Namur: un reportage télévisé indigne les autorités provinciales
Débat assez incroyable… pour commenter un reportage de la RTBF sur les Provinces.
Publié le 25-02-2022 à 15h16
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Ce vendredi matin, la réunion du conseil provincial de Namur a commencé par une communication du collège (MR-cdH-DéFI) assez surréaliste, qui a été suivie d’un débat qui ne l’était pas moins. Ça a duré plus d’une heure et demie. Résumé de ce moment rare. Une pensée émue pour le peuple ukrainien et juste après, des missiles (verbaux) étaient lancés.
1. LA Contre-offensive La déclaration de guerre a été prononcée par le député président Jean-Marc Van Espen (MR). Guerre contre un reportage de la RTBF diffusé le 9 février dernier (dans l'émission Investigation). Ou comment réagir… en prenant son temps, même si on est très fâché du côté du pouvoir provincial, où on considère avoir été lynché dans une enquête titrée "Provinces, le grand nettoyage". Dès le lendemain, dixit le Namurois Van Espen, une réunion de crise a eu lieu, intégrant la société de communication qui accompagne son gouvernement. Pour en déduire qu'il valait mieux temporiser, et fourbir ses armes pour la réunion du conseil provincial. Voilà comment, au nom du collège, le député président a sorti la grosse artillerie en séance publique. Décrivons son attaque en règle en y puisant quelques mots: "accusations diffamatoires", "raccourcis scandaleux", "pseudo-investigation" et on en passe. Dans ce reportage, il était notamment question de l'ASBL Service social du personnel qui possède et loue des appartements à Middelkerke et Wimereux.
2. De vigoureux renforts Sans surprise, les chefs de groupes de la majorité se joignent à l'assaut contre l'équipe journalistique de la RTBF. Jean-Marie Cheffert, chef des troupes MR, dégaine des accusations de "travestissement de la réalité", il en appelle à "l'honnêteté intellectuelle" y compris de la presse. Il dénonce de la "mauvaise foi". Étienne Bertrand, général cdH, affirme lui aussi que "la presse n'a pas tous les droits". Lui aurait préféré que l'on réagisse plus rapidement. Un adepte de la blitzkrieg.
3. La minorité PS rallie le front Claude Bultot, au nom des socialistes (opposition), amène des munitions et participe au combat des mots. Haro sur le reportage "totalement à charge". Il nourrit le feu, dans un tir croisé: "Le groupe socialiste est totalement déçu. Réduire la Province à ce qui est exprimé dans le reportage est scandaleux". Ou encore: "Cette émission était lamentable". Son collègue du PS Guy Milcamps y va quant à lui d'une théorie du complot: "J'ai l'impression que cette émission était en service commandé". On a même entendu dans la bouche du Cinacien: "Il faudrait une émission Investigation sur la RTBF".
4. Mobilisation générale Même le directeur général, Valéry Zuinen, prend la parole lors de cette incroyable séance du conseil provincial. Dans le même ton guerrier.
5. APPEL AUX INSTANCES NEUTRES Ce n’est pas à l’ONU que vont s’adresser les plaignants réunis autour du député maréchal Jean-Marc Van Espen, mais aux instances de déontologie journalistique, pour avis.
6. Désignation d'un traître En dehors du front, isolé, le groupe Écolo, dirigé par Georges Balon Perin. Parce que lui a un avis divergent sur les fameux appartements. Selon lui, on peut les vendre, il y a eu gabegie dans leur gestion. Les vendre, mais au bénéfice d'une forme de solidarité entre agents provinciaux. C'est son avis, et alors? Balon Perin juge durement les "propos méprisants" à l'encontre de la presse, à laquelle le député qui préside l'ASBL Service social du personnel, Richard Fournaux, n'a pas daigné répondre, à part par e-mail, malgré plusieurs sollicitations. Et maintenant, il se plaint, avec les autres? Le couteau entre les dents, Balon Perin désigne le Dinantais comme responsable de la gabegie dans la gestion des appartements, tout comme son chef de cabinet Xavier Mullens, administrateur délégué de l'ASBL.
7. L'escalade Le député provincial Richard Fournaux sort un arsenal non conventionnel pour répliquer au rebelle Écolo. Extraits de son assaut verbal: "Je ne savais pas qu'on pouvait être aussi perfide, Monsieur Balon Perin. C'est dégueulasse".
8. Pour en arriver à quoi? La majorité provinciale va demander son avis au CSA, le gendarme de l'audiovisuel, et au conseil de déontologie journalistique. Le chef de groupe du cdH, Étienne Bertrand, conseille de consulter parallèlement un bureau d'avocats. Précision: "Pas pour cette fois". Mais en cas de récidive future dans la vilenie alléguée, "au nom du personnel". Tout ça pour ça. Un "droit de réponse" sous forme de débat public, pour notre part, on n'avait jamais vu ça. Si vous voulez revoir cet étonnant épisode de la vie démocratique, l'enregistrement est accessible sur le site Web de la Province de Namur. Un moment d'anthologie.