Cour d'assises de Namur : Luc Nem, instable et impulsif, surtout lorsqu'il a bu
"Luc Nem présente une personnalité labile, impulsive, et si on arrose tout ça avec de l’alcool, ça va favoriser le passage à l’acte", a résumé le docteur Macquet, psychologue, au deuxième jour du procès de Luc Nem, accusé devant la cour d’assises de Namur du meurtre de sa compagne, Marielle Tournay, le 28 novembre 2019 à Assesse.
Publié le 30-11-2021 à 13h03
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Un psychiatre, un psychologue et une neuropsychologue ont passé au peigne fin la personnalité de l'accusé. Elle est marquée par deux éléments prépondérants: d'une part, un mode de fonctionnement de type borderline, qui se caractérise par une instabilité dans ses relations interpersonnelles et par une impulsivité marquée. "Pour ces personnes, vous êtes à un moment le meilleur du monde et la minute d'après, vous êtes son pire ennemi", commente le Docteur Leistedt, psychiatre. D'autre part, Luc Nem présente des traits antisociaux entraînant un certain mépris pour les droits d'autrui et une difficulté à se conformer aux normes sociales.
Cette personnalité particulière mêlée à sa haute consommation d'alcool ont constitué le terreau idéal d'un passage à l'acte. Depuis qu'il est tout jeune, Luc Nem a constamment baigné dans un milieu lié à l'alcool, avec notamment une mère alcoolique, jusqu'à ce qu'il se noie lui-même dedans avec une consommation qui s'est fortement accentuée dès 2015. "L'alcool désinhibe. Si vous avez quelqu'un de potentiellement violent à la base, il va le devenir d'autant plus après avoir bu, estiment les professionnels. Luc Nem dit lui-même qu'il a l'alcool méchant et que ça le rend plus impulsif."
Faible capacité à se remettre en question
Les experts soulignent aussi que Luc Nem peut avoir des colères intenses et peu appropriées qu'il a du mal à contrôler. Concernant sa capacité d'introspection, sa remise en question est assez faible notamment en raison de ses carences affectives et cognitives. Il n'a pas non plus un quotient empathique très élevé. "Il reconnaît la gravité des faits mais il n'évoque que très peu la victime et met davantage en avant sa situation précaire et le fait d'être privé de liberté au moment où je le rencontre", déclare le docteur Leistedt. Les deux experts rappellent que Luc Nem ne souffrait pas, au moment des faits, d'un trouble mental qui aurait altéré ses capacités de discernement.
Le président de la cour a demandé aux spécialistes si le fait de séjourner en prison peut favoriser une remise en question. "Ça peut l'amener à réfléchir sur ce qu'il a fait, ses conditions, son parcours… mais l'introspection est une compétence humaine et il faut des outils à la base. Quand ce n'est pas le cas, c'est compliqué, a estimé le psychiatre. Quant à dire qu'il mènera une introspection efficace en prison, je ne peux pas l'assurer."
Un nécessaire suivi intensif et spécialisé
Le psychologue souligne entre autres que Luc Nem "n'est pas quelqu'un qui transpire le bonheur". Il est dépressif, anxieux, malheureux, insatisfait et peut ruminer beaucoup avant de passer à l'acte. Alors que l'accusé évoque depuis le début un trou noir et des problèmes de mémoire quand il a bu, la question de la crédibilité a été posée. Pour les spécialistes, c'est plausible, d'autant plus que Luc Nem ne soutient pas qu'il n'a rien à voir dans le meurtre de Marielle Tournay. Ce qui est sûr, c'est que son alcoolisation rapide, importante et répétée a pu altérer son système mnésique. "Ce qui peut expliquer ses amnésies lacunaires. L'alcool reste toxique sur le système nerveux central et le fait de construire des souvenirs", établit le docteur Macquet.
Quant à savoir si Luc Nem représente à l’heure actuelle un risque pour la société, ce danger est à nuancer. D’après les spécialistes, ce n’est a priori pas un psychopathe qui va agresser gratuitement une personne en rue ou commettre un cambriolage ultra-violent, mais le risque qu’il s’en prenne de nouveau à autrui s’amplifie en fonction de sa consommation d’alcool.
La cour n'a pas manqué de questions. Le président a également interrogé les experts sur les chances de réussite d'un suivi vu que les huit cures entamées par Luc Nem pour combattre son addiction à l'alcool se sont toutes soldées par des échecs. "Le suivi doit vraiment être intensif et spécialisé, répondent les professionnels. Le succès du processus thérapeutique dépend de la motivation et de l'investissement. C'est la personne elle-même qui est l'élément central de cette prise en charge."