Mine sombre et fantômes éternels
Histoire humaine des souvenirs de la mine: «Macaroni!», l’excellente pièce du Namurois Vincent Zabus, devient une bande dessinée.
Publié le 29-04-2016 à 06h00
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«Le vieux chiant»! Pas de doute, Roméo ne porte pas son grand-père dans son cœur. Mutique, rogneux et un peu effacé, ce «nono» n'est pas l'exemple-type du pépé qu'on a envie de serrer dans ses bras. Et dire que c'est chez lui que le petit garçon va devoir passer quelques jours de vacances: ça promet. Sauf que Roméo n'a pas prévu que ce grand-père, durci par la mine et en proie aux fantômes que celle-ci lui a laissé, se livrerait peu à peu sur sa vie de… «macaroni». Macaroni, comme le nom, l'insulte presque, qu'on donnait aux Italiens qui s'engouffraient dans la bouche béante de la mine, jamais certains de pouvoir en ressortir vivants.
Depuis quelques années, c'est peu dire que Vincent Zabus s'est imposé comme un scénariste marquant et poignant de la bande dessinée, en plus d'être le talentueux homme de théâtre que nous connaissons. Avec Macaroni! (dont la préface est signée par un certain Salvatore Adamo), son nouvel ouvrage paru chez Dupuis, le Namurois livre un témoignage sublime et transgénérationnel sur l'histoire des Italiens en Belgique et sur leur descente aux enfers de la mine.
Découvrir Charleroi autrement
Vincent Zabus raconte: «Quand on prononce le nom de Charleroi, on a cette impression d'horreur. Moi, je voulais faire découvrir autrement cette ville ».
Pour l'immigration italienne et la mine, l'idée lui a été soufflée par une ancienne de ses collègues quand il était encore professeur. «Elle me livrait de manière assez brute l'histoire de son grand-père, immigré italien, qui, tout à la fin de sa vie, se racontait et parlait de choses que jusque-là il avait pris soin d'éviter. Il n'avait jamais parlé de la mine, comme une honte. »
Un ouvrage essentiel
La curiosité et le plaisir de l'enquête poussent alors le scénariste à en faire une histoire de BD. D'autant plus qu'il entend encore ses partenaires de l'Infini Théâtre (Laurent Capelluto, Fabrizio Rongione) agiter les bras tout en parlant de leur «nono» (leur «grand-père) ou de la «Squadra azzura» qui les fait tant rêver. L'occasion est trop belle et les rebondissements multiples (lire ci-contre) n'ont pas raison de l'enthousiasme du scénariste. Et Vincent trouve le compagnon idéal en la personne du dessinateur italien Thomas Campi. «Chacun de nous deux s'est approprié l'histoire à sa manière. Le dessin de Thomas parvient à faire jouer les personnages de façon juste et attachante. Puis, ses couleurs respirent l'Italie, elles font exister l'atmosphère. Thomas est également venu en reportage à Marcinelle et il a fait des photos. Et dans le livre, on reconnaît les rues, les bâtiments. » Une valeur ajoutée à un livre qui se lit pour le plaisir des yeux tout en enrichissant de manière certaine notre connaissance de cette partie de notre histoire. D'autant plus à l'heure de commémorer les soixante ans de la tragédie de Marcinelle et le septantième anniversaire du protocole d'accord italo-belge.
«Macaroni!», Zabus et Campi, Dupuis, 144 p., 24€