Réquisitionnée au CHR Verviers: "Je ne suis pas une délinquante"
Témoignage d’une infirmière empêchée de manifester hier et contrainte de travailler.
Publié le 08-12-2021 à 06h00
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/FOQVVZ7YL5BSTKW5O2CPZKM6GQ.jpg)
Parmi les participants au mouvement de grève, de très nombreux soignants des hôpitaux de Verviers, CHC Heusy (qui dit ne pas disposer de l’information sur le nombre de grévistes) et CHR où un quart de l’effectif était absent ce mardi, soit 198 membres du personnel.
Pour assurer le service minimum, ces institutions ont choisi de recourir aux réquisitions via le gouverneur de la province de Liège pour le CHC Heusy et via la bourgmestre Muriel Targnion pour le CHR. Un total de 32 personnes ont été contraintes de travailler, 20 dans la première institution et 12 dans la seconde.
Si les syndicats se disent " choqués" et "persuadés que d'autres solutions auraient pu être trouvées comme un plus grand nombre de rendez-vous reportés", commente Lina Cloostermans, coordinatrice soins de santé CSC Services publics; en interne, les réquisitionnés accusent aussi le coup.
La police débarque à l’hôpital
"Dégoûtée", "indignée", "choquée" sont autant d'adjectifs entendus dans la bouche d'une infirmière du CHR Verviers qui choisit l'anonymat de peur de perdre son emploi. Si elle est consciente qu'il faut faire tourner l'hôpital, elle dénonce la manière dont cette réquisition a été mise en œuvre. "Lundi dernier, nous avons dû remplir un document sur notre intention de participer à la grève, confie-t-elle. Elle y répond positivement et reçoit, comme ses collègues, quelques jours plus tard, "une note de service pour nous dire que nous devions assurer la continuité des soins et que l'hôpital faisait appel à notre conscience professionnelle." Des termes et "une pression" qui passent déjà mal pour l'infirmière. Alors quand la police débarque sur son lieu de travail – le CHR donc – pour lui faire signer le papier de réquisition, c'est la goutte d'eau. "La police est d'abord allée chez mes parents. Imaginez le choc pour eux de voir des policiers arriver sur le pas de leur porte. Ne me trouvant pas, puisque je travaillais, ils ont rappliqué à l'hôpital sur le coup de 22 h". Alors qu'elle soignait des patients... "Je juge que c'est toute ma crédibilité de soignante qui est remise en cause aux yeux des patients qui se posent inévitablement de questions sur la présence de la police. J'en ai fait des cauchemars! Je ne suis pas une délinquante."
Cette infirmière voulait "être une citoyenne comme les autres et aller manifester" dans la capitale. "J'ai demandé à ma cheffe de service ce qui se passerait si je ne me rendais pas au travail malgré la réquisition. Elle m'a répondu que ce serait considéré comme une faute grave avec un licenciement à la clé pour abandon de poste de travail." Alors, "je ferme ma bouche et je vais travailler" avec "des pieds de plomb". Et en ajoutant ce nouvel événement à la longue liste des doléances d'un personnel soignant qui se dit à bout, en déficit de reconnaissance, déjà en manque cruel de bras et cela risque de s'intensifier, de valorisation salariale. On le sent, on le voit, l'enjeu pour le secteur des soins de santé dépasse aujourd'hui la vaccination obligatoire du personnel soignant.