Namur: ça lui apprendra, d’aider un SDF en hypothermie!
En 2015, Grégory Ulbrich portait secours à un SDF, décédé un peu plus tard. Le Namurois y aura gagné quelques soucis judiciaires.
Publié le 30-10-2017 à 18h55
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Avant d’en venir au présent, il est primordial de revenir deux ans en arrière pour tenter de comprendre les faits. En mars 2015, Grégory Ulbrich quittait un restaurant avec ses deux filles pour se rendre à son domicile, situé à Bomel.
Sur la route, celui-ci est passé devant l'abri de nuit à Namur. «Et juste à côté, j'ai vu qu'un homme dormait sur le sol, en face d'un magasin. Il faisait très froid ce jour-là.» Grégory a donc apporté son aide au sans-abri. Il apprendra, par la suite, que ce dernier avait atteint, à l'époque, le quota de 45 nuitées à l'ABN (NDLR: abri de nuit) sur l'année. «J'ai appelé la police. Celle-ci m'a expliqué qu'elle ne savait rien faire, que je devais prendre contact avec l'abri de nuit. On m'a dit que le nécessaire serait fait. Je suis donc rentré chez moi, avec mes deux filles, en pensant que le SDF serait pris en charge.»
«Le monde à l’envers»
Le lendemain, le Namurois apprenait la mort de l'homme. Et, deux ans plus tard, une enquête était ouverte à son encontre pour non-assistance à personne en danger. Il se présentera devant la Chambre du Conseil de Namur le 23 novembre prochain. «La Justice me poursuit alors que j'ai appelé les secours. Le 23 novembre, je saurai si cette affairesera renvoyée, ou non, devant le tribunal correctionnel. On m'a même conseillé de prendre un avocat alors que le parquet requiert le non-lieu! C'est le monde à l'envers. Si c'est le cas, j'espère que je retrouverai à mes côtés les autorités de la Ville, la police ainsi que les responsables de l'abri de nuit.»
En revanche, il tient à souligner qu'il recommencerait son geste. «Ce n'est pas parce que j'estime qu'il y a un dysfonctionnement dans le système que je n'aiderai plus personne. Bien au contraire.»
De son côté, le procureur du roi de Namur, Vincent Macq, explique que la comparution en chambre du conseil ne servira qu'à fermer un dossier de décès par hypothermie, dont fut victime le SDF. «Si nous souhaitons tout clôturer, c'est la procédure habituelle après avoir ouvert une enquête. J'ai mis cette affaire à l'instruction à charge de X. Dans ce cadre, le juge d'instruction s'intéresse à toutes les personnes concernées par le dossier, dont M. Ulbrich. Certains intervenants ont remis en question son attitude. Après avoir pris des renseignements, le parquet requiert finalement le non-lieu. Personne ne devrait être poursuivi.»
«Un problème de communication»
Au final, comme le précise Vincent Macq, Grégory Ulbrich n'a pas besoin de prendre un avocat. Il ne risque rien. Mais le magistrat comprend l'émoi provoqué chez un justiciable qui ne comprend pas. «Il pense être accusé de non-assistance à personne en danger. Ce n'est pas le cas. Nous considérons qu'aucun fait ne lui est reproché. Il y a eu un problème de communication, un manque de lisibilité au niveau de nos courriers. Le problème, c'est que nous gérons un grand nombre de dossiers dans l'urgence en raison d'un manque de temps et d'effectifs.»
Grégory Ulbrich peut donc souffler. Mais cette histoire lui aura tout de même occasionné quelques sueurs froides. À un moment au moins, il a été soupçonné de ne pas en avoir assez fait. C’est déjà beaucoup. Voire vexant. Quand la machine judiciaire se met en branle, il n’est pas si simple de l’arrêter.
Le plus triste dans cette histoire: personne ne se demandera jamais comment quelqu’un a pu mourir de froid, dans une rue de la capitale wallonne.
Jusqu’à deux ans d’emprisonnement

Si Grégory Ulbrich est inquiété dans cette histoire, c'est parce que certains intervenants ont remis en cause son attitude. Au final, le parquet requiert un non-lieu. Il ne sera donc pas poursuivi. Toutefois, à quel moment peut-on être inculpé pour non-assistance à personne en danger? «C'est dans le cas où la personne citée n'a vraiment rien fait. Ce non-respect de la loi est punissable jusqu'à, maximum, deux ans d'emprisonnement. Dans ce cas-ci, même si je ne connais pas les détails du dossier, ce n'est pas le cas. Il a appelé les secours et n'était pas dans l'obligation de rester près du SDF même s'il est toujours possible de faire plus. Nous ne sommes pas des assistants sociaux 24h/24. En tout cas, je plaiderais le fait qu'il a fait le boulot comme un homme responsable et prudent.»
En revanche, il existe des particularités. Me Balleux prend d'ailleurs un exemple: celui d'un homme qui explique à une personne qu'il va tuer son ex-femme ce soir. «On se dit qu'elle ne le fera pas. Pourtant, l'événement, tragique se produit. Doit-on évoquer la non-assistance à personne en danger? Je ne pense pas dans la mesure où on ne peut pas être à chaque instant de la journée et de la nuit derrière cette personne. C'est un cas qui se plaide.» Il existe d'autres exemples comme celui du psychiatre de Geneviève Lhermitte, cette femme qui a été condamnée pour le meurtre de ses 5 enfants. Elle a poursuivi son psychiatre pour non-assistance à personne en danger. Geneviève Lhermitte reprochait à son psy de ne pas avoir donné suite à une lettre qu'elle lui a adressée la veille du drame. «Celui-ci est pourtant tenu au secret professionnel. Et puis, si tous les psychiatres devaient dénoncer les volontés de suicide ou autres de leurs patients, on n'en sortirait pas.»