Namur: l’arrivée du roi du burger n’inquiète pas les sujets locaux, comme chez Thib’ et MyBurger
L’arrivée probable d’une enseigne de l’envergure d’un Burger King sur la N4 à Wierde pourrait inquiéter les acteurs locaux de la restauration rapide. Mais non, en fait.
Publié le 15-04-2021 à 08h12
Cela fait quinze ans que Thibault Dinjart est frituriste le long de la Nationale 4 à Wierde. La frite, il sait comment la mettre en barquette, tout comme ses clients. «Ici, on personnalise, on choie les gens, on fait tout pour leur faire plaisir» raconte le frituriste.
Lorsque nous lui parlons de frites et burgers, Thib'a le verbe facile. Son métier le passionne et la concurrence le motive. Qu'elle soit à sa taille, comme d'autres frituristes sur la nationale 4, ou plus gargantuesque, comme le Burger King dont la demande de permis est à l'étude à la Région. L'enseigne américaine devrait s'installer en lieu et place de DLM Caravanes, soit à quelque 50 mètres de Chez Thib'. «Vu la proximité, on pourrait presque dire que les clients du Burger King se gareront chez moi.»
La machine américaine est bien rodée et attirera probablement une clientèle nombreuse dans ses installations neuves. Mais Chez thib' estime avoir les reins et les armes suffisantes pour contrer ce type de concurrence. «Il y a 15 ans, quand j'ai commencé, on était à 10 sur le même gâteau que sont la N4 et le zoning. Aujourd'hui, on est 30. Ce n'est pas un de plus qui va changer la donne.»
Depuis un paquet d'années, les friteries à la belge ont pris l'accent américain en ajoutant des hamburgers sur une carte longue comme une fricandelle XXL. «Le pur bœuf, tout le monde le fait maintenant. Les petites friteries, on se démarque dans la personnalisation. N'allez pas demander à Burger King de remplacer une tranche de cheddar par du bacon» continue Thib'.
Le Covid, c’est rentable
L'année 2020 a été bénéfique pour le frituriste, comme la plupart de ses confrères. « Si tu as foiré cette année, change de métier. Toutes les conditions étaient là pour exploser les records, continue Thibault, mais même en temps normal, tenir une friterie, à coté d'un Burger King ou au milieu des bois, si tu es sympa et que tu fais de bonnes frites, tu ne peux que réussir.»
Pourtant, Thib’ ne se limite pas à la cuisson et au service. Depuis 15 ans, il plonge les frites dans la graisse bouillante sans perdre en dynamisme. Au contraire, Thib’ regorge d’idées, c’est assez déroutant: Sur cette seule année, il projette des bols réutilisables à la place des paquets de frites, des planches de bois sur mesure pour transformer sa voiture en tables de dégustation, des chèques à gagner pour soutenir les coiffeurs et l’horeca, des enquêtes de satisfaction pour connaître ses défauts et la commande d’un personnage de dessin animé en version géante pour les enfants.
«C’est la chaîne Dunkin Donuts qui m’a donné l’idée avec leurs personnages Disney. Les parents, ils s’en foutent des donuts, ils y vont pour faire des photos de leurs enfants à côté des figurines géantes.»
My burger, le goût du local
Un peu plus loin vers Assesse, Lionel Lambert vend des hamburgers le long de la Nationale 4. «C'est se tromper de penser qu'on fait le même métier que ces grandes enseignes» raconte ce cameraman, reconverti dans la restauration rapide. Depuis huit ans, il s'est spécialisé dans l'hamburger aux saveurs locales, de son food truck ou au sein de son restaurant «en dur».
«Ce genre d'enseigne n'a pas le même réseau que nous. Eux, ils ne vont pas se renseigner sur le fromage d'une ferme de la région pour l'intégrer dans une recette d'hamburgers» continue Lionel Lambert, confiant sur la qualité de ses produits et la fidélité de sa clientèle. «En fait, ils se font concurrence entre eux, pas avec nous. Le Burger King, il est là pour faire concurrence au Quick de Jambes qui est tenu par un autre franchisé. Ils se titillent l'un l'autre, nous, cela ne nous concerne pas trop.»
À écouter ces deux caractères bien saucés, c’est l’enseigne américaine qui devrait finalement s’inquiéter.

La position communale tranche avec le moratoire qui est toujours en cours sur la Nationale 4. Celui-ci devait geler le développement d’un certain type d’enseignes, et ce afin de préserver la dynamique commerciale du centre-ville. Le texte avait été élargi à l’horeca en 2019.
Pourtant le futur Burger King voit tous ses feux passer au vert, du côté du Collège. Le bourgmestre de Namur, Maxime Prévot, et l’échevine du Commerce, Stéphanie Scailquin, s’en expliquent et reprécisent les dispositions du moratoire pour l’horeca, avant tout liées à la saturation de l’axe reliant la capitale wallonne à Marche. Les nouvelles enseignes sont autorisées pour autant qu’elles n’augmentent pas l’offre dans le périmètre. L’exclusion n’est donc pas systématique. Et comme plusieurs établissements ont désormais portes closes sur la N4, l’implantation d’un Burger King ne mettrait pas à mal l’équilibre existant. CQFD.
Par contre, dans la délibération collégiale, rien ne fait référence à la volonté de privilégier une alimentation locale et durable… Une ambition clairement affichée par la Ville, notamment via la création d'un conseil agroalimentaire, à l'échelon local. Un paradoxe. «L'implantation de fast-foods ne reflète pas les intentions de la Ville en matière alimentaire», précise Charlotte Mouget, échevine de la Transition écologique. Et celle-ci de préciser que les Communes n'ont pas le pouvoir d'interdire les fast-foods sur leur territoire. «Comme on ne peut pas obliger les gens à manger de telle ou telle manière», dit-elle. «Cela dépend de politiques européennes qui nous dépassent.» Un frein qui empêche clairement les localités de disposer des moyens de leurs ambitions? «Mais si on ne se retrousse pas les manches, on ne fait rien», conclut Charlotte Mouget.
Ainsi, la Ville de Namur fait figure de pionnière à l’échelon régional puisqu’elle a intronisé un organe de réflexion sur l’alimentation durable.
Des travailleurs mis sur le gril
Autant que la cuisson de la viande et le moelleux des buns, les fast-foods aiment souligner, dans leur communication, le fait qu’ils sont des créateurs d’emplois. Et c’est toute une génération en quête d’une première expérience professionnelle qui voit en l’implantation d’une telle enseigne dans la région, une réelle opportunité.

Des jobs, oui. Mais quels jobs? Les syndicats qui défendent les intérêts du secteur de la restauration relativisent. «L'un des soucis, c'est que les compétences requises dans ce type d'enseignes ne peuvent être valorisées ailleurs dans l'Horeca.», indique Tiphaine Malchair, secrétaire permanente FGTB. La formation est limitée. Il s'agit d'apprendre comment fonctionne la machine à glaçons. Ce n'est pas une vraie formation Horeca.» Même son de cloche du côté de la CSC. «Tout n'est pas négatif, tempère Françoise Renard, permanente alimentation et services. Cela constitue tout de même une expérience dans le sens où il y a le contact avec les clients qui existe et puis, c'est aussi une manière de se confronter au monde du travail.»
La représentante de la CSC pointe une autre dérive dans les contrats proposés. «Ce sont des emplois à temps partiel, dit Françoise Renard. Principalement pour viser un public jeune. Ça peut convenir à certains mais disons que ça dépend de la manière dont est géré l'établissement.» Sa consœur de la FGTB va un pas plus loin. «Les contrats proposés n'excèdent pas 19-20 heures de travail par semaine. En plus, on demande une grande flexibilité aux travailleurs qui travaillent en horaires coupés… mais des petits horaires coupés. Ils vont être présents pour travailler dans les moments de rush à une cadence infernale», déclare Tiphaine Malchair.
Difficile de tenir sur le long terme. «Il y a de fait beaucoup de turnovers», dit Françoise Renard. Et si la capacité d'évoluer dans l'entreprise existence, les chances sont minimes. «Les managers et les assistants managers ont certes un temps plein et gagnent correctement leur vie, précise la syndicaliste FGTB. Mais il s'agit ne s'agit que de deux personnes sur des dizaines…»