compagne ne soit pas très à l'aise avec cette idée. L'itinéraire final n'était pas encore tout à fait arrêté à l'heure où nous écrivions ces lignes. C'est seulement sur place qu'il sera à même de savoir précisément où il peut se rendre. "J'ai aussi des contacts avec un ami qui habite en Pologne, qui a lui-même des contacts avec des pompiers polonais, qui pourraient aussi amener du matériel en Ukraine", détaille Vladimir, en nous montrant les différents endroits sur une carte.
Une résistance que Poutine a sous-estimée
Pour Vladimir Kibardin, arrivé en Belgique en 1995 alors qu'il avait 19 ans, organiser cette initiative solidaire était une évidence. "Si je ne faisais pas cela, j'étais prêt à aller combattre. Mais ma compagne m'a freiné, sourit-il. Il y a les enfants, ça n'aurait pas été raisonnable."
Les parents de Vladimir ainsi que son neveu, sa femme et leur enfant vivent quant à eux toujours en Ukraine. Le vœu le plus cher de Vladimir serait de profiter de son périple pour les ramener en Belgique mais ce rêve semble inaccessible. "Tous les jours, on s'appelle par Skype. on discute, on crie, on pleure, je leur dis que je peux venir les chercher mais c'est difficile pour eux de partir, déplore-t-il. Mon neveu veut aller se battre. ma mère dit qu'elle est trop âgée. Ils sont dans leur maison, au sous-sol, dans une petite ville entre Kiev et la frontière polonaise. C'est quelque part une chance d'être dans un petit village. Ils sont plus en sécurité."
Vladimir pense aussi que sa famille souhaite rester par attachement pour sa nation, un sentiment très prégnant en Ukraine. "J'ai presque envie de dire que c'est un patriotisme suicidaire. Mais suicidaire, ce n'est pas tout à fait exact, c'est un peu trop fort, dit-il. Je veux dire par-là que les Ukrainiens sont prêts à aller jusqu'au bout pour défendre leur pays voire à donner leur vie. Ils ne veulent pas se rendre, ils résistent et ça, Vladimir Poutine l'a sous-estimé dans ses calculs."
Fier de pouvoir aider les résistants d’Ukraine, Vladimir Kibardin a déjà prévu de faire d’autres allers-retours dès la semaine prochaine pour acheminer le reste car la générosité des donateurs n’a pas eu de frontière.