VIDÉO | Mois du nanisme – Marc Saubain: «Je suis un peu le 8e nain»
Octobre est le mois du nanisme. Le but est de changer le regard des gens. Témoignage de Marc Saubain, un «nain connu».
Publié le 11-10-2019 à 08h06
«Je fais partie d'une espèce en voie de disparition» dit Marc Saubain. Il fait allusion à l'échographie, encore rare en 1965, année de sa naissance. Elle permet aujourd'hui de dépister l'achondroplasie in utero, et donne la possibilité à la mère d'avorter.
Il y a quelques années, ce Namurois, horloger de formation, employé à la Maison de la Culture, et acteur à ses heures, avait réalisé un film où il questionnait son entourage et des passants sur le nanisme. «J'ai demandé à ma mère si elle aurait avorté, si elle avait su avant ma naissance. Elle a marqué une pause, puis a dit: "Peut-être, mais maintenant que je te connais, non! «»
Séduire avant tout
Marc Saubain est une personnalité extrêmement charismatique, maniant l'humour et l'autodérision comme des armes de séduction massive. «Je dois ma force à mes parents, dit-il. Ce sont des personnes futées, qui ont fait du bon boulot avec moi, et mes frères et sœur.»
L’achondroplasie m’a donné une sensibilité pour les personnes différentes.
Originaire d'Erpent (près de Namur), Marc n'a pas senti dans l'enfance le poids du regard des autres: « Dans notre village, tout le monde connaissait tout le monde. » Puis l'adolescence est arrivée: «Le secondaire, les petites amies, les frustrations… mais je compensais.» Des petites amies, grandes amies, des compagnes, il en aura. « Je n'ai pas de problème de séduction. Mais quand je séduis, je dois être assis, sourit-il. Ou alors, il faut que je danse…»

«C’est un réel handicap»
Parfois, ses amis oublient que Marc n'est pas comme tout le monde. « Je ne peux pas marcher 5 km sans avoir mal au dos. Enfant, j'ai voulu jouer au foot, et mon entraîneur m'a fait croire que ça allait. Je me suis rendu compte par moi-même de mes limites.»
Au travail, Marc a peu d'aménagements. «J'ai une chaise d'enfant, avec une assise plus courte. Mais on m'a commandé une nouvelle chaise, adaptée à ma physiologie.» Quand il était jeune, Marc a voulu une voiture adaptée pour une personne aux jambes plus courtes: «Pour moi, la voiture, c'était la liberté absolue, aller où je voulais quand je voulais. J'en suis revenu.» Aujourd'hui, il se déplace en train, en bus, et beaucoup grâce à un vélo adapté.
Au quotidien, il ne bénéficie pas d'aménagements particuliers. «Quand j'ai besoin de quelque chose qui est trop haut pour moi dans un magasin, je demande en souriant. Et les gens sont plutôt contents de m'aider.»
Le regard des autres
« Même si je suis petit, je ne passe jamais inaperçu», reconnaît Marc. Quand les personnes le dévisagent, il leur fait signe de la main, en souriant. «C'est plus facile les jours où je suis de bonne humeur» reconnaît-il. Mais il ne laisse pas les remarques des inconnus l'atteindre: « ce sont les amis, les proches, qui me blessent parfois.»
Il constate que les jours où il est moins en forme, on lui reproche d'être aigri parce qu'il est nain. «Je dois être joyeux ou simplet… mais pas grincheux. »
L’interview de Marc Saubain dans notre vidéo ci-dessus.

Espérance de vie
L’espérance de vie est normale pour une personne souffrant d’achondroplasie, mais d’autres dysplasies squelettiques affectent la fonction respiratoire.
Mutation génétique
« L'achondroplasie vient d'une mutation génétique sur le chromosome 4, qui fait que les cartilages de croissance des os longs ne parviennent pas à grandir normalement. C'est pourquoi chez les achondroplases, la colonne a une taille quasi normale, tandis que les membres sont plus courts, principalement les bras et les cuisses. Au niveau du crâne, les os frontaux sont saillants, et le nez pas très développé. »
Des traitements?
On ne traite pas l’achondroplasie avec des hormones de croissances: leur taux est tout à fait normal. Il n’y a pas encore de thérapie génique disponible pour les achondroplases.
«Allonger» la personne?
Certaines personnes atteintes d'achondroplasies se font opérer, pour allonger les membres, pour gagner jusqu'à 20 cm, parfois davantage. «C'est déconseillé pour une personne de très petite taille: beaucoup de souffrances pour un résultat qui ne changerait pas leur vie.» L'opération consiste à casser l'os, puis mettre en place un fixateur externe: «On ne laisse pas le temps à la fracture de consolider: on allonge tous les jours d'un millimètre. Un allongement de 5 cm provoque peu de complication. Mieux vaut faire trois ou quatre allongements plutôt qu'un allongement trop important.»
«Des personnes me reprochent de l’avoir gardé»
Hugo (prénom d’emprunt) pousse l’escabelle, pour avoir accès à l’évier de la cuisine. Il a 8 ans et demi et mesure 96 cm. Selon les estimations des médecins, à l’âge adulte, il devrait mesurer 1 m 29.
Il a un petit marchepied en plastique, qu’il utilise pour s’installer sur les toilettes, un autre qui l’aide à grimper dans l’auto, son lit est bas… et ce sont les seuls aménagements dans la maison. Car la priorité de Françoise, la maman, c’est de préparer son fils à l’autonomie, dans un monde qui ne fait pas forcément de cadeaux.
La grossesse de Françoise n'était pas prévue: elle avait 38 ans, déjà deux adolescents, quand elle tombe enceinte. On la rassure, l'enfant n'est pas trisomique. Mais un jour, la gynécologue lui téléphone et lui annonce: «Votre enfant est atteint d'achondroplasie – nanisme disproportionné. Voulez-vous le faire partir?» «J'étais dans la même pièce que son frère, âgé de 15 ans. Quand j'ai raccroché, il m'a dit: "On te demande de tuer mon frère! «»

La fin de la grossesse est compliquée: la maman essaie de se préparer à la naissance d'un enfant différent dans un temps très court et se sent abandonné par le corps médical, qui ne lui offre plus alors que le service minimum. Elle retrouvera ce traitement très désinvolte, plus tard, quand il est tombe malade et passe par les urgences pédiatriques, «comme s'il ne méritait pas d'être bien soigné à cause de son handicap.» La maman a dû à plusieurs reprises entendre le jugement de gens disant «des personnes comme ça, ça ne devrait pas vivre. »
Une intégration difficile
En plus du nanisme, Hugo souffre d’une déficience auditive, et est appareillé des deux côtés.
Le jeune garçon a une intelligence normale; des problèmes pour la calligraphie, mais il y remédie en utilisant une tablette en classe. Sa différence n'a pas toujours été bien acceptée à l'école. «Il a fini par trouver sa place à l'institut Saint Joseph, de Ciney. C'est une grosse école, mais la directrice est ouverte par rapport aux enfants porteurs de handicap.»
L'avenir scolaire de Hugo angoisse un peu sa maman. «Il a recommencé sa première primaire à cause des problèmes de calligraphie. S'il rate encore, il pourrait aller dans l'enseignement spécial.» Et là, elle a peur que son fils ne soit plus du tout stimulé. Car dans la vie de tous les jours, Hugo est un garçon curieux de tout, qui adore nager, skier, et ne demande qu'à vivre la même chose que les autres enfants.
