À Bossimé, des truites font pousser les légumes
L’Atelier de Bossimé investit lourdement dansl’aquaponie: les truites aident à faire pousser les légumes, qui épurent leur eau.
- Publié le 17-04-2018 à 00h00
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Cinquante kilos de truites fario frétillent des nageoires à la surface de l’eau. Elles l’ignorent mais elles inaugurent l’ambitieux projet d’aquaponie lancé ce week-end par Ludovic Vanackere, le chef de l’Atelier de Bossimé (Namur).
L’aquaponie, ou comment l’eau chargée de déjections de poissons nourrit des plantations de végétaux avant de retourner, assainie, aux poissons. C’est circulaire, durable et cela permet – quand c’est bien fait – d’obtenir de beaux poissons et de bons légumes.
À Bossimé, les 35 m3 de bassins nouvellement créés accueilleront une tonne de poissons en continu, de l'alevin à la truite adulte. «On sera à 35 kilos de poisson par mètre cube, ce qui est plus exigeant que les normes bio, dit Ludovic Vanackere. Souvent, dans l'aquaponie, les poissons sont peu considérés, entassés dans leur bassin. Ici, on tient à ce qu'ils aient de l'espace et de bonnes conditions de vie.»
Rassemblées au fond du bassin par la gravité, les déjections des truites passeront au travers d'un biofiltre, des bactéries transformant l'azote en nitrate assimilable par les plantes. L'eau sera dirigée vers quelque 150 m2 de tables à marée installées sous des serres. «Il s'agit de grandes tables sur lesquelles repose un substrat accueillant les plantes, détaille le chef de l'Atelier de Bossimé. Deux à trois fois par jour, le substrat est immergé, les plantes se nourrissent des nutriments que contient l'eau, puis celle-ci se retire. Dans un premier temps, on fera pousser des plantes aromatiques, des micro-végétaux et des salades à couper, comme du mesclun.»
Légumes et poissons (« De belles truites d'un kilo, un kilo deux cents»), figureront à la carte du restaurant mais seront aussi proposés à la vente au magasin à la ferme Les Artisans de Bossimé.
Autre aspect durable de l’entreprise: elle valorise les anciennes infrastructures de la ferme de Bossimé. Les poissons trouvent place dans d’anciennes fosses en béton reconfigurées tandis que leur eau est pompée dans un vaste bassin récupérant la pluie existant depuis belle lurette.
Trois ans de préparation avec la fac de Gembloux
L’investissement n’est pas anodin: 100 000€. Les aspects techniques et scientifiques ont été étudiés, depuis le lancement du projet voici trois ans, avec une équipe de Gembloux Agro-Bio Tech. Il fallait bien ce soutien: l’aquaponie, souligne Ludovic Vanackere, est un modèle d’agriculture très ancien mais assez oublié. On ne fait pas appel à une entreprise pour se faire installer un système aquaponique de cette envergure clé sur porte; il faut de la suite dans les idées et prendre son bâton de pèlerin pour monter pareil projet.
«Mon souhait est aussi de remettre cette technique au goût du jour et de la rendre plus accessible, dit le chef. C'est une alternative ultra-durable permettant d'obtenir des produits de grande qualité. Elle offre une plus grande flexibilité que la culture de légumes en pleine terre, dont on maîtrise moins les paramètres.»