Cour d’assises de Namur: la défense sollicite 15 ans de prison pour le meurtrier Luc Nem
Me Sine, l’avocat de Luc Nem, reconnu coupable du meurtre de Marielle Tournay le 28 novembre 2019 à Assesse, a sollicité une peine de 15 ans de prison à son encontre. L’avocate générale avait requis 25 ans. "Jugez-le, non pas pour le rejeter mais pour le ramener parmi nous, dans la communauté des hommes", a adressé l’avocat aux jurés. Le jury est ensuite parti délibérer sur la peine.
Publié le 03-12-2021 à 11h24
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"Luc Nem doit payer pour ce qu'il a fait mais pas pour tous les dysfonctionnements de la société. On vous parle d'une peine exemplaire pour dissuader tous les auteurs de violences conjugales… Comme si le fait de le condamner à la peine la plus forte serait de nature à empêcher tous les hommes violents et alcooliques de taper sur leur femme!", ironise l'avocat.
Me Sine est notamment revenu sur l’enfance difficile de son client qui peut être une circonstance atténuante, contrairement à ce qu’a dit l’avocate générale quelques minutes plus tôt.
L'année 2015 marque un tournant dans la vie de Luc Nem, qui sombre dans un alcoolisme profond. Mais il se soigne. "Les experts ont relevé que son alcoolisme tend à favoriser le passage à l'acte, relève Me Sine. C'est un facteur de risque, mais il y a eu un sevrage complet par la force des choses. Mon client est safe comme on dit aujourd'hui, il ne boit plus depuis deux ans." D'après l'avocat, il est "hautement improbable" qu'il se retrouve à nouveau confronté à une situation comparable à celle de Marielle Tournay s'il rencontre quelqu'un. "Luc Nem n'est pas une bombe à retardement comme Madame l'avocat général le suggère, assure-t-il. Moyennant une prise en charge solide, les risques de récidive sont extrêmement limités sinon nuls."
Quant aux faibles capacités d'introspection de Luc Nem, qui ont été mises en avant par les experts, Me Sine concède que cela nécessitera un travail de longue haleine. "Il l'a déjà entrepris, notamment avec un psychologue extérieur qui accepte de se rendre à la prison pour le voir." Luc Nem a confirmé dans ses dernières paroles avant que le jury ne parte délibérer qu'il était en pleine psychothérapie pour gérer ses troubles comportementaux.
En réponse aux propos de l'avocate générale, Me Sine reconnaît que son client a manqué à ses engagements par le passé. "Mais ce n'est pas à comparer avec quelques mois de détention préventive, dit-il. Quand vous êtes en prison depuis deux ans et que vous savez que vous devrez y rester longtemps, il y a un temps pour la réflexion. Oui, on peut changer et on peut être motivé." Luc Nem n'a aujourd'hui que 40 ans et Me Sine est persuadé qu'il y aura nécessairement un avenir. "Je refuse de désespérer de la nature humaine. Je veux croire que l'on puisse changer."
Luc Nem, désespérément seul
Depuis deux ans, le quotidien de Luc nem est l'incarcération. "Ce sont des journées en cellule. C'est le bout du ciel aperçu depuis la cour de promenade où les détenus tournent en rond comme des chevaux dans un manège. C'est aussi la distorsion du temps." Me Sine met aussi en exergue les conditions sanitaires parfois déplorables des cellules et surtout la solitude. "Certains condamnés ont encore une compagne alors ils s'accrochent lors des visites qu'ils reçoivent mais Luc est seul. Il a reçu plusieurs fois la visite de sa sœur aînée et, dans une moindre mesure, celle de sa maman. Dans la salle d'audience aujourd'hui, aucun membre de sa famille n'est présent pour s'inquiéter de son sort."
Sur le fait que Luc Nem pourrait éventuellement être libéré au tiers de sa peine, Me Sine demande aux jurés de ne pas se laisser influencer par cet aspect. "Ce n'est pas totalement inexact de dire cela mais c'est pernicieux. Vous avez une liberté de décision totale. Vous êtes seuls juges, leur a-t-il lancé. S'agissant de la vie de quelqu'un, il n'y a pas de place à l'approximation. Chaque jour à la prison compte. Chaque mois à la prison est une épreuve."
D'après l'avocat, Luc Nem assume son acte depuis le début. Même s'il a déclaré qu'il ne se souvenait pas, ce trou noir était crédible, selon Me Sine. "De plus, il a exprimé des regrets sincères. Pourquoi faudrait-il ne pas le croire?", interroge-t-il, considérant que les remords sont aussi de nature à atténuer la peine. "Je vous en conjure, ne jugez pas pour semer le désespoir en lui au nom d'un ordre nécessaire. Une peine maximale de 15 ans serait raisonnable", a-t-il conclu, ajoutant que la peine réclamée par l'avocate générale était injuste. Le jury est ensuite parti délibérer sur la peine.