PHOTOS ET SOUVENIRS| André Brasseur, 80 ans et toujours de l’orgue dans les mains
André Brasseur aura 80 ans mercredi. Les belles rencontres, les tocards, la passion, les galères… Il y a du groove et du blues dans sa vie.
Publié le 06-12-2019 à 19h29
André, votre anniversaire tombe à quelques jours de la Saint-Nicolas. La vie vous a-t-elle fait beaucoup de cadeaux?
Dans mon enfance, Saint-Nicolas, c’était deux mandarines et un spéculoos. Mon père avait une entreprise de peinture et travaillait pour Solvay. Il voulait m’y faire entrer. On m’y a fait passer un examen d’embauche et j’en suis sorti avec un 0 sur 100. J’avais boycotté. Moi, c’était déjà la musique.
Les cadeaux, ce sont les rencontres?
Mon prof de musique à l’académie de Tamines a compté pour moi. Il m’a fait comprendre l’importance du travail dans la musique. On se comprenait. Depuis lors, moi aussi, cela a toujours été jouer, jouer, jouer…
C’est toujours ce qui vous fait tenir?
Être sur scène, entendre le retour des gens, vivre des moments comme ceux du Pukkelpop ou récemment la clôture des Gentse Feesten avec trois, quatre mille personnes qui s’amusent et vous remercient en chantant, oui, c’est le grand et beau côté de la musique.
Autre point d’orgue, vous avez aussi été sollicité pour partir en tournée avec James Brown. Pourquoi avoir refusé?
On est dans les années 80, je pense. C’est un très gros événement au Sportpaleis d’Anvers. Moi, je joue dans l’espace VIP. Et c’est là que l’entourage de James Brown m’approche. Ils partent dans une grosse tournée et ils voudraient que je les accompagne. C’est une reconnaissance. J’ai la même approche et feeling de la musique que les musiciens noirs. Mais dans mon cercle, il y a des gens qui ont vécu et qui me mettent en garde. On me dit: tu seras le seul Blanc dans un groupe exclusivement composé de Noirs. Ils vont te le faire sentir. Ils vont vouloir te faire comprendre que tu n’es pas assez bon. Même si ce n’est pas vrai.
D’une manière générale, le milieu est dur?
Il y a aussi de la petitesse. J’ai toujours dû me battre. J’ai connu des hauts mais aussi des solides bas. Je me vois encore, après avoir joué, ramasser un mégot pour le fumer. Je n’avais pas de sou. Ça n’a pas toujours été rose.
Mais vous avez vendu des millions de disques (6 millions rien que pour Early Bird).
Oui mais j’ai souvent été naïf. Je n’ai jamais été un homme de chiffres. Après avoir signé un contrat, vous vous rendez compte que l’arrangeur, c’est un pote de la maison de disques, tel musicien aussi… En fait, c’est vous l’arrangé…
Mais, le 15, vous serez encore sur scène à Harelbeke.
Ce sera la dernière de cette incroyable tournée de plus de cent dates. Je serai là pour le public. J’ai la même approche que les musiciens américains.
C’est un contrat qu’on signe avec les gens qui ont payé leur place. Il faut être là pour eux, bien habillé, en forme et à fond pour leur donner du bon temps.
Et après?
Je veux continuer à jouer, à enregistrer. J’ai plein de projets. Je suis comme ça: j’ai treize ans et demi dans la tête.


«Au début de ma carrière, je jouais tous les lundis dans un café-concert tout près de l'Ancienne Belgique. Beaucoup de musiciens et de vedettes y repassaient après leur prestation», se rappelle André Brasseur. Parmi ces visages célèbres, celui de Claude François, vedette montante de la variété. «Mes prestations à l'orgue ne le laissaient visiblement pas indifférent», détaille le Namurois. «Mais dès le départ, je n'aimais vraiment pas sa manière de se comporter avec les gens, avec les femmes. Il était très sec, cassant… Et son secrétaire particulier avait vraiment le même style. Ils s'adressaient à moi sur un ton hautain.»… mais le courtisent tout de même: André pourrait collaborer avec eux.
L'intéressé n'a pas encore cartonné avec son Early Bird et cette proposition de boulot le fait réfléchir. «Je me suis renseigné auprès de son bassiste, Jean-Marie. On se connaissait bien et il a été franc. Il m'a dit que si je pouvais éviter, il valait mieux éviter… Voilà aussi pourquoi je n'ai jamais collaboré avec ce tocard de Claude François.»

Vif, direct, Brasseur a parfois aussi joué les francs tireurs. Comme dans cette scène digne d'un western, une nuit de mars 1971. Le musicien est alors à la tête de la discothèque La Locomotive à Barbençon. En pleine nuit, il est réveillé par de drôles de bruits dans son garage. Ni une ni deux, le patron va chercher sa carabine et se poste en embuscade, dans un coin de la maison. «J'ai vu repasser les voleurs et j'ai tiré en direction de cette Opel bleue», se rappelle André Brasseur, un léger sourire aux lèvres. «Quelques mois plus tard, à Bruxelles, je recroise une vieille connaissance qui me dit qu'on a parlé de moi… en prison. Il connaissait les gens qui étaient dans l'auto et il me félicitait pour mes talents de tireur. J'avais mis en plein dans le mille et ils avaient été obligés de repeindre leur voiture. On n'est plus jamais venu voler à la Locomotive…»
Quelques contrôleurs du fisc doivent aussi se souvenir de la vivacité du tonton Brasseur. «Ils sont venus quasiment toute une semaine chez moi, à tout contrôler, jusqu'au moindre kilo de pommes de terre. Le jeudi, je leur ai dit que s'ils revenaient le vendredi, je les tirerais comme des lapins dans la côte de Silenrieux…» Ils ne sont pas revenus. «Mais j'ai eu le coup de fil de leur chef… que je connaissais fort bien. Il était un peu paniqué. Mais ça s'est arrangé.» Réglé comme du papier à musique.