Eldorado: dernière séance et dernier sourire de la «femme tronc»
Plus de vingt ans de service au compteur, des milliers de billets vendus et autant de sourires échangés. Danielle a quitté le guichet de l’Eldo le cœur serré.
Publié le 20-12-2016 à 18h25
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/762JIXJKLFFEBCJR5MT3DTJNDE.jpg)
Le téléphone ne cesse de sonner dans la petite cabine qui abrite le guichet de l'Eldorado. «Oui Madame, nous allons fermer. La dernière séance est programmée ce mardi à 16 h.» Danielle relaye l'information avec précision et cordialité mais le léger tremblement dans la voix trahit l'émotion qui est la sienne depuis plusieurs jours. Elle enchaîne: «Les coups de fils, depuis que les gens savent que ça va fermer, ils s'enchaînent. On peut s'attendre à avoir du monde.»
Un baroud d'honneur attendu. Un dernier hommage rendu au cinéma de la rue de Fer par ceux qui l'ont fréquenté depuis tant d'années. Et qui l'ont quelque peu délaissé aussi ces derniers temps. Des frais de fonctionnement trop élevé et une fréquentation en baisse ont eu raison de cette mythique usine à rêves. «Quand je suis arrivée en 1995, les files étaient tellement longues que je n'avais pas le temps de papoter avec le client, se souvient Danielle. Quand Titanic est sorti, ça, c'était incroyable. On n'arrêtait pas. Ces derniers temps, comme il y avait moins de monde, j'échangeais quelques mots avec les gens. Je pouvais mieux les renseigner, leur dire que ce n'est pas parce que les critiques sont mauvaises, un film est forcément mauvais.»
À 62 ans, Danielle, surnommée la «femme tronc» par sa patronne, du fait que les clients n'aient jamais vu ses jambes, se retrouve donc sans travail. «Je pars à la prépension, dit-elle. Mais j'aime tellement ce que je fais que je me serais bien vu rempiler ailleurs.» Malgré sa déception, elle a une pensée pour ces collègues, plus jeunes, et a fortiori plus mal loti qu'elle. Dix-huit personnes œuvraient quotidiennement au bon fonctionnement du cinéma.
Dans sa cabine, minuscule mais ô combien chaleureuse, Danielle a été le premier sourire de l’Eldorado pendant plus de vingt ans. Son lumineux visage.