Pari réussi d’une agriculture sans pesticide
Une agriculture sans pesticide ne se fait pas du jour au lendemain, ni sans mal. Mais pour cet agriculteur namurois, le jeu en vaut la chandelle.
Publié le 08-07-2021 à 06h00
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L’ASBL Nature & Progrès, qui vise à promouvoir des modes de production plus respectueux de l’environnement, organisait mercredi une rencontre avec un agriculteur bio de Saint-Marc dans le cadre de la campagne «Vers une Wallonie sans pesticides» (jusqu’à 2022).
Cette année, l’association se focalise sur les alternatives aux pesticides chimiques de synthèse en légumes plein champ et pommes de terre. Gilles de Moffarts, propriétaire de la Ferme de Latour, nous a emmenés dans ses champs, accompagné de consommateurs sensibilisés et de conseillers agricoles, pour nous faire découvrir les secrets de sa production en bio, certes plus coûteuse et plus compliquée à mettre en place, mais dont les atouts ne sont plus à démontrer.
«En 2008, alors que je faisais de l'agriculture conventionnelle depuis 1994, j'ai voulu tester le bio par curiosité car j'aime bien les nouveaux défis, relate-t-il. J'ai commencé par une petite parcelle. Il y a toujours quelques craintes. On se demande si on va arriver à tout maîtriser, si ça va fonctionner. Puis, on voit que ça marche. C'est beaucoup plus intéressant et valorisant.» Chaque année, il convertit ainsi une parcelle en bio. «Je reste raisonnable.», sourit-il.
Aujourd'hui, une moitié de son agriculture est bio (l'objectif visé serait 100%) avec une part dédiée aux céréales et une autre consacrée aux carottes, haricots, petits pois, basilic, oignons, pommes de terre… «J'aimerais bien vendre tout en circuit court mais la demande n'est pas assez importante. Je vends donc le reste en circuit long».
La prévention avant tout
Quelles alternatives aux fongicides, insecticides et herbicides dans le bio? Une approche préventive prioritairement, et curative dans un second temps, selon Gilles de Moffarts. «La première chose est de choisir une variété résistante (aux maladies, insectes, etc.), indique-t-il. En pommes de terre par exemple, la Bintje n'est pas assez résistante alors que l'Allians, avec laquelle je travaille, est un bon compromis entre la résistance et le rendement.»
Concernant la lutte contre les mauvaises herbes, il préconise les faux semis. «Ça se fait durant le printemps pour faire germer les mauvaises herbes avant que la culture ne soit semée. C'est une des préventions les plus importantes, poursuit-il. Pour éviter la prolifération des vivaces (chardons, laiterons, etc.), il faut inclure dans sa rotation des prairies temporaires ou de la luzerne. La racine de cette dernière a la capacité de détruire le rhizome du chardon. Ainsi, si on place de la luzerne pendant 2 ans dans un champ infesté de chardons, ils disparaîtront! Ce sont toutes des techniques naturelles qui permettent de s'en débarrasser, peut-être pas à 100% mais en grande partie.» Il ne sait toutefois pas faire de faux semis avec tout. C'est le cas des oignons. «Ils se plantent très tôt. Il faut donc intervenir tôt et avec la bineuse mécanique ou manuelle!»
Plus rentable
En se convertissant au bio, Gilles de Moffarts n'a pas choisi la facilité. «En agriculture conventionnelle, on a une solution chimique pour chaque problème. En bio, il faut se débrouiller, trouver des nouvelles solutions, constate-t-il. À titre d'exemple, on met 20 minutes pour désherber un hectare d'oignons avec un pulvérisateur en agriculture conventionnelle tandis qu'on va mettre 100 heures avec le désherbage manuel en bio. La part de main-d'œuvre est plus importante.»
«Pas évident donc de faire du bio mais c'est possible. C'est le message qu'on veut faire passer.», dit Camille le Polain, agronome à Nature & Progrès. Gilles de Moffarts en est la preuve et affirme même s'en sortir mieux financièrement grâce au bio. «Et ce, parce que le consommateur averti fait confiance et est prêt à payer un peu plus cher, observe-t-il. Comme en bio, on n'a pas l'arsenal chimique pour protéger nos cultures de certains dangers, on perd de l'argent certaines années. Mais l'année suivante, ça va mieux. Bon an, mal an, c'est plus rentable!»