Amsoria: Lilia Bongi raconte son enfant, du Congo à Gembloux, cité des couteliers
Avec son roman «Amsoria», Lilia Bongi délivre un récit criant de vérité, qui revient sur son exil en Belgique à l’âge de dix ans.
Publié le 05-02-2021 à 15h22
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«Le mot 'Amsoria' s'est popularisé au Congo dans les années 1960, à l'arrivée de soldats ghanéens sur le territoire. Lorsqu'ils disaient 'I'm sorry' ['je suis désolé' en français], les Congolais comprenaient 'Amsoria', explique Lilia Bongi. Ce terme évoque le voyage, l'adaptation et le contraste entre le monde occidental et celui de l'Afrique. »
Un titre qui sonnait comme une évidence pour l'auteure, arrachée à son Congo natal en 1966. Revenant sur son intégration, sa jeunesse passée à Gembloux et son parcours de vie, son livre Amsoria est bien plus qu'un pansement sur une blessure. C'est un regard à la fois nostalgique et transgénérationnel sur le passé, un film à la narration captivante et d'une humilité inspirante, un roman autobiographique déchirant, mais empli d'espoir.

«Prendre conscience de sa différence»
«À l'époque, les personnes aisées envoyaient leurs enfants en Europe pour faire des études. C'est dans cette optique-là que mon père m'a emmenée à l'aéroport, direction Bruxelles. J'avais dix ans et n'avais pas la maturité nécessaire pour comprendre sa démarche. Il y a donc eu une blessure.», confie Lilia. La jeune Congolaise passera sa première année en Belgique chez un couple près de Charleroi, avant d'être accueillie par des Gembloutois. Deux familles elles-mêmes déracinées, puisque la première était flamande et la seconde, originaire de Liège.
Très vite, l'école deviendra le refuge de Lilia, élève à l'athénée royal. «J'étais la seule noire dans la cour. Quand on est étranger, il faut prendre conscience de sa différence. Personnellement, j'ai eu beaucoup de chance. L'institutrice avait demandé aux enfants de me réserver un bon accueil. Et finalement, tout le monde voulait jouer avec moi.» Un environnement stimulant qui lui permettra de se concentrer pleinement sur sa scolarité.
De ses années passées à l'athénée, Lilia se souvient notamment des cours d'histoire. «L'un de mes professeurs disait: 'qui ne connaît pas son passé n'a pas d'avenir'. Quand on est la seule Congolaise dans une classe de Belges, une distorsion se crée. J'apprenais une histoire qui n'était pas la mienne.» De quoi l'éloigner davantage de ses racines? «La nostalgie était omniprésente. Mon père ne donnait que très peu de nouvelles. Il y a toujours eu un manque.»
Le cinéma, le Sun Club, le marché
Aujourd'hui, Lilia habite Bruxelles. Mais en évoquant Gembloux, les souvenirs remontent à la surface. «J'avais l'impression de m'y embêter. Mais avec le recul, j'y retournerais bien. Je me rappelle de ces trajets vers l'école, de ce magasin où on s'échangeait des bonbons place St-Guibert, du Sun Club qui égayait nos heures de fourche, du marché. Sans oublier le cinéma, où j'ai vu le premier film qui m'a marqué: 'Les raisins de la colère', l'histoire d'Américains chassés de leurs terres. Il y a quelques années, j'y suis revenue dans le cadre d'une exposition que j'organisais avec mon association Parallel 4, dont l'objectif était de promouvoir des artistes congolais pour leur acheter du matériel.» Preuve qu'entre Gembloux et Lilia Bongi, l'histoire est loin d'être finie.
«Amsoria», en vente à Gembloux aux Librairies Antigone, L’Apostrophe et Colegram.