Reggie Washington sort Jef Lee Johnson de l’ombre
Avec «Rainbow Crow», le bassiste américain Reggie Washington illumine la musique du guitariste. Un bel album plein de couleurs et de groove.
Publié le 30-05-2015 à 06h00
Guitariste hypertalentueux, mais bien trop méconnu du grand public, Jef Lee Johnson meurt en janvier 2013. Accompagnateur d’Aretha Franklin et de Billy Joel, il est aussi pétri de blues, de jazz et de rock, un génie humble qui formait avec son partenaire Reggie Washington un groupe-référence de la scène jazz-groove-funk. De son côté, le bassiste multipliait les projets avec de grands noms du jazz comme Steve Coleman, Roy Hargrove ou Branford Marsalis; aujourd’hui, il est en pleine tournée européenne avec Lisa Simone, fille de Nina.
Avec son nouvel album, le bassiste a voulu rendre un vibrant hommage à son ami disparu: «Jef disait qu'il allait devenir célèbre! Que les gens parleraient de lui quand il serait mort! Il avait raison! J'ai alors pensé que cet homme méritait une reconnaissance plus large, et j'ai voulu tout faire pour réaliser ce projet car Jef m'a appris tous les concepts que j'utilise aujourd'hui dans ma musique.» Tout ce bagage accumulé aux côtés de Jef Lee Johnson, le bassiste l'a forcément mis en pratique lors de cet hommage: «Ce sont bien sûr des trucs techniques, mais aussi comment visualiser la musique, juste comme un canevas sur lequel vous peignez: fermez les yeux et vous pouvez voir la guitare bouger. Et c'est en grande partie ce que nous avons voulu faire pour ce projet; nous étions en train de peindre, de bouger dans l'espace, vous pouvez sentir ce mouvement sur l'album et plein d'autres choses.»
Reggie Washington se souvient de sa première rencontre avec Jef: «La première fois que j'ai entendu Jef, en 1986 je crois, j'ai tout de suite pensé que ce gars avait quelque chose de spécial, pas comme la plupart des guitaristes de l'époque. Il sonnait frais, d'un niveau très élevé, il jouait avec toutes les émotions que la musique contient.» Dans son tribut au guitariste, Reggie Washington reprend des thèmes joués par Johnson sur toute une série d'albums: «J'ai choisi les morceaux que j'aimais, sa musique comporte tant de facettes, une telle personnalité. Stevie Wonder ou Herbie Hancock ont écrit des morceaux auxquels on ne touche pas, ou très peu. C'est ce que j'ai voulu faire aussi avec la musique de Jef.» Tellement proche que Reggie Washington reprend même un extrait de concert du guitariste pour l'intégrer à sa version de «Take The Coltrane», la composition de Duke Ellington: «C'est un extrait de concert à Paris enregistré sur mon walkman! Ce fut un concert magique, la façon dont Jef a joué ce morceau m'avait scié! Nous l'avons repris en y plaçant un groove à la James Brown.»
La production très soignée de «Rainbow Shadow» (label Jammin'colors) en fait un album aux couleurs variées, soulignées entre autres par la présence de DJ Grazzhoppa qui dessine un paysage sonore autour du leader et de ses invités prestigieux comme Wallace Roney ou anonymes comme sa fille Ella et son épouse Stefany. Un bel hommage à la musique tout court.