Tuée parce qu’elle s’apprêtait à le quitter
Avant que l’arrêt sur la culpabilité ne soit rendu, les avocats des parties civiles ont apporté des éléments de réponse au fameux trou noir invoqué par Luc Nem.
Publié le 03-12-2021 à 06h00
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Pour comprendre les faits et analyser ce trou de mémoire que Luc Nem a entre la préparation du souper et le moment où il appelle le 100 car Marielle est inconsciente (et en fait déjà morte), Me Preumont a décortiqué la soirée du 27 novembre 2019. La lettre de Marielle est un élément clé de ce dossier. "Bonjour Luc, je ne peux plus supporter tes coups répétitifs. Je m'en vais et pour de bon cette fois. Ne te tracasse pas pour ton argent, tu l'auras lundi. Porte-toi bien.", dit la missive.
"Avec ce "Bonjour Luc", cette lettre n'était pas destinée à être lue le soir même et encore moins en milieu de nuit mais plutôt au petit matin, estime Me Preumont. Cette lettre nous apprend que l'argent est un problème qui venait d'être discuté vigoureusement." Preuve en est que Laëtitia C., une amie française de Luc Nem qui est au téléphone avec lui durant la soirée, entend parler d'argent et d'un remboursement. "Ça chauffe" entre lui et Marielle comme elle le dira. "Cette discussion n'était pas calme et paisible. Elle a dégénéré et a entraîné les premiers coups. Sinon, la lettre qu'elle laisse à Luc Nem est inexplicable", affirme Me Preumont.
La soirée tournant au vinaigre et parce qu'elle a enduré trop de violences durant des mois, Marielle se prépare à quitter les lieux mais Luc Nem s'en rend compte et l'interpelle. "Elle savait qu'un mot était mieux pour éviter la confrontation. Ce n'était pas la première fois qu'elle s'éclipsait en pleine nuit, indique l'avocat. Dans les affaires de violences conjugales, la rupture est souvent un élément essentiel qui va déclencher les conséquences les plus graves." L'accusé avait lui-même avoué : "Je suis peut-être tombé sur la lettre et j'ai peut-être pété un câble".
Le courage de sa fille
Les avocats ont épinglé une autre lettre que Marielle avait un jour adressée à sa maman. Victime de faits de mœurs dans son enfance, de remarques fréquentes sur son poids et d'un mariage ne la rendant plus heureuse, elle y explique à quel point elle se sent seule, incomprise, avec une impression d'échec permanent. "Elle a le sentiment d'être une mauvaise épouse, une mauvaise mère, une mauvaise fille et qu'elle n'est là que pour souffrir, résume Me Preumont. Marielle se trouve ainsi dans toutes les conditions de vulnérabilité pour s'enfoncer dans des dépendances. Sa double dépendance à l'alcool et à Luc Nem va la mener à un naufrage total qui aboutit à une fin tragique."
Pour Me Gillet, malgré la détresse qu'elle avait en elle, Marielle gardait le sourire, restait bienveillante et généreuse. Il a souligné le courage remarquable de sa fille (qu'il représente), qui est restée digne et n'a pas exprimé devant la cour une once de colère ou un sentiment d'injustice. "Elle avait imaginé que le pire pourrait arriver. En 2017, alors qu'elle a 12 ans, elle dit qu'elle a peur quand elle est chez sa maman et que Luc Nem est là. Il l'insulte, lui fait des doigts d'honneur, mange tous les biscuits du paquet sans partager, décrit l'avocat. Il dit clairement à la jeune fille qu'il voudrait qu'elle ne soit pas là." Pour Me Gillet, ce qui a été jugé cette semaine aux assises est la confirmation qu'elle avait vu clair sur le danger encouru.
La fille de Marielle a récemment écrit une lettre à sa mère. Elle y exprime l'immense manque qu'elle ressent au quotidien depuis deux ans et met un point d'honneur à rester forte pour elle. "Tu es une étoile qui me porte bonheur et je sais que tu es beaucoup mieux là-haut", conclut-elle. "Cette adolescente de 16 ans, qui n'a rien demandé, sera privée de sa maman pour tout le reste de sa vie" a adressé Me Gillet aux jurés. Il espère qu'ils y seront attentifs en rendant leur verdict sur la peine.