KIKK Festival: un éloge numérique à la fragilité
Jusqu’à dimanche, le KIKK en ville transforme Namur en un musée fantastique et poétique à ciel ouvert. Aux frontières de l’invisible.
- Publié le 31-10-2019 à 06h00
Le KIKK, clap 9e, ça tourne depuis ce matin. Dans des salles, certaines obscures, en des lieux emblématiques namurois, en intérieur comme en extérieur, des œuvres monumentales en mouvement explorent des frontières. Entre le visible et l’invisible. Oscillant du microscopique à l’astronomique. Voyageant aux limites de la logique. Interrogeant les certitudes physiques à coups d’algorithmes, de capteurs et de phénomènes rendus fantastiques. Et, pour finir, bluffant leur public.
Mercredi soir, la presse, dont la spécialisée en design, a fait le tour d'une sélection de quelques perles extraordinaires explorant une thématique questionnante: Les Archipels de la fragilité. On va de surprise en fascination pour ces univers étranges entremêlant avec génie les fibres artistiques, numériques et créatives.
Dans le fond de la galerie du Beffroi, Rosalie Dumont Gagné a suspendu des méduses en plastique gonflées comme des ballons. «Quand des intrus entrent dans leur univers, regardez comme elles réagissent et prennent une couleur. Elles sont perturbées.» L'artiste concède que ses créatures, géantes et suspendues, ont quelque chose d'Alien.
Le nouveau Delta, au rez-de-chaussée, présente l’AfriKIKK, fruit d’une collaboration avec les commissaires Delphine Buysse et Marion Louisgrand Sylla de Ker Thiossane. La première est Namuroise. Toutes deux vivent à Dakar. Inédit: neuf artistes du continent africain, ou de la diaspora, exposent dans l’espace urbain. Quelques-uns travaillent par exemple sur la thématique des déchets électroniques, dont l’Afrique est vue par certains comme la poubelle.
Toujours au Delta, au rez du Tambour, Patrick Tresset a mis au point des bras robotisés. Posés sur de petits bureaux d'écolier, ces derniers esquissent, chacun indépendamment, le portrait d'un même visiteur, et jettent un trouble. «J'ai été peintre explique le concepteur. Il faut d'abord y voir un mélange de théâtre et de marionnettes, avant une programmation technologique.» Plus fort encore, cette fois dans le Tambour, avec Rainbow, éblouissante et immersive performance de l'Iranienne Nazanin Fakoor. À travers un jeu de grands miroirs tournant lentement, elle raconte l'histoire de la quête d'un oiseau mystique qui, à la fin, se révèle être juste nous-mêmes. «Je questionne l'identité et ses multiples facettes» dit-elle. Pour cette artiste, l'identité est plurielle, nous sommes tous le résultat d'une infinité de réflexions issues de rencontres accumulées autour de la vie. Sa façon de le traduire? Par un déluge de couleurs diffractées. À voir absolument.
À l'école Sainte-Marie, des plantes, on vous le jure, écoutent de la (grande) musique. Et plus elles écoutent, plus elles sont sensibles. Il faut bien les regarder. À la longue, leurs folioles se mettent à danser. Plus loin, le Murmur de Chevalvert transforme un «input» sonore en une vague lumineuse tangible qui finit par exploser sur une toile, en d'étranges univers.
Plus haut, Arthur Zerktouni, avec Rémanences, tente de capturer sur une pluie de fils l'immatérialité. Toutes ces installations se jouent de métaphores. En fin de compte, ce que l'on retient, c'est l'image de ces nouvelles technologies sublimées en poésie infinie.