Namur: des dizaines de garanties locatives détournées durant quatre ans, mais à quelles fins ?
Une employée de l’agence immobilière percevait des garanties locatives en cash ou sur son compte. Sur ordre ou pour son bénéfice?
:format(jpg):focal(545x385.5:555x375.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/UIGVEBUGFNA57CZCW4B6ICLQVQ.jpg)
Publié le 03-02-2021 à 17h47
Ils sont une petite dizaine dans la salle du tribunal correctionnel pour assister aux débats et réclamer leur dû. Pas des sommes énormes, souvent quelques centaines voire un gros millier d'euros: «Mais il faut souligner leur détermination» insiste Me Zombek qui défend deux de ces parties civiles.
Brigitte, la principale prévenue dans l'affaire, leur adresse la parole en début d'audience: «Je suis désolée pour ces personnes, je n'ai pas réalisé une seule seconde ce que j'étais en train de faire», assure-t-elle des larmes dans les yeux et dans la voix.
Environ 50 000€ détournés, 45 préjudiciés
Sur les faits, elle est en aveux. Entre 2013 et 2016, alors qu'elle travaillait pour une agence immobilière bien connue à Namur où elle était en charge des biens en location, elle a réalisé une série de faux: «Quand les locataires venaient signer leur bail, ils apportaient la garantie en liquide. Je leur signais un reçu et je remplissais le document de la société de dépôt.» Sauf que dans les faits l'argent n'était jamais placé sur un compte tiers, comme prévu.
Que devenait le cash? Selon l'employée, elle le mettait dans un petit coffre, à l'agence, selon la volonté de sa hiérarchie. «C'était les consignes. Quand il fallait rembourser les garanties, les gens retouchaient l'argent, ça ne posait pas de problème.»
Jusqu’au jour, toujours selon l’employée, où la société a connu des difficultés financières. L’argent des cautions aurait alors commencé à servir à payer les charges et autres frais, et à financer les activités de la fille de la patronne.
Tout cela dans un contexte de relations amicales, presque familiales voire filiales, entre les personnes: «J'ai agi pour les aider, je ne me posais pas de questions, c'était comme ma famille…»
Qui savait et où est allé l’argent?
Une version contestée par l’administratrice de la société à l’époque (NDLR: elle a été reprise depuis lors). Pour des raisons médicales, la dame, septuagénaire, n’est pas en mesure de venir s’expliquer devant le tribunal.
Mais selon son avocat, M Sion, à part les déclarations de la première prévenue, il n'y a rien dans le dossier qui démontre que la patronne a bénéficié de cet argent ou même qu'elle était au courant des détournements: «Le parquet considère qu'elle ne pouvait pas ne pas se rendre compte, mais il faut relativiser. Ces faits concernent 45 personnes sur presque quatre ans. Cela fait en moyenne un client par mois à peine.» Suffisamment peu pour que cela passe sous les radars?
Impossible selon M Golinvaux à la défense: «Un ancien employé témoigne de ce que l'administratrice exerçait un contrôle permanent sur ma cliente. Elle n'a rien pu faire sans que ça se sache. Elle a au contraire agi sur ordre.»
Autre élément interpellant: sur 45 cas, plus de 20 fois, les clients ont versé leur garantie sur le compte de l'employée directement: «Je faisais comme ça quand les gens ne pouvaient pas ou ne voulaient pas retirer de liquide. Je retirais alors l'argent moi-même et je le portais à l'agence.» L'explication ne tient pas la route, selon Me Sion, et laisse le parquet perplexe.
C'est une mesure de faveur, une suspension du prononcé qui est demandée pour Brigitte par son avocate: «À 57 ans, elle a un casier vierge et travaille à temps plein». Le parquet requiert une peine de travail.
L’enjeu est aussi important sur le plan civil: la substitute Delphine Moreau considère que l’ex-employée, la patronne de l’agence et cette dernière en tant que personne morale doivent être condamnées chacune à rembourser un tiers des sommes détournées aux victimes. Jugement le 3 mars.