Assesse: Vers une pénurie d'oeufs dans les supermarchés?
À Assesse, Dominique et Marc Lehaire tirent la sonnette d’alarme. Si rien ne change, ils produiront des œufs de poules élevées en plein air à perte. Avec un risque à court terme de pénurie dans la grande distribution.
Publié le 08-12-2021 à 06h00
Le confinement n'est pas qu'une affaire d'Homme. Après les porcins dans les enclos et forêts, c'est au tour des volailles de vivre entre quatre murs pour la deuxième année consécutive. Cette situation est un scénario répété, avec une grippe aviaire qui a le talent d'un Covid années après années pour surfer sur des vagues successives. Seulement, ce confinement s'ajoute à une autre donne, inédite cette fois: l'augmentation du prix des matières premières. "De 250 euros la tonne, l'alimentation pour les poules pondeuses est passé à 370 euros. Nous avons besoin de quatre tonnes par jour, ce qui nous amène à un total de 480 euros de frais supplémentaires au quotidien", calcule Dominique Lehaire, exploitante d'un poulailler de 30 000 crêtes en plein air et représentante des producteurs avicoles en Wallonie.
Chaque jour, dans ce poulailler situé entre Assesse et Sorinne-la-Longue, Marc et Dominique Lehaire peuvent compter sur une production moyenne de 24 700 œufs. "L'augmentation du prix de l'alimentation représente deux cents de coûts supplémentaires par œuf produit, soit notre marge bénéficiaire. C'est censé être la meilleure période pour nous, mais nous ne dégageons aucun bénéfice", continue Dominique Lehaire, pionnière en Wallonie dès 2004 dans l'élevage de poules en plein air.
Cette augmentation du prix s'explique par des conditions météorologiques impitoyables cet été. La récolte des céréales a été catastrophique tant dans la qualité que la quantité. "Nous payons plus cher pour une nourriture qui n'est pas meilleure, voire moins bonne que les années précédentes", résume Marc Lehaire. Les normes pour les aliments réservés aux poules exigent une certaine qualité nutritive, ce qui réduit la quantité disponible de céréales.
Un prix immuable
Dans un schéma économique parfait, le surcoût de ces matières premières devrait se répercuter directement sur le prix de vente au consommateur. Seulement, les exploitants avicoles assessois vendent leurs œufs à un marchand selon un prix fixé par un contrat annuel et reconduit tacitement chaque année. Ce marchand, en réalité, n'est qu'un intermédiaire qui doit garder une marge bénéficiaire entre le prix d'achat aux producteurs et celui de vente à la grande distribution. "C'est donc au niveau de la grande distribution que les lignes doivent bouger. Car le marchand n'achètera pas plus cher s'il n'a pas la certitude de vendre plus cher. Notre demande est une augmentation de deux cents du prix d'achat, ce qui pourrait nous permettre de retrouver une marge bénéficiaire minimale", soutient Dominique Lehaire.
Le 26 octobre, une réunion a convié les différents acteurs de la distribution et de la production d'œufs en Wallonie. "Mais le problème, c'est que le secteur de la grande distribution entend soutenir davantage le bio que le plein air. Pourtant, proportionnellement, l'impact de l'augmentation des prix sur les aliments est plus important pour le traditionnel que le bio", souligne Dominique Lehaire.
La grippe aviaire et le confinement imposé sont des pressions supplémentaires à l'envol du prix des aliments. Car après 16 semaines de confinement, les œufs de poules en plein air devront passer en catégorie 2, soit des œufs de poules élevées au sol. "Le prix de l'œuf, au lieu d'augmenter comme on le demande, descendra alors dès le 5 mars. Nous vendrons donc à perte."
Si le statu quo devient la règle, Dominique Lehaire l'assure, il y aura des pénuries dans les supermarchés. "Nous n'allons pas racheter des poules pour remplacer celles qui sont réformées si nous perdons de l'argent. C'est la réalité de la majorité des producteurs." Si les éleveurs produisent moins pour privilégier la vente directe, plus rentable, ils auront besoin de moins de main-d'œuvre. Derrière ce constat, c'est donc l'emploi dans les poulaillers qui est menacé.