Procès de Luc Nem: aucun souvenir des faits hormis un flash où il fait taire Marielle
Accusé du meurtre de Marielle Tournay, à Assesse en 2019, Luc Nem s’est exprimé ce matin devant la cour d’assises de Namur.
Publié le 29-11-2021 à 14h55
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Le procès de Luc Nem, 40 ans, accusé du meurtre de Marielle Tournay le 28 novembre 2019 à Assesse, a débuté ce lundi par la lecture de l’acte d’accusation par l’avocate générale suivie de l’interrogatoire de l’accusé.
Luc Nem reconnaît les faits graves qui lui sont reprochés mais il ne se rappelle de quasiment rien de la nuit du drame. Son dernier souvenir? Le moment où il coupe du gingembre dans la cuisine pour préparer le souper, le soir du 27 novembre 2019. Ensuite, c’est un trou noir qui perdure jusqu’au lendemain matin. Luc Nem évoque toutefois un flash où il se trouve à califourchon sur Marielle et a ses mains sur sa bouche car elle crie tellement fort qu’il a peur que les voisins ne l’entendent et appellent la police.
Confronté à l'appel au 101 qu'il passe la nuit du 28 novembre 2019 (et diffusé à l'audience de ce lundi), il s'est dit "choqué". "Je ne me reconnais pas. Je suis complètement incohérent dans ce que je dis", a-t-il reconnu face aux jurés. De fait, il dit que Marielle est toute froide, qu'il l'a tuée puis qu'il ne l'a plus tuée, qu'il tente de la réanimer… En pleurs, il est extrêmement confus.
«Tristesse et dégoût de moi-même»
Lors des faits, Luc Nem était sous traitement médicamenteux pour des problèmes d'anxiété, mais il avoue qu'il ne le suivait pas vraiment de manière rigoureuse. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait bu rapidement et en grandes quantités de la bière forte et de la vodka. "Vous aviez 2,60 gr/L d'alcool dans le sang, a indiqué le président de la cour, Hugues Marchal. Quand les policiers arrivent, vous aviez toujours une bouteille de vodka en main."
À la question de savoir ce que lui inspire cette soirée, Luc Nem répond "beaucoup de tristesse et du dégoût de moi-même". Énumérant les terribles lésions qui ont été découvertes sur le corps de la victime, Hugues Marchal lui a demandé "dans quel état est-on lorsqu'on porte de tels coups?" Et Luc Nem de répondre: "On est fou, c'est pas possible". L'accusé n'était toutefois pas dans un état de démence ou de folie le rendant irresponsable du contrôle de ses actes, comme l'a rappelé le président, se basant sur le rapport d'un expert psychiatre. "L'alcool y a participé mais personne ne m'a mis un baxter avec de l'alcool dedans, donc c'est bien moi", a poursuivi Luc Nem.
Quant au mobile, une lettre de Marielle aurait pu être le déclencheur. Mais là non plus, il n'a pas de souvenir. "Bonjour Luc, je ne peux plus supporter tes coups répétés. Je m'en vais et pour de bon cette fois. J'ai tant espéré mais ça ne sert à rien", dit la missive. Interrogé sur ce point, l'accusé répond qu'il l'a peut-être lue mais ne s'en rappelle pas.
Huit cures en deux ans
Le reste de son interrogatoire a notamment brossé son enfance, son adolescence, ses relations passées, sa vie professionnelle jusqu’à ce qu’il sombre dans un profond alcoolisme…
À 5 ans, Luc Nem a découvert son père mort dans le fauteuil. De là, sont nées ses angoisses et vers l'âge de 12 ans, il a commencé à prendre du Xanax. "Comme mon père, j'avais peur de mourir dans mon sommeil", confesse-t-il. Sa maman buvait pratiquement constamment. " Au niveau de l'éducation, c'était le strict minimum, explique-t-il. J'ai dû me forger seul." Si matériellement, il ne manquait de rien, il a souffert de carences affectives et d'un manque de structure. "Je sortais quand je voulais et j'allais à l'école quand j'avais envie". Il a eu bon nombre de retenues, d'absences non justifiées et de problèmes de discipline.
L’alcoolisme, maladie «traître»
Il a obtenu son premier contrat de travail en 2007 dans une animalerie. Un métier tout à fait en adéquation avec sa passion pour l'aquariophilie. Au début, ça se passait bien puis il a commencé à consommer après le boulot et s'est fait notamment remarquer lors d'un voyage à Londres avec son entreprise où il était complètement ivre. "Avec ma compagne, je désirais avoir un enfant et ça n'allait pas. Je me disais que j'avais un problème."
Ça a alors été la dégringolade et la naissance de sa fille en 2015, née suite à une fécondation in vitro, n'y a rien changé. Quelques mois plus tard, il s'est séparé de la maman de sa fille. Entre juillet 2015 et octobre 2017, on ne dénombre pas moins de huit cures pour combattre son alcoolisme, en vain. "C'est une maladie qui est traître. On boit en se disant que ça va aller mieux et qu'on va gérer mais au final, on ne gère rien", a-t-il lancé.
Entre 4 et 5 litres de bière par jour
S'il avoue avoir un problème avec les dates, il se souvient très bien avoir rencontré Marielle le 16 août 2016 après avoir discuté avec elle sur internet, via un site de rencontres. À cette époque, il buvait entre 4 et 5 litres de bière par jour. Il qualifie leur relation de "chaotique" tournant en grande partie autour de l'alcool. "Quand ce n'est pas moi qui ai bu, c'est elle, explique-t-il, soulignant le caractère fusionnel et toxique de leur couple. On avait les mêmes sales habitudes et on était très jaloux tous les deux."
Il se souvient du premier coup de poing qu'il a infligé à Marielle, qui s'est retrouvée le visage en sang. "Elle conduisait trop à gauche. Je voulais qu'elle me ramène chez moi. C'est parti tout seul, je ne sais pas pourquoi. Je n'aurais pas dû." Ce qui lui a valu une première incarcération. "J'ai l'alcool méchant quand je bois des choses assez fortes", indique-t-il.
Le deuxième fait marquant a lieu en avril 2019. Ce qui lui vaut également un séjour en prison. Marielle s'est retrouvée avec un œil au beurre noir et un bras cassé. Libéré fin mai, Luc Nem est à nouveau arrêté en juin 2019. On lui reproche d'avoir étranglé Marielle avec ses jambes et de lui avoir donné des coups de pied alors qu'elle était au sol. Elle se retrouve couverte d'ecchymoses. "Ça ne me dit rien mais c'est possible", affirme l'intéressé. Son casier compte trois condamnations au tribunal correctionnel pour de telles violences. Luc Nem est sorti de prison le 2 octobre 2019 et, moins de deux mois après, Marielle mourait sous ses coups.
Alors que certains accusés restent de marbre et s'en tiennent au minimum, Luc Nem a répondu à tout, donnant pas mal de détails, et a dès le départ dit regretter terriblement ce qui s'est passé. "J'aurais voulu vous apporter des réponses mais je ne peux pas inventer des choses que je ne sais pas", a-t-il conclu. Actuellement, Luc Nem est toujours sous antidépresseurs. Il dit avoir pris près de 50 kilos en prison et avoir quelques problèmes de santé dus à son surpoids. L'après-midi de lundi est consacrée entre autres aux témoignages des enquêteurs et de la juge d'instruction.