Cour d’assises de Namur: Marielle Tournay, tuée alors qu’elle voulait quitter Luc Nem
Les avocats des parties civiles ont pris la parole jeudi, au quatrième jour du procès de Luc Nem, accusé devant la cour d’assises de Namur du meurtre de sa compagne Marielle Tournay, le 28 novembre 2019 à Assesse.
Publié le 02-12-2021 à 12h13
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Pour comprendre les faits, Me Preumont a décortiqué le déroulement de la soirée du 27 novembre 2019.
Rétroactes sur la lettre écrite par Marielle Tournay, élément clé de ce dossier. La missive dit en substance: "Bonjour Luc, je ne peux plus supporter tes coups répétitifs. Je m'en vais et pour de bon cette fois. Ne te tracasse pas pour ton argent, tu l'auras lundi. Porte-toi bien."
"Avec ce "Bonjour Luc", cette lettre n'était pas destinée à être lue le soir même et encore moins au milieu de la nuit mais plutôt au petit matin, estime Me Preumont. Cette lettre nous apprend que l'argent est un problème qui venait d'être discuté vigoureusement."
Preuve en est que Laëtitia C., une amie française de Luc Nem qui est au téléphone avec lui le soir du 27 novembre, entend parler d'argent, d'un remboursement, et entend que "ça chauffe" entre lui et Marielle comme elle le dira. "Cette discussion n'était pas calme et paisible. Elle a dégénéré et a entraîné les premiers coups. Sinon, la lettre qu'elle lui laisse est inexplicable", affirme Me Preumont.
La soirée tournant au vinaigre, Marielle Tournay prend la décision de partir. Elle se prépare à quitter les lieux mais Luc Nem va s'en rendre compte et l'interpeller. "Elle savait qu'un mot était mieux pour éviter la confrontation. Ce n'était pas la première fois qu'elle s'éclipsait en pleine nuit, indique Me Preumont. Dans les affaires de violences conjugales, la rupture est souvent un élément essentiel qui va déclencher les conséquences les plus graves. Le déchaînement de violences n'est pas arrivé pour rien." L'accusé avait avoué lui-même: "Je suis peut-être tombé sur la lettre et j'ai peut-être pété un câble".
Me Preumont et son confrère, Me Gillet ont tous deux souligné le "Porte-toi bien" qui conclut la lettre de Marielle: "Elle reste bienveillante et lui souhaite le meilleur possible. Encore une fois, elle ne pense pas à elle mais à lui".
La détresse de Marielle, le courage de sa fille
Les avocats des parties civiles ont épinglé une autre lettre que Marielle avait un jour adressée à sa maman. Victime de faits de mœurs dans son enfance, de remarques fréquentes sur son poids et d'un mariage ne la rendant plus heureuse, elle y explique à quel point elle se sent seule, incomprise et ressent une impression d'échec permanent et d'injustice. "Elle a le sentiment d'être une mauvaise épouse, une mauvaise mère, une mauvaise fille et qu'elle n'est là que pour souffrir, résume Me Preumont. Marielle se trouve ainsi dans toutes les conditions de vulnérabilité pour s'enfoncer dans des dépendances. Sa double dépendance à l'alcool et à Luc Nem va la mener à une descente aux enfers. Un naufrage total qui va aboutir à une fin tragique."
Pour Me Gillet, malgré la détresse qu'elle avait en elle, Marielle parvenait à garder le sourire et à rester serviable et généreuse. Il a souligné le courage remarquable de la fille de Marielle (qu'il représente), qui est restée digne et n'a pas exprimé devant la cour sa colère ou un quelconque sentiment d'injustice d'avoir perdu sa maman. "Elle avait imaginé que le pire pourrait arriver. En 2017, alors qu'elle a 12 ans, elle dit qu'elle a peur quand elle est chez sa maman et que Luc Nem est là. Il l'insulte, lui fait des doigts d'honneur, mange tous les biscuits du paquet sans partager, décrit l'avocat. Il dit clairement à la jeune fille qu'il voudrait qu'elle ne soit pas là." Pour l'avocat, ce qui est jugé aujourd'hui est la confirmation qu'elle avait vu clair sur le danger encouru par Marielle Tournay.
Récemment, la fille de Marielle a écrit une lettre à sa maman décédée deux ans plus tôt. Elle y exprime l'immense manque qu'elle ressent au quotidien mais met un point d'honneur à rester forte pour elle. "Tu es une étoile qui me porte bonheur et je sais que tu es beaucoup mieux là-haut", conclut-elle. Me Gillet a demandé aux jurés de garder à l'esprit que cette adolescente de 16 ans, qui n'a rien demandé, sera privée de sa maman pour tout le reste de sa vie.
Les avocats demandent au jury de répondre sans aucun doute par l’affirmative à la question sur la culpabilité de Luc Nem.
Germaine, la maman de Marielle, a eu l'occasion de dire quelques mots dans le cadre de sa constitution de partie civile. "J'espère que Luc Nem sera bien puni et sera un exemple pour les hommes qui battent leur femme, a-t-elle exprimé. C'est bien que Luc Nem reconnaisse les faits mais c'est malheureux de voir toute cette violence sur une personne si gentille." Elle a dit espérer que Luc Nem écope de la peine maximum même si ça ne lui rendra pas sa fille. Sur quoi le président lui a rappelé que les parties civiles n'avaient pas voix au chapitre concernant la peine. Le message est néanmoins passé.