Cour d’assises de Namur : "Luc Nem est un meurtrier mais pas un monstre", selon son avocat
Il n’est pas chose aisée de défendre un meurtrier. Pour Me Sine, l’avocat de Luc Nem, c’était "un honneur". L’accusé n’a pas été encore reconnu officiellement coupable du meurtre de Marielle Tournay le 28 novembre 2019 à Assesse par le jury mais il ne nie pas les faits et pour Me Sine, la réponse à cette question ne fait aucun doute.
Publié le 02-12-2021 à 14h17
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Pas question pour Me Sine de trouver une quelconque échappatoire ou de fausses excuses mais il a eu à cœur de donner "un peu d'épaisseur" à son client "en évitant une présentation binaire, caricaturale et manichéenne". Car juger, c'est comprendre.
Luc Nem a connu un passé difficile, une addiction à l'alcool, des faiblesses… Il y a en outre un contexte qui peut, non pas justifier, mais expliquer le drame. Pour Me Sine, il y a des " éléments interpellants" dans ce dossier, des choses qui ont pu déclencher sa colère. "Ce n'est pas faire offense à la famille que de le dire mais il est possible que Marielle, avec le démon de l'alcool qui la poursuivait, ait pu faire preuve d'agressivité, au moins dans ses propos."
Reprenant les témoignages des sœurs, du frère et de la mère de Luc Nem, l'avocat rappelle que Marielle pouvait également fait preuve de violences, surtout vu sa grande jalousie. "Mais quand il y a de la violence dans un couple, il y a rarement des témoins", souligne-t-il.
Le soir du 27 novembre 2019, Luc Nem et Marielle Tournay se sont précipités au magasin pour acheter des bières fortes et de l'alcool fort ainsi que des poissons (Luc Nem est aquariophile). Sur le chemin, ils entament déjà les bières et le soir, peu après 22h, Marielle retourne au Sun7 d'Assesse pour acheter une bouteille de vodka. D'après les experts en toxicologie, Luc Nem avait entre 2,6 et 2,9 g/l d'alcool dans le sang et Marielle 3,2 g/l. " Il est fort probable que Marielle se soit exprimée de manière vive. A-t-elle été blessante avec ses paroles? On n'en sait rien, poursuit Me Sine. Ce n'est pas la première fois qu'elle lui reprochait ses violences et lui disait qu'elle allait le quitter." Pour Me Sine, Luc Nem n'a pas pu frapper gratuitement. "Il doit y avoir eu un déclencheur, lance-t-il. Il y avait des raisons, certes toutes mauvaises, à ce déchaînement de violences."
S'adressant à ceux qui pourraient penser que ce déchaînement de violences rend Luc Nem encore plus meurtrier, Me Sine estime que ce serait l'inverse. "À partir du moment où il donne le premier coup, il n'y a plus de place pour la moindre réflexion. Il n'est pas plus meurtrier parce qu'il donne une foule de coups."
«Je suis un monstre»
Quant au trou noir évoqué par son client, entre le moment où il prépare le souper et où il appelle le service 100 parce que Marielle est inerte sur le sol, il déclare: "À quoi ça lui servirait de mentir sur ce point alors que depuis le début, il ne nie pas? Au contraire, il prendrait le risque d'être traité de menteur et de manipulateur."
Pour l'avocat, Luc Nem est crédible quand il affirme n'avoir aucun souvenir de cette funeste nuit. Et Me Sine de lire une lettre envoyée par Luc Nem à sa mère en décembre 2019 depuis la prison: "Je ne comprends pas pourquoi j'ai fait ça et je ne m'en rappelle pas. Je m'en veux terriblement […] La culpabilité me ronge de l'intérieur. Je suis un monstre. Elle me manque terriblement, je ne voulais pas lui faire ça."
"Est-ce là la démarche de quelqu'un qui veut échapper à ses responsabilités? ", interroge Me Sine. Pour l'avocat, la juge d'instruction a fait honneur à sa fonction en instruisant à charge et à décharge. "Elle a dit, en reconnaissant que c'était peut-être subjectif, que Luc Nem avait fait des efforts pour essayer sincèrement de se souvenir des faits."
"Ce n'est pas un crime d'amour mais ce qui est sûr, c'est qu'il y avait de l'amour, conclut Me Sine. Si mal exprimé et si mal vécu. Ces deux-là n'étaient doués ni l'un ni l'autre pour le bonheur. Ils croyaient se soutenir mais ils s'y sont pris particulièrement mal et se sont déchirés. Luc Nem est un meurtrier mais pas un monstre comme il se plaisait à l'écrire."